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If you fuck the past, the past fuck with you. Le passé ressurgit souvent dans les films américains, le pays semble ne pas réussir à se débarrasser des fantômes de son passé, pire encore elle est menacée par l’ombre de ceux du futur. L’histoire américaine est assez complexe, ici on aborde surtout la guerre du Vietnam et la guerre d’Irak. Ainsi les malheurs des personnages ne semblent pas totalement disjoint de ceux de l'Amérique, en témoigne Thomas qui souffrant de troubles paranoïdes pense que la malédiction de sa famille est dû au sang que l’Amérique a sur ses mains.


Ce qui m’a engagé à regarder cette série en premier lieu est la présence de Mark Ruffalo mais aussi parce que je suis sensible aux récits qui mettent avant une relation fraternelle, encore plus ceux centrés sur des jumeaux. Je trouve qu’il y a une certaine poésie qui se dégage et d’un point de vue extérieur je me questionne personnellement sur la manière dont on peut ressentir une telle relation, d’un être qui physiquement est le reflet de notre propre être. La connexion entre deux jumeaux donne ici des plans intéressants même si on peut les trouver un peu convenu et logique, cela s’adapte parfaitement à la narration et aux différentes situations dans le film et s’apparentant à des métaphores visuelles (route divisé en deux, reflet dans le miroir…). La relation entre les deux frères est une grande réussite et peut être l’une des plus touchantes que j’ai vus depuis longtemps (en terme de relation fraternelle). Il s’agit ici cependant d’un trompe œil puisque l’alchimie entre Domeniko et Thomas n’est pas dû à un véritable lien entre deux acteurs jumeaux, il s’agit d’un ancrage diégétique. Les deux personnages sont en effet joués par Mark Ruffalo et c’est la que toute la puissance de son interprétation se dégage. On ressent une grande sincérité / connexion entre ses deux frères dans leur amour et on oublie rapidement qu’il s’agit d’un seul acteur jouant les deux.
Mark Ruffalo mérite un prix pour cette performance autant sur sa manière de jouer que sur l’extérieur et les changements physiques qui ont eu lieux entre les deux personnages.
Une de mes scènes préférées est celle du flashback dans le bus, ou de manière générale les flashbacks de l’enfance des deux frères jumeaux. Je me suis reconnus dans la sensibilité de Thomas étant petit, et son attachement envers son frère était celui que j’avais avec ma mère. Etre enfermé aux toilettes car incapable de trouver comment ouvrir la porte est une situation qui m’est commune ahah. Enfin bref je trouve que la ses scènes mettant en avant les blessures d’enfance vécues par Thomas sont très pertinentes et on comprend aussi toute la difficulté qu'a dû vivre Domenik avec son frère qu'il perçoit par moment comme un “fardeau”.


I Know This Much Is True se relève être une oeuvre brillante de part les différentes allégories qui bercent le récit. Le personnage de Domenik est victime d’aliénation face au passé tumultueux de sa famille mais aussi de son pays, ici les deux ne font qu’un. On y retrouve le racisme envers les indiens, la violence au sein des foyers envers les femmes qui se font battre ou bien le mariage forcé ou bien encore l’obligation pour un jeune garçon d’être viril et non pas une chochotte. Sans parler de la guerre qui se retrouve en toile de fond durant toute la série que ce soit par le Vietnam, l’Irak et même brièvement la Corée. Ces guerres présentent de nombreux fantômes mais continuent de se dérouler sur le présent, au niveau de la narration on a le même schéma. On sait que le film se déroule dans les années 90 donc une époque passée mais qui donnera lieu par la suite à tout les conflits actuelles en Moyen-Orient. Il est marrant de noter que Thomas fait son travail de dissertation sur “l’aliénation dans la littérature moderne” et on perçoit donc que l’importance de ce thème dans la série, qui sera ici plutôt abordé sous l’angle de la “malédiction” en conséquence de la monstruosité du grand père de la famille et donc du passé. Cependant il ne s’agit pas de cracher tout les torts du passé et de condamner l’Amérique et la famille mais simplement de ne plus faire les mêmes erreurs que dans le passé. Domenik fait ainsi acte de résilience en acceptant pour la première fois dans sa vie de reconnaître ses erreurs et d’exprimer du regret, le personnage encaisse énormément durant le film et pourtant même si la fin est loin de se finir sur un happy end, le personnage est sur la voie de la guérison. On est acculé entre les erreurs du passé qui font souffrir le personnage et le présent qui en conséquence ne fait absolument pas souffler Domenik. On se sent fatigué à l’image du personnage, tant les situations s'enchaînent et l’impression de sombrer dans le désespoir grandit en nous.


Plastiquement la série je trouve est assez proche de True Detective et de Mindhunter et donc dans une esthétique froide et qui conduit à mettre en scène l’Amérique avant les années 2000 avec des thèmes assez sombres et avec toujours le squelette d’un mal historique qui touche les américains. La série est pas forcément facile à regarder, on pourrait même la trouver un peu cafardeuse par moments et c’est surement pour cela que ma note est pas plus haute. Subjectivement je n’aime pas forcément me retrouver pendant tout un récit au milieu de maladies, d'hôpitaux et de tragédies. La grande force de la série est dans son écriture et sa capacité à donner de l’humanité aux personnages, tout les personnages excepté le grand père provoquent chez le spectateur de l’empathie. J’aurais peut être aimé qu’il y est plus de scènes entre les deux frères étant donné la puissance émotionnelle que leur relation fait ressentir, d’ailleurs il faut aussi saluer le choix de l’acteur incarnant Thomas et Domenik plus jeune, qui je trouve joue aussi très bien et qui en plus à une grande ressemblance avec Mark Ruffalo (de loin on pourrait vraiment croire que c’est lui plus jeune par moments).


En résumé, une mini-série marquante que je conseille vivement de regarder mais en gardant à l’esprit que c’est pas forcément une série qui va mettre du baume au coeur. Parfois ça marche pour moi comme c’est le cas ici mais pas toujours donc je comprendrai qu’on puisse passer à côté de cette série cela dépendra des goûts et des couleurs mais rien que pour la performance de Mark Ruffalo je pense qu’elle mérite d’être vu.

MathéoBarach
7

Créée

le 3 sept. 2020

Critique lue 209 fois

5 j'aime

El Mathox

Écrit par

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5

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