Bien curieuse idée que celle d'adapter le film culte des frères Coen. Un, il n'appelait pas à une suite ou une réinterprétation. Deux, s'y essayer équivalait prendre le risque de l'écorner.
Rassurez-vous, le romancier Noah Hawley le sait et met donc les choses au point. Non, il ne s'agit pas d'une séquelle ou d'un remake télé. La série se déroulera dans le même univers et partagera avec le film son lieu phare (la petite ville de Fargo) et ses pivots narratifs.
L'œuvre des Coen était un précis du polar mixant humour et hémoglobine dans le même mouvement. Du noir teinté d'absurde et peuplé de personnages mémorables.
La série conserve cet état d'esprit. Dans les grandes lignes, on retrouve sensiblement la même histoire : celle du faible (Lester) que sa rencontre avec un criminel (Malvo) va précipiter dans un dédale de situations inextricables, qu'une policière va s'efforcer de remonter.
Noah Hawley a fait ses armes sur les séries (Bones, par exemple), mais c'est avant tout un écrivain qui s'est déjà frotté plusieurs à l'exercice du thriller tordu (et parano). Son écriture des épisodes de Fargo est une sublime révérence au monde décalé des Coen. La narration retorse et ses dialogues ciselés font déjà de cette première saison un incontournable de 2014. Ce qui la propulse en pole position des créations les plus réussies de cette décennie, c'est son casting.
Martin Freeman est comme toujours admirable d'énergie et de naturel dans la doudoune de Lester, travailleur modeste et soumis à son entourage qui entame sa métamorphose dans le sang.
Allison Tolman, dans un rôle analogue à celui de Frances McDormand dans le film, illumine la série avec sa prestation douce et chaleureuse.
Il faut signaler la performance hilarante de Bob Odenkirk, le chef de la police boute-en-train mais incompétent, et le duo de flics malchanceux formé par la paire décapante Keegan-Michael Key/Jordan Peele.
Mais il y en a un qui trône sur tout ce petit monde, et c'est Billy Bob Thorton. L'acteur trouve son plus grand rôle avec Lorne Malvo, sorte de Méphistophélès jouissif et catalyseur de l'apocalypse sanguinolente à venir. Il agit aussi comme révélateur des caractères dissimulés chez ses acolytes/victimes pour mieux renforcer son emprise sur eux. Tour à tour glaçant, drôle et charismatique, Billy Bob Thorton offre à la télévision l'un de ses antagonistes les plus forts depuis belle lurette.
Cette première saison frappe très très fort. Non seulement elle s'inscrit dans une parfaite continuité avec le film de 1996, mais en plus elle n'a rien à lui envier. Ce qui est suffisamment incroyable pour être notifié. Qu'il s'agisse de la réalisation (peu avare en séquences marquantes), de son écriture magistrale, de sa direction artistique et de sa bande-son, cette fournée de dix épisodes frigorifiques est l'un des plus cadeaux à se faire, bien installé au chaud sous la couverture.