Je suis assez peu familier avec le genre « Western », sans doute parce que je suis né à la mauvaise époque. Ma connaissance se limite aux quelques western célèbres comme la trilogie du dollar de Sergio Leone, mais je n’ai jamais ressenti le besoin, sans doute par flemme, de me plonger dans des œuvres moins connues. Mais alors pourquoi me suis-je intéressé à cette série ? Peut-être parce que le concept me paraissait plus attrayant, quand bien même il n’a pas tout à fait été « respecté » lors de la série.
Que raconte « Godless » ? Succinctement résumé, il s’agit de l’histoire de Roy Goode, un jeune homme beau, vertueux, musclé, fort, ancien membre d’un clan de bandits, qui le fuit désormais après les avoir trahis. Il s’oppose à Frank Griffins, un vieil homme méchant et mutilé, prêt à massacrer quiconque se dresse sur sa route, pillant et détruisant des villes au nom de son ambition. Il se réfugie donc auprès d’Alice Fletcher, exilée de la ville de « La Belle » qui a perdu la majorité de sa population masculine. Une intrigue classique enrobée dans un background prometteur, qu’en est-il réellement ?
Jugeons d’abord par sa forme : Godless est une très belle série. Le western pourrait-il être considéré comme un genre suranné, témoin d’un ancien temps, de cette Amérique indépendante depuis un moment mais encore trop dispersée pour devenir la surpuissance d’aujourd’hui ? Eh bien, s’il n’avait pas perdu en popularité, il aurait pu s’imposer de nos jours avec les nouvelles technologies aptes à immerger le spectateur, tels que l’ont montré les derniers Tarantino ou encore The Revenant. Alors on arpente des paysages teintés d’ocre et de smaragdin, on se fond dans la mélodie des galops et des tirs de fusil, l’on découvre l’architecture cohérente et fascinante de l’époque. Le travail de l’esthétisme, du son et de la musique est d’excellente qualité, digne du peu de westerns que j’ai vus, et en ce sens, il s’agit d’un brillant hommage au genre.
Aussi immersif que soit cette série, la beauté ne peut suffire et l’œuvre se doit de posséder un bon scénario et des personnages solides. Et là, même si j’en garde une impression positive, le constat s’avère assez inégal. Le déroulement de Godless s’apparente à une ligne droite entourée de lignes courbes dont certaines contiennent quelques ratures. Je vais donc d’abord m’attarder sur cette ligne droite avant de s’attaquer à ces lignes courbes, sous-intrigues côtoyant parfois le remplissage.
On a donc un gentil et un méchant. Je caricature mais heureusement c’est plus complexe que cela : Roy Goode comme Frank Griffin se révèlent mieux fourni en termes de personnalité. Sur le papier, on a déjà vu le coup de l’homme blanc séduisant la « belle femme blanche et forte » en le nom d’Alice Fletcher qui, bien que sympathique, se montre trop en retrait selon moi. Et il en va de même par sa relation père-fils avec le garçon amérindien efficace à défaut d’être originale et subtile. Mais la grande qualité de ce personnage, outre de rendre hommage aux héros de western (même si le classique héros hollywoodien s’est greffé par là), est sa construction progressive : moult flash-black viennent le nuancer et c’est au travers son parcours qu’on s’aperçoit de sa complexité.
Frank Griffin aussi s’échappe de son carcan « d’antagoniste classique ». Parfois l’intrigue insiste trop sur son statut de méchant : Frank détruit des villes, Frank viole des femmes, Frank massacre des malades, Frank tue des noirs, oui je pense qu’on a déjà vu plus subtil. Cependant, la série développe en parallèle tout un thème de la rédemption en croisement avec celui de Roy Goode. Frank est un chrétien convaincu et, dans un élan de bonté (ou d’hypocrisie), réfléchit sur sa condition, sur ses actions. Et mine de rien c’est plutôt rare de voir un méchant prendre autant de recul : le mal en devient une question de point de vue car lui comme chacun de nous sont persuadés de répandre le bien. Je reste toutefois dubitatif quant à la fin du personnage :
Après une bataille finale plutôt bien rendue, Frank Griffin… s’échappe sous le nez de tous. Alors bon, il s’agit d’une technique utilisée dans les dessins animés, comment ont-ils pu se rabaisser à ce niveau ? Ensuite il rencontre le garçon amérindien dans un clin d’œil bien mené pour que Roy le rattrape et qu’il l’affronte dans un ultime duel. Et finalement, tout ce cheminent, il a tant de fois répété « J’ai vu comment j’allais mourir », et Roy réplique « T’as mal vu », peu importe combien ça montre que sa foi était fausse, c’est un anticlimax
Qu’en est-il des autres personnages ? On navigue du bon au moins bon en gravitant autour du passable. Ils sont indispensables au déroulement de l’intrigue inhérent au format série mais les passages de certains s’apparentent à du pur remplissage cumulé à de la frustration quand on pense aux développements inachevés. La plus grosse surprise demeure Marie-Agnès : je démarrais avec un mauvais à priori à cause de son personnage médiocre que l’actrice interprétait dans The Walking Dead. Heureusement, elle est mieux dirigée ici : son personnage fait vivre la ville de la Belle au travers de ses actions et de sa romance classique mais bien exploitée avec la professeure (et une romance lesbienne dans un western est assez rare que pour le signaler !). Son personnage est déjà mieux exploité que ses compatriotes de ce village, masculins et féminins. Je m’interroge notamment quant à l’utilité du shérif Bill McNue et de son adjoint Will Whitney. Le premier sert à captiver par une traque du groupe de Frank Griffins tandis que le second nous montre comment un jeune homme « moderne » s’en sort dans une telle société au travers de sa romance « impossible » avec une musicienne noire et ses tentatives foireuses de paraître autoritaire. Je n’ai pas grand-chose à ajouter concernant Alice, le garçon amérindien et sa grand-mère, intéressants mais qui évoluent peu au cours du récit, ou au marshal dont le sort est prévisible dès le moment où il enquête sur Frank. De manière générale, la fin de la plupart des personnages me dérange :
La bataille finale est très bien rendue et est le seul moment bien « féministe » de la série puisque le camp des gentils est composé à 90% de femmes. Leur avantage est logique dans le sens où elles connaissent le terrain et les prennent par surprise malgré leur manque de maîtrise des armes hormis Alice, Marie-Agnès et Martha, néanmoins ce sont juste des figurantes qui meurent, tant pis pour les enjeux dramatiques. Ah et… Will Whitney meurt sans que je comprenne pourquoi. À quoi ça a servi de confronter ce personnage au monde réel si c’est pour qu’il se fasse poignarder comme un débile en sortant sans raison avec sa pose pseudo stylée ? S’il y avait bien un personnage à tuer dans cette bataille, c’était Bill McNue. Il n’avait aucune raison de survivre à la discussion avec Frank à la fin de l’épisode 4, sinon que c’aurait créé de la redondance par rapport à la mort du marshal dans l’épisode précédent, et par la suite il sert juste à créer des deus ex machina (sérieusement il retrouve Roy au hasard). Aussi, hormis pour Roy et la famille d’Alice, la conclusion est assez pauvre pour les autres personnages : que vont devenir les habitants de la Belle après ce nouveau drame ?
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Malgré ses défauts évidents, Godless demeure une série belle, rythmée et efficace, alternant entre la contemplation et l’action requises pour former le genre. J’ignore s’il s’agit d’une quelconque renaissance du western mais l’histoire se tient et la série a accompli ce qu’on lui demandait en dépit de quelques fausses promesses.