Foundation
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Série Apple TV+ (2021)

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Il ne suffit pas de mettre un Seldon parlant de psychohistoire ...

Hé non, il ne suffit pas de mettre un Hari Seldon employant le mot psychohistoire à chaque épisode pour faire un "Fondation".
L'oeuvre majeure d'Isaac Asimov a été de pouvoir créer une histoire là où il n'y en n'a pas. En effet, le principe fondamental de la psychohistoire c'est que les actions individuelles ne comptent pas. Salvor Hardin l'a bien compris car quand survient la première crise avec Anacréon, il ne fait absolument rien du tout (je parle là du roman, pas de la série). Et la première crise se résout tout seul avec les trois autres royaumes qui empêchent Anacréon de mettre la main sur la Fondation et sa technologie puis par la suite chaque royaume étant bloqué par les trois autres pour éviter que l'un d'eux ne prenne un avantage décisif sur les autres et maintenant ainsi un statu-quo qui permet à la Fondation d'évoluer tranquille.
De même quand Bel Riose, général de l'Empire, part dans ses conquêtes expansives pouvant l'amener alors jusqu'à conquérir la Fondation, les deux héros locaux (j'ai oublié leur nom) tentent de le contrecarrer sans succès alors qu'il suffit de laisser faire l'Histoire, Histoire dans laquelle un empereur fort ne permettra pas à un général de devenir fort lui aussi et le fait alors exécuter. Cash. Encore une fois la Fondation s'en sort sans avoir à bouger le petit doigt.
Ok c'est l'action solitaire de Bayta Darrell qui fait échec au Mulet, sauvant ainsi la Fondation, action que la psychohistoire ne pouvait pas prévoir. Mais le Mulet étant lui-même un mutant non prévu par la psychohistoire, il est alors normal qu'un élément perturbateur négatif imprévu soit contrebalancé par un autre élément perturbateur imprévu lui-aussi (et puis il fallait quand-même faire un peu bouger les choses dans ce second roman pour amener à découvrir la seconde fondation et la façon qu'a Preem Palver de la faire repartir dans l'oubli dans le 3° roman). Bref si on examine bien l'histoire de la Fondation dans les romans, on se rend compte en réalité qu'elle n'a rien à faire qu'à laisser suivre tranquillement le cours des évènements (en plus ils sont aidés par la seconde fondation qui veille au plan).


Et là arrive cette série où malgré un début assez conforme à l'idée (il est bel et bien dit que la psychohistoire ne peut s'appuyer que sur les masses et que les actions individuelles n'entrent pas en ligne de compte) ensuite tout part en sucette. C'est soit "tu es un élément essentiel à la psychohistoire" soit "si tu fais partie du plan tout s'explique" (sauf qu'en fait ça explique que dalle) ponctués de "on traverse une crise Seldon" toutes les 15 minutes (étonnant vu que l'épisode 9 se nomme "la première crise" mais ça ne doit pas être les mêmes styles de crises) avec Gaal Dornick, personnage mineur qui occupe juste les 15 premières pages dans le premier roman qui prend ici une importance prépondérante (elle était même destinée à diriger les débuts de la fondation). Et on mélange tout (Anacréon, les marchands, la religion, éléments qui dans le roman sont étendus sur des dizaines (centaines?) d'années et non pas concommitants).
Ok il y a des images fabuleuses (j'ai regardé deux fois l'accident de l'ascenseur spatial qui est superbement réalisé), des idées intéressantes (rendre Cléon immortel par ses clônages successifs était bien trouvé) mais bon, si le but de David S. Goyer et Josh Friedman étaient juste de s'éclater à mettre du plein les yeux, il y avait plein d'autres possibilités tout en restant dans Asimov comme par exemple David Starr, la fin de l'Eternité, l'histoire de l'Empire (avec cette tétralogie que sont les cavernes d'acier, face aux feux du soleil, les robots de l'aube et les robots et l'empire qui auraient donné matière à faire du grand spectacle) que de s'attaquer à cet Everest finalement impossible à gravir et finir par dévisser. Même les romans "prélude à Fondation" et "l'aube de Fondation", romans qui retracent la vie de Hari Seldon, auraient pu servir de base à cette série car justement ces romans se focalisent sur un personnage et sa vie et non pas une histoire de 500 ans (durée réelle entre le premier roman "Fondation" et le dernier "Fondation foudroyée" faisant partie du pack "originel") et dans laquelle les héros sont là puis disparaissent remplacés par d'autres tout aussi plaisant. Ou alors si vraiment ils voulaient partir sur une série "inspirée" de l'univers ils pouvaient partir sur une série nommée par exemple Trantor et laisser aller là le cours de leur inventivité et tout le monde aurait applaudi. Mais cette "Foundation" (oui, parce qu'en anglais ça donne un accent classe) c'est plus que raté, c'est juste un échec et finalement il ne reste que l'accent.


Et donc quand il n'y a rien à dire mais qu'on se force à dire quand-même des trucs on en arrive à cette série magnifique certes mais qui ne contient en réalité que platitudes et ennui en bouchant les trous comme on peut. Exemple Gaal Dornick qui récite la liste des nombres premiers pour faire genre "je suis une tête en maths" quand il faut combler un vide tout en expliquant aux réunions de travail sur l'Encyclopédie (but officiel de la mission) que la base 10 n'est pas forcément innée et que d'autres planètes comptent en base 27 (elle n'a pas bien dû faire le lien entre la numération et le nombre de doigts ou alors, comme Caradoc, elle en a 11). Ou comme cet artefact inconnu qui endort tout le monde (y compris les télespectateurs) censé être mystérieux et intriguant mais dont en réalité on se bat totalement le steak. Et c'est finalement une série dans laquelle aucun de ceux qui ont lus et aimés les livres ne s'y retrouveront ; et pour laquelle le scénario amènera des écarts de plus en plus grands avec les idées de Isaac Asimov jusqu'au moment où Eto Demerziel (rappelons pour ceux qui n'ont pas lu la saga mais qui connaissent un peu l'univers d'Asimov qu'il s'agit en réalité du robot R. Daneel Olivaw) en arrive à tuer sur ordre de l'empereur. Un robot? Tuer sur ordre??? Effectivement, tant qu'à déconner, autant faire du no-limit en s'asseyant aussi sur la première loi de la robotique, on n'en est plus à ça près !!!


Donc voilà. Je me suis ennuyé et ne regarderai pas la saison 2 (ni les autres si tant est qu'il puisse en y avoir d'autres vu l'audience prévisible). C'est dommage mais là où appliquer une telle technique cinématographique à toute autre oeuvre aurait été une pleine réussite, ici cela laisse juste la pénible sensation que c'est un ratage total et irrrécupérable. Et le plus triste, c'est que maintenant que cette oeuvre majeure a été portée, complètement ratée certes mais quand-même portée, tous ceux qui l'attendaient depuis de nombreuses années savent que plus jamais quelqu'un d'autre ne s'y risquera même si cet autre aurait eu plus de chances ou plus d'inspiration s'il avait été le premier ; et que donc désormais il ne faut plus espérer avoir un vrai Fondation à l'écran. Merci à David S. Goyer et Josh Friedman pour avoir tué cet espoir et surtout merci à Robyn Asimov ayant si magnifiquement su tirer "profit" de l'oeuvre de son père en nous faisant un gros fuck. De toute façon ce n'est pas moi qui paye la note, c'est AppleTV et vu le nombre de personnes qui disent "suite à cette série je me désabonne" quelque chose me dit qu'ils n'ont pas fini de le regretter.

Svear
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le 11 déc. 2021

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