House of Cards
7.6
House of Cards

Série Netflix (2013)

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House of Cards, c'est d'abord la première série originale par Netflix. Pas si originale que ça, me direz-vous, puisque la série reprend les bases du livre de Michael Dobbs, qui avait inspiré la série anglaise des années 90, en l'adaptant au format américain. Réalisée par Beau Willimon, elle a cependant pour elle des atouts non négligeables, à commencer par le nom de David Fincher en tant que producteur de la série, et réalisateur des deux premiers épisodes de la première saison. Celui de Kevin Spacey par ailleurs, dans le rôle principal de Frank Underwood, vieux briscard de Washington qui se lance à la conquête du poste suprême de président des Etats-Unis, ainsi que celui de Robin Wright, ne campant nulle autre que sa femme, Claire, ajoutent un peu plus d'attrait à un pitch déjà bien alléchant.


Ajoutant suffisamment d'attrait, en tout cas, pour que je me lance dans cette série, souhaitant d'abord répondre à une seule question: House of Cards parvient-il à mettre en scène un anti-héros suffisamment convainquant, en cette ère post-Breaking Bad ? En tout cas, la série ne prend pas de gants pour nous présenter son personnage phare comme tel, et cela se retrouve dès les premières minutes durant lesquelles Frank Underwood, trouvant un chien blessé, brise le quatrième mur en expliquant au spectateur qu'"il existe deux sortes de douleurs". Cette impression se confirmera au cours des épisodes suivants, alors que l'on découvrira le personnage principal sous un angle plus intime, plus secret, qui révélera plus que jamais son côté sombre et machiavélique.


Kevin Spacey s'y connaît en méchant, ce n'est pas nouveau; il l'avait prouvé entre autres en incarnant John Doe dans Seven en 1995. Dans House of Cards, il prouve qu'il n'a rien perdu de sa faculté à arborer un visage tantôt sympathique, ouvert et joueur, en public notamment, tantôt fermé et inexpressif, dans ses instants les plus privés cette fois, par exemple au sein d'un couple crédible et impressionnant qu'il forme avec une Robin Wright impeccable. Un contraste public/privé qui, en brisant le quatrième mur, permet non pas seulement d'exposer les pensées et les remarques sarcastiques de Frank Underwood, mais également d'incorporer le spectateur à cet univers théâtral où tout le monde avance masqué, dans le but hypocrite de gravir les échelons.


De surcroît, on notera que la réalisation, sobre mais efficace, appuie parfaitement ce contraste, tant ce sont en général des plans du domicile des Underwood et des plans de leur lieu de travail qui se succèdent, instaurant un rythme journalier et monocorde. On reconnaîtra certes qu'avec ce rythme règne une certaine redondance qui amènera un ennui qui en repoussera plus d'un, notamment au cours de la saison 1. A propos de la saison 3:


Je dirais que le fait que les Underwood déménagent à la Maison Blanche, qui est aussi leur lieu de travail, instaure plus que jamais un rapprochement inextricable entre leur vie privée et leur vie publique.


Alors, certes, l'ennui règne sur certains épisodes qui ont pour certains l'apparence de filler-épisodes, mais la série finit forcément par happer le spectateur pour ne plus le lâcher. House of Cards bénéficie d'une structure irréprochable, organisant lors de chaque saison une montée en puissance chaque fois maîtrisée au plus haut point, pour parvenir à un climax tout aussi fantastique. Ce n'est pas pour autant que la série ne sait pas nous surprendre, et l'on a droit à plusieurs rebondissements inattendus et glaçants qui font cruellement penser à ceux de Game of Thrones dans leur mise en scène. Marquant l'ascension progressive de Frank Underwood, chaque saison réussit l'exploit de ne pas tourner en rond et à ne pas se faire écho entre elles.


Du coup, il est difficile d'analyser la série saison par saison: House of Cards, c'est surtout un tout, qui malgré ses trois saisons et ses 39 épisodes n'a quasiment pas baissé en qualité. Le final de la saison 3 nous gratifie certes d'un cliffhanger dommageable, mais l'on se consolera en se rappelant que la série a su rester humble et maîtrisée jusqu'ici, même si l'on pourra déplorer un manque de folie, de créativité. Il n'en demeure pas moins que House of Cards est peut-être la meilleure politique de ces dernières années, alliant à une réalisation parfaitement contrôlée la représentation osée et effrayante d'un monde politique corrompu. On est alors immergé dans cet échiquier à taille réelle, aux dialogues impeccables et aux enjeux crédibles: qu"il s'agisse des rôles de chacun, des projets de lois votés ou des conflits fréquents, ils sont souvent inspirés de la réalité, et qui confère à la série une apparence plus réaliste que jamais. La série tente même d'instaurer à son univers une certaine densité en multipliant les personnages et les intrigues secondaires, là encore toujours justes: je pense notamment au personnage de Doug, ou au personnage de Peter Russo. C'est donc là la qualité majeure de House of Cards: sa capacité à ne quasiment jamais faire d'erreur, à demeurer une série professionnelle, sérieuse et maîtrisée en toutes circonstances.


House of Cards, en tant que première série originale de Netflix, qui est également la première plate-forme de streaming à encourager le binge-watching en livrant ses saisons d'un seul bloc, apparaît d'un certain côté comme une série quasi industrielle, un simple produit à la réalisation professionnelle mais parfois vide de toute créativité visant à alimenter notre soif de consommation. Cependant, force est de reconnaître que la série sait faire oublier cet aspect, pour se placer comme la série la plus en équilibre entre produit industriel et oeuvre d'art. Si la Série n'est pas encore retenue comme un art à part entière, House of Cards tend à persuader du contraire, tant elle présente des qualités indéniables, autant dans ses décors que dans la qualité des personnages et des acteurs, qui confinent à un niveau cinématographique.

Créée

le 13 juin 2015

Critique lue 448 fois

8 j'aime

Kevin Soma

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8

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