Joan Watson, compagne d’abstinence, s’occupe du rutilent Sherlock Holmes, un anglais récemment installé à New York pour y suivre sa convalescence. Ensemble, ils vont résoudre des enquêtes pour la police criminelle de New York.
Elementary est sorti en même temps que le Sherlock de la BBC. La comparaison étant inévitable, force m’est de constater aujourd’hui qu’elle est aussi malheureuse. Soyons honnête, le casting est excellent et la modernisation de Sherlock Holmes vaut autant que la version de la BBC.
Les américains ont eu de très bonnes idées en faisant de John Watson une femme sino-américaine, de Mrs. Hudson une transgenre, de remettre sur le devant de la scène l’inspecteur Gregson et d’en faire un commissaire américain, de faire de Moriarty une femme (oui, ils aiment beaucoup faire changer les genres aux personnages, ce qui n’est pas pour me déplaire), de faire de Mycroft un simple restaurateur qui cache en fait un lourd secret et du père Holmes un génie du mal…
Le problème est qu’ils ne vont jamais au bout de leurs idées, ne les exploitent jamais à fond. Tenez, Mrs Hudson, par exemple : elle apparaît trois épisodes et est ensuite mentionnée cinq fois avant de disparaître complètement des radars. Pourquoi ? Elle aurait mérité un rôle un peu plus régulier ! Est-ce que l’actrice, comme Natalie Dormer qui joue Moriarty, ne pouvait pas revenir à cause d’un emploi du temps chargé ? Et bien, si ça s’explique pour Dormer qui venait d’être castée au même moment pour jouer dans Game of Thrones, ce n’était à priori pas le cas pour Candis Cayne, l’interprète de Hudson. Du reste, Mrs Hudson n’est pas le seul personnage à apparaître et disparaître d’une manière parfaitement grotesque. Mycroft Holmes, après être apparu dans la saison 2, joue les morts pendant une bonne partie de la série avant qu’on apprenne… qu’il est réellement mort dans la saison 6. Je suppose que l’acteur a refusé de revenir au moment où son perso le pouvait… ça ou une intervention aurait été trop chère pour la production.
C’est assez dommage parce que, après avoir utilisé tous les personnages de l’univers de Sherlock Holmes, et les avoir utilisés de manière aussi pauvre, on sent que les scénaristes tournent en rond et ne savent plus quoi ajouter pour apporter une touche satisfaisante à leur série. S’ils rattrapent bien le coup avec le remplaçant de Moriarty qui est un professeur, l’histoire de mafia avec Shinwell, le Syndrome Post-Commotionnel, le tueur en série et Reichenbach sont nullissimes et parfaitement oubliables.
L’autre grand problème de cette série est que, in fine, ce n’est qu’une simple série policière américaine avec Sherlock Holmes dedans. Or, si vous vous y connaissez un peu en série, vous comprendrez tout de suite que la série policière est une des recettes télévisuelles les plus usées jusqu’à la moelle.
C’est toujours le même schéma actantiel : il y a un meurtre, plus ou moins extraordinaire, on interroge un suspect, un deuxième, un troisième, un quatrième qui nous fait revenir au troisième, à ce moment-là, coup de théâtre : le troisième suspect est mort, on va interroger une cinquième personne qui nous fait revenir aux deux premiers suspects dont on réussit, par une situation extraordinaire ou pas, à faire avouer les meurtres. Tout cela, saupoudrée du fil rouge de la saison ou d’une ou deux intrigues secondaires qui nous permet de nous de nous focaliser sur un personnage principal en particulier.
C’est déjà assez banal pour Sherlock Holmes mais soit, c’est ce qu’on nous a vendu ! Ça commence à être un peu plus horripilant lorsqu’on se rend compte que certaines séries, qui introduisaient une réplique officieuse de Sherlock Holmes, s’en sortent mieux avec les codes de l’univers qu’Elementary. Je pense notamment à Forever, dont j’ai déjà fait une critique dessus, et Dr House. Forever, sans proposer des intrigues extraordinaires, nous avait donné un personnage fort et attachant dont les déductions très holmésiennes permettaient de faire avancer l’enquête. Dr House nous vendait toujours et à chaque épisode un mystère (médical) complexe qui allait nécessiter des méthodes policières pour le résoudre. Alors, certes, Forever n’a pas tenu assez longtemps pour qu’on sache si ça aurait bien fonctionné et Dr House a fini par être répétitif. Mais ça vaut toujours mieux que le traitement qu’Elementary nous inflige !
Oh, certes, au début, ils ont fait l’effort de nous proposer un semblant de mystère holmésien à chaque épisode mais la recette s’est essoufflée parce qu’elle était déjà faible : à la fin, le duo ne fait plus que des meurtres et des disparitions bien classiques du genre. Non pas que ce soit une hérésie, c’est pas parce qu’il était un bon auteur que Doyle n’a jamais utilisé des clichés propres au genre. Mais il a toujours su les utiliser intelligemment pour créer la véritable force du mystère qu’il racontait. Ici, ils ont voulu s’éloigner des livres pour éviter d’être répétitif avec Sherlock (et d’être accusé de plagiat comme ils ont failli l’être). Mis à part le sentiment parfaitement personnel que, du coup, aucun scénariste engagé n’avait lu un seul livre (je veux dire Tobias Gregson est devenu Thomas Gregson, pourquoi ? Une page wikipédia n’a pas pu les renseigner à temps ?), le résultat escompté est qu’ils n’ont jamais essayé de faire beaucoup de références aux livres ou de bien s’en inspirer. A part l’épisode sur le Chien de Baskerville mais c’est parce que c’est le roman le plus célèbre de Doyle donc évidemment qu’ils allaient en faire l’adaptation tôt ou tard ! Mais même cet épisode, comparé à celui de la BBC, fait pâle figure.
Certes, ce n’est pas le même format, mais le problème vient plutôt qu’ils, américains et britanniques, ont eu tous les deux le moyen de faire une version moderne du Chien de Baskerville et que les américains n’ont pas réussi à utiliser à leur avantage tous les éléments du livre pour faire un épisode fort et marquant.
C’est dommage parce que, comme je l’ai dit plutôt, la série a un bon nombre de points forts mais mal exploités et combinés aux éléments d’une série policière lambda, Elementary finit par perdre un peu (beaucoup) de sa flamme, ne devenant que l’ombre de Sherlock, là où elle avait tout le potentiel d’être son égal.
PS : Avec le recul, l’intrigue d’Odin Reichenbach n’est pas nulle. C’est juste une version plus courte de Death Note et, si l’acteur n’était pas aussi charismatique, ça passerait moins.