Gangs of London est une étrange hydre à deux têtes, dont les épisodes sont généralement composés de 50 minutes d'intrigues mafieuses alambiquées, pour 5 minutes d'action explosive et ultra-violente en roue libre totale. Mais contrairement à d'autres séries mêlant thriller criminel et action (Daredevil, Warrior), le contraste entre ces deux identités est tel que j'avais parfois l'impression d'avoir changé de chaine et passer sans transition de Peaky Blinders à The Punisher.
La série est dirigée par Gareth Evans, à qui on doit l'excellent "The Raid", considéré à juste titre comme une œuvre charnière du film d'action, et dès que ça commence à se tabasser, on reconnait immédiatement son style de mise en scène brutal et toujours parfaitement lisible malgré le chaos des séquences. On retrouve aussi son goût pour l'utilisation inventive de l'environnement et quelques tics de réalisation comme les caméras qui pivotent à 90° pour suivre un personnage renversé. Ces scènes d'action sont généreuses, sanglantes, souvent inutilement gores et excessives, mais j'en ai apprécié chaque seconde, et les chorégraphies sont si uniques et créatives que j'ai souvent eu envie de les regarder deux fois pour en apprécier la richesse, car aucun slow-mo à la Spartacus ne se mettra en travers de votre adrénaline.
Entre les bourre-pifs, la série souffle le chaud et le froid, et je sors de la première saison relativement satisfait, mais sans besoin impérieux de regarder la suite, alors que l'histoire s'est arrêtée sur un pseudo cliffhanger. Les magouilles politiques entre factions m'ont tenu en haleine, et j'avais envie de connaitre le fin mot de l'histoire, mais ça avance très lentement, entrecoupé d'intrigues annexes peu palpitantes et d'épisodes de remplissage.
o o o
Mon plus lourd grief est que je n'ai d'empathie pour aucun des personnages de la série, et ce n'est en aucun cas lié à leur status de criminels, puisque j'ai adoré de nombreuses séries mafieuses, des Sopranos à The Wire, en passant par SoA ou Boardwalk Empire. Je n'ai aucun problème à encourager de parfaits connards, bien au contraire. Ce qui m'a dérangé, c'est plutôt cette thématique maladroite des vieux manipulateurs contre les jeunes impulsifs, alors qu'en l'occurrence, les vieux sont trop cons pour manipuler correctement, et les jeunes survivent par coups de bol improbables.
Le duo de protagonistes manque aussi singulièrement de charisme, avec un Sean (Joe Cole) qui ressemble plus à un chiot perdu qu'au truand badass qu'on nous vend, et Elliot (Sope Dirisu), un personnage écrit avec le cul, dont les motivations vaseuses et les constants retournements de veste en font un très mauvais choix pour ce qui est censé être le 'héros' de la série.
Heureusement, les seconds rôles m'ont un peu plus séduit. Je suis toujours content de voir Michelle Fairley (Catelyn Stark dans GoT), Ed est un tel abruti qui se prend pour un génie du crime qu'il en devient attendrissant, et Luan a une bonne bouille.
J'ai souvent eu l'impression que la série voulait essayer d'établir des personnages stylés, dangereux et capables, à l'image de Lale, Asir, Jevan ou Marian, mais leurs rares triomphes sont si vite occultés par leurs spectaculaires foirages qu'ils en deviennent involontairement comiques, car ils ne semblent jamais réaliser à quel point ils sont mauvais, et continuent de se comporter comme des seigneurs du crime.
Et je viens de chier copieusement sur la série pendant trois paragraphes, mais j'ai quand même passé un bon moment devant la première saison, et il y a de bonnes chances que je regarde la suite. Ça tient à une mise en scène solide, une belle direction photo, des thèmes mafieux dont je suis très friand, et des scènes d'action ridiculement brutales qui vous réveillent immanquablement, même si elles paraissent parfois un peu hors sujet.