Fengshen Yanyi

Difficile de juger cette adaptation d'un roman ancien en partie historique et fondateur d'une grande partie de la mythologie chinoise. J'avais très envie de découvrir ces récits sous un angle différent. La série prend un parti plus historique et psychologique que spectaculaire et fantastique.
Pas à pas, et longuement, elle suit les étapes du renversement du roi Zhou de la dynastie Shang par Ji Fa qui va établir la dynastie Zhôu à sa place. L'élément déterminant de cette chute étant l'esprit renarde Daji qui envoûte le roi attisant ses mauvais penchants pour la tyrannie et la cruauté, le faisant haïr du peuple jusqu'à ce que tous prennent les armes et se soulèvent.

Le récit aurait gagné à être plus concis: la première partie qui se déroule dans le royaume de Shang narre en détail, rencontres, affrontements et complots. Chacun des personnages, selon ses choix personnels et ses rencontres, évoluera graduellement pour devenir ce qu'il n'aurait jamais envisagé être au départ de sa vie. Les dialogues sont très beaux et évocateurs, certaines scènes sont troublantes de force et de sincérité grâce à une interprétation convaincante de chacun des rôles principaux. J'ai particulièrement apprécié la performance de Deng Lun en Seigneur Esprit Renard dévoreur d'âmes qui insensiblement à force de côtoyer souffrances et passions humaines se laissera gagner par des sentiments alors que Da Ji se transforme littéralement au fil du drama, de jeune fille lumineuse en démone glaciale, sacrifiant son humanité sur la voie obscure de la vengeance. Collin Chou, tyran sanguinaire, conduit à la pire dépravation conserve néanmoins son charisme et Yu He-Wei en Jiang Zi-Ya, l'immortel paresseux et trop enclin aux plaisirs matériels est de loin le personnage le plus haut en couleurs et le plus sympathique. En fin de compte le rôle principal est le moins bien défini, oscillant entre faiblesse et incertitude, tragédie et humour, censé être le destructeur des mondes puis le guide de lumière tout en restant un amoureux transi sans espoir... il n'est jamais vraiment cohérent au fil de tous ces revirements.

La deuxième partie propulse nos héros sur des chemins différents et plus aventureux, l'un à la recherche des cinq héros mythiques (dont Ne-Zha), un autre au royaume de Zhôu afin d'unir les généraux et soulever les armées, un autre encore sur la voie de son illumination. Il y a nombre d'aventures mais peu de place est laissée à la magie(effets spéciaux) et aux batailles. Pas suffisamment de moyens certainement. Les combats tournent court et les hautes actions sont évoquées plutôt que d'être montrées: on reste dans le psychologique avec cette fois l'introduction de passages humoristiques assez mal intégrés au récit qui reste une suite de tragédies.
Tout le spectaculaire et le grandiose est conservé pour les derniers épisodes qui relèvent amplement le niveau de la série. C'est là que je comprends enfin ce qu'est cette fameuse investiture des Dieux. C'est le rôle conféré à Jiang Zi-Ya d'investir les dieux du ciel: les héros tombés des deux camps seront immortalisés et prendront place comme des étoiles dans le ciel.

 Apparemment le drama n'a pas eu beaucoup de succès(du moins par ici), il n'y a pas de romance, même s'il y a une grande histoire d'amour, jamais il ne pourra se manifester ni dans la vie ni dans l'éternité, l'une ayant emprunté volontairement la voie obscure et l'autre la voie de la clarté et la loyauté. Et l'autre raison est bien sur l'absence de magie et de spectaculaire alors que le récit est censé faire intervenir des êtres surnaturels, démons, divinités, immortels, esprits et héros humains.

L'accent est mis sur les liens qui se nouent entre les protagonistes et les changements qui en découlent déterminant l'avenir des trois mondes. Il y a de très belles choses mais c'est beaucoup trop long et détaillé, dénué de rythme et aussi austère qu'une tragédie antique au théâtre.
Je reste donc mitigée dans mes impressions et déçue, enthousiasmée par l'interprétation et les personnages mais lassée par des longueurs superflues, le manque de rythme et de cohésion. L'intention de départ était appréciable, mais au-delà des cheminements personnels et des interactions des personnages amplement réussis, on n'a pas su gérer la partie plus ambitieuse du récit mythique, le destin et les aventures épiques des dieux/démons/humains sont laissées pour compte.