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Y'a des jours où même un simple couloir d'école ressemble à un vieux ring de boxe délabré. Dans Héros Fragile, un étudiant malingre fait exploser les codes à coup d’astuces bien plus fines que ses poings. Loin des héroïsmes maquillés au gloss, You Su-min livre une chronique d’une brutalité sourde, qui gratte là où ça fait déjà mal.
You Su-min, lui, n’a pas sorti son plus beau filtre Instagram, non, rien que du brut, du terne, du suant. Sa caméra colle aux personnages comme la misère au bas-côté d’une route de campagne bretonne après un orage. Par petites secousses, par regards étouffés, il parvient à planter l’angoisse plus sûrement qu’un solo de violoncelle dans une cathédrale vide. D'ailleurs, certaines scènes semblent sorties d'un tableau de Francis Bacon, tout tordu, tout en rage contenue.
Park Ji-hoon, alias Yeon Si-eun, surgit de nulle part avec sa gueule d'ange et son cerveau d'assassin d’échecs. Rarement un acteur aura su rendre si palpable la peur froide déguisée en froide politesse. À ses côtés, Choi Hyun-wook cavale comme un chien fou, prêt à tout casser, et Hong Kyung, lui, glisse son désespoir sous des sourires de travers. Trois visages, trois tragédies miniatures, trois météorites filant dans un ciel d’asphalte.
Bon, parfois, faut pas se mentir : c’est tellement noir qu’on a l’impression de lire un mauvais poème d’ado tourmenté à deux heures du matin. Un peu plus de lumière n’aurait pas fait de mal, surtout pour éviter que certains dialogues virent au balancier entre philosophie de comptoir et punchlines de cour de récré. Mais hé, comme disait ma grand-mère quand elle perdait au rami : "On fait avec ce qu’on a."
En fait, Héros Fragile, c’est pas vraiment un film sur la violence. C’est un film sur la résistance. Sur ces petites insurrections minuscules qu'on fait parfois, debout tout seul dans un monde qui voudrait nous plier comme une serviette en papier mouillée. You Su-min filme l’ultime dignité de ceux qui n’ont même plus les moyens d’être forts, et ça, franchement, ça fait quelque chose au bide.