Grendizer U est une excellente série qui reprend selon les codes actuels, tout en l'enrichissant, l'intrigue imaginée par Shozo Uehara et Go Nagai.
Les vrais fans de Goldorak ou UFO Robot Grendizer pourront en effet se réjouir de nombreuses fois :
- Leur héros a une nouvelle vie et est à nouveau sous le feu des projecteurs ; Actarus et son histoire méritent de ne pas être oubliés mais au contraire qu'une foisonnante production naisse de la série originale (il n'y a pas de raison que seuls les héros d'outre-Atlantique aient une postérité infinie de remakes et de reboots : Goldorak doit aussi susciter de nouvelles productions pour les années et décennies à venir, il faut encourager ce genre d'initiatives venant d'amoureux de la série) ;
- Goldorak n'est pas avec U associé uniquement à une simple succession de bastons robotiques car les auteurs ont privilégié la dimension psychologique des personnages et leurs relations interpersonnelles (c'était la volonté clairement annoncée dès 1999 à Paris au Forum des Halles par Go Nagai et conformément également à l'intrigue originale et celle du court-métrage prototype La guerre des soucoupes volante, qui est essentiellement une histoire d'amour) ;
- L'histoire originale dont toutes les potentialités n'avaient pas pu être exploitées se voit ici complétée et intégrée dans un contexte plus vaste avec notamment plus d'informations sur les civilisations extraterrestres d'Euphor et Véga (le travail du scénariste Ichiro Okochi, dont l'œuvre est déjà riche et reconnue, est remarquable, car il a su inventer quelque chose de neuf et de fort mais très respectueux de la série de 1975-1977, une simple redite n'aurait pas été intéressante) ;
- Sans disposer des moyens de la Toei, Mangas Production a su produire une animation de qualité et de très belles images, souvent pleines de poésie, d'amour des fleurs et de la nature, et de ce fait conformes à l'esprit anthophile de la série originale(on peut certes toujours faire mieux mais ce n'est pas pour son animation que la série de 1975 a été adorée) ;
- D'innombrables hommages à la série originale et plus généralement à l'œuvre de Go Nagai sont présents dans tous les épisodes faisant de la série toute entière un hommage respectueux et mérité (on sent que la série d'origine a été étudiée en détail, avec un grand respect pour celle-ci au travers de tous ces hommages intelligemment placés, et pas seulement dans l’épisode 4 qui s'inspire directement de l'épisode 25 sorti en 1975) ;
- La relation entre Alcor et Actarus est finement rééquilibrée (leur complémentarité dans le cadre d'une belle histoire d'amitié leur permet de combler leur lacunes respectives, "one path opens when two unite" dit-on dans une des bandes-annonces de la série) ;
- De nouvelles générations pourront s'approprier Goldorak par des clins d'œil visuels stylistiques ou scénaristiques à des œuvres plus récentes comme Neon Genesis Evangelion Evangelion ou Mobile Suid Gundam Seed (Mitsuo Fukuda et Yoshiyuki Sadamoto sont à la manœuvre pour le design et la réalisation) ; elles pourront ensuite découvrir et aimer la version originale (Grendizer U sera pour eux une introduction intéressante à celle-ci, qui leur permettra de la regarder différemment) ;
- Les deux génériques de fins d'ouverture aient été confiés à des groupes de rock japonais connus internationalement et qui si on en juge les critiques et réactions sur les réseaux ont produit deux très bonnes chansons : Protect You de Band-Maid (qu'on peut interprété comme une adresse de la fleur blanche à la fleur rouge, de Teronna à Rubina/Végalia) et Kaishin no ichigeki de Glay (les musiques de fond de Kohei Tanaka qui a composé la superbe et chanson d'Aphélie/Naida sont en outre de grande qualité) ;
- Actarus retrouve laa beauté physique et morale du personnage originel, certes sous une forme rajeunie (logique pour un jeune prince d'à peine 18 ans qui ne peut avoir l'épaisseur et la virilité musculaire d'un homme plus âgé) ; il est aussi très torturé comme dans la première série, davantage encore (mais ses faiblesses l'humanisent, elles sont bien naturelles vu les épreuves qu'il a dû subir…) ;
- Le design de Goldorak est extrêmement fidèle au design originel tout en étant plus réaliste techniquement parlant (notamment au niveau de l'intégration de Goldorak dans la soucoupe porteuse ou Spazer qui a été dessinée pour être réalisable comme jouet) ;
- Goldorak est magnifié comme le robot tout-puissant et à nul autre pareil ; si celui-ci peut comme dans le générique de la série originale détruire d'un coup de cornofulgur plusieurs golgoths (Enban-jū), ces derniers produits à l'échelle industrielle ne sont pas ses antagonistes principaux ; au-dessus d'eux il y a les monstrogoths (Vega-jū) uniques et en partie organiques et les Dizers (des robots pilotés par des chevaliers Starkers) qui offrent plus de résistance mais ne surpassent pas le plus parfait des Dizers, Grendizer !
- Mazinger est intelligemment intégré dans la série qui fusionne l'univers de Goldorak avec celui de son précurseur, il est présent et honoré sans voler la vedette au robot du prince d'Euphor (les Français ne connaissent souvent pas l'histoire du robot de Koji/Alcor ; Grendizer U corrige l'aberration scénaristique de sa mise au musée et alors que Mazinger Z ne faisait qu'une brève apparition comme flashback dans l'épisode 1 de Grendizer, ici c'est lui qui détruit le premier golgoth qui attaque la terre, le fameux Giru Giru) ; cette fusion d'univers intègre aussi celui du court métrage sur Gattaiger, également trop peu connu en France, elle permet de dire que le U est celui de l'unification de ces univers robotiques, du film prototype, et même des mangas puisque certaines idées développées par des auteurs comme le mangaka Gosaku Ōta dans son manga sur Goldorak se retrouvent dans U ;
- La légende de Goldorak n'est pas condamnée à se recroqueviller uniquement sur sa glorieuse première étape, mais doit se réincarner régulièrement et donner vie à une multitude de programmes qui pourraient faire rêver pendant des siècles… Restreindre Goldorak à la série de 1975, ce serait comme enfermer Superman dans son comics de 1938 ou l’univers Transformers à la série G1 de 1984-1987, ce serait dommage et bête. L’avenir tend les bras à Goldorak ! La nouvelle série n'enlève rien à la première qu'elle ne prétend pas remplacer, il n'y a pas à les opposer vainement dans une rivalité mimétique qui n’a pas lieu d’être, elles n'ont pas le même objectif et se complètent parfaitement. Car Goldorak plaît à toutes les générations : nombreux sont les parents qui communiquent leur amour de la série à leurs enfants et parfois ceux-ci la découvrent tout seul sur internet. Il suscitera toujours de l'intérêt et de la passion même si c'est dans des proportions variables selon que des initiatives dans le genre de Grendizer U seront lancées ou non. Il vaut mieux qu'il y en ait plus que pas assez et, même si des productions de moindre qualité sortaient, il faudrait s'en réjouir pour le robot cornu car elles témoigneraient de l'intérêt et de la fascination qu'il suscite. Ici, de toutes façons, avec Goldorak U, la qualité est an rendez-vous.
Bien sûr, une minorité d'autant plus agressive qu'elle sera minoritaire pourra toujours se croire puriste de la série de 1975-1977 en critiquant abusivement U. Loin de défendre Goldorak, ceux-là ne feront que manifester leur volonté de l'enterrer avec eux-mêmes. Il y a toujours des râleurs psychorigides et même des "haters" qui deviennent des trolls sur internet. Le plus grave est de constater qu'ils ne se rendent pas compte qu'ils n'appliquent pas le même référentiel de critique aux deux séries : ils voient la série d'origine avec la perception du monde de leurs 5 ans et la nouvelle avec le regard acerbe et parfois aigri d'un adulte qui a pris quelques décennies dans l'œil et inventeront des incohérences imaginaires sans voir celle bien réelles qui existaient dans la première histoire. Dans tous les cas, que l’on aime ou non, le dénigrement systématique et la violence verbale n'ont pas leur place, les échanges courtois et respectueux doivent être de règle quand on parle du travail d’artistes qui se sont donnés beaucoup de mal pour créer quelque chose de beau et d'intéressant (il est plus facile de communiquer la détestation que l'amour hélas). Mais qu'on soit rassuré : ils y ont réussis et qu'ils en soient chaleureusement remerciés ! Les vrais fans de Goldorak, connaisseurs fins de son histoire et ayant de l'ambition pour lui et pas seulement de la nostalgie, ne pourront qu'apprécier le beau cadeau qu'on leur avec fait et exprimeront aux auteurs, dessinateurs, producteurs de la série une profonde gratitude !
Au-delà de ces considérations, toutes les générations, et parmi elles, celles et ceux qui n'ont pas connu la série de 1975-1977, pourront prendre plaisir à :
- Voir une très sympathique bande de jeunes talentueux et courageux vivre des aventures émotionnellement fortes, selon un scénario inédit, habile et dense (si bien que parfois on aurait aimé qu’il y ait plus d’épisodes pour prendre le temps de mieux apprécier tous les développements de l’intrigue) ;
- Découvrir l’identité forte d’une série dotée un cadre visuel coloré et lumineux, à base de couleurs pastel et claires (clarté et harmonie des couleurs), maniant la scintillance avec brio (usage proportionné et approprié et restreint aux écrans ou aux effets surnaturels de la fluorescence), souvent empreint d'une grande poésie bucolique et florale, proche de celle de la série de 1975-1977 ; cette esthétique propre ne s'oublie pas et on appréciera en particulier la beauté des robots et de la très originale Végastar, le travail sur le style des tenues ou bâtiments extraterrestres comme la salle du trône d'Euphor ;
- Imaginer un univers mythologique et technologique original, enthousiasmant par ses potentialités dont on ne peut que souhaiter qu’elles soient exploitées dans de nouvelles productions (nouvelles saisons ou mangas) ;
- Se voir proposé un traitement original du concept du triangle amoureux, adapté à des mœurs extraterrestres que nous ignorons et pouvons difficilement juger mais qui illustre à quel nœud compliqué et conséquences dramatiques peuvent aboutir le heurt de sentiments forts avec la politique et le relativisme moral qu'elle engendre ("fair is foul and foul is fair" disent les trois sorcières dans Macbeth citées dans une bande-annonce officielle de la série) ;
- Découvrir un univers où le rôle des personnages féminins est considérablement développé, avec des personnalités fortes, souvent attachantes, parfois complexes : Maria Grace Fleed reste dans Goldorak U un des plus iconiques personnages féminins de l'animation japonaise ; le dédoublement en deux figures archétypales opposées et complémentaires de la princesse de Véga est une idée géniale qui permet de rendre hommage non seulement à Grendizer mais à Gattaiger (et indirectement à Lady Oscar et Marie-Antoinette puisque la relation des deux jumelles est directement inspirée de celle de ces deux personnages) ; Hikaru/Elsia (Vénusia) reste une personne sérieuse mais devient une figure mystique ; Naida (Aphélie) est autant voire plus émouvante comme figure de l'amour sacrificiel ; le magnifique générique de fin qui est un plaisir pour les yeux est exclusivement féminin ;
- Apprécier le jeu des comédiens et en particulier d'Haruka Tomatsu (les deux princesses Véga) et de Minami Tanaka (Phénicia/Maria) qui donnent aux dialogues les plus émouvants, dramatiques ou drôles de la série l'accent de la sincérité et de la crédibilité ; le doublage français est également de grande qualité, les comédiens sont excellents et leur voix collent parfaitement aux personnages, surtout pour la bande des jeunes Actarus, Alcor, Phénicia, Sayaka et Sargas (Martin Faliu, Cyril Descours, Camille Timmerman, Marion Gress et Gauthier Battoue sont vraiment excellents) ; l'équipe de doublage a d'ailleurs su inventer quelques néologismes dignes du magnifique travail de Michel Gatineau.
Malgré des points perfectibles comme les combats intenses mais rapides (même si cela illustre la puissance à nulle autre pareille de Goldorak) et un nombre insuffisant d'épisodes pour développer non pas tant l'intrigue que certains détails qui auraient été intéressants à voir, Grendizer U est une très bonne et rafraîchissante série offrant des moments drôles et émouvants.
Elle est un hommage intelligent et original, talentueux et respectueux, un divertissement de qualité. Elle prolonge l'esprit de la série originale en ce qu'elle contient trois de ses caractéristiques fortes en plus de ce qui fait la force des séries Mecha de super robots : l'esthétisme poétique, le sentimentalisme psychologique et le naturalisme écologique.
La série propose une belle histoire qui n'unifie pas seulement les univers robotiques des mangas, séries et films (Grendizer, Mazinger, Gattaiger), mais aussi les générations et à ce titre encore le U peut être interprété comme celui de l'unité.
La série gagne d’ailleurs à être revue une seconde fois car on mesure mieux le pourquoi et le comment des réactions des personnages. Et c'est justement cela la réussite de Goldorak U : ses créateurs nous font se poser de questions, le scénario n'est pas simpliste. Les personnages peuvent être compliqués ou très simples, comme dans la vie réelle, mais c'est pour cela qu'on peut être surpris par leurs interactions. Rien n'est plus ennuyeux qu'une série prévisible.
Souhaitons donc une suite à cette série et beaucoup d'autres productions ayant pour thème Goldorak, et qu'ainsi soient longtemps exploitées les idées brillantes des inventeurs de la légende du Prince d'Euphor.