Je n’ai pas lu la BD d’origine, je le précise d’emblée, mais cette série m’a donné envie de m’y plonger, car il y a quelque chose d'assez addictif dedans. Il y a une sincérité dans cette adaptation, une forme de respect de l’univers d’origine, même si je ne suis pas en mesure de juger de la fidélité point par point.
Ce qui est sûr, c’est que la série prend son temps pour poser une ambiance, construire un monde, et t’immerger dans quelque chose de glacial, au sens propre comme au figuré.
Visuellement, c’est une vraie réussite. L’atmosphère post-apo est prenante, l’effort de mise en scène est palpable, les effets spéciaux tiennent largement la route, surtout pour une production qui n’a pas les moyens d’un blockbuster hollywoodien. On ressent un vrai soin, une envie de faire bien.
à l’écran, ça fonctionne souvent, la neige toxique, les silences pesants, la tension sourde… tout ça est bien rendu. (y'a aussi des trucs qui vont moins fonctionner, comme les cycles de marche des scarabées 3D dupliqué fois 45...)
Ricardo Darín, en tête d’affiche, est impérial. Il n’a pas besoin d’en faire trop pour capter l’attention. Son regard fatigué, son jeu toujours à la limite de la retenue, apportent beaucoup à l’ambiance du récit. Plus largement, le casting dans son ensemble livre des performances justes, sans surjeu, ce qui n’est pas toujours gagné dans ce type de série.
Je peux comprendre les critiques négatifs qui sont faites à leurs encontre, mais j'avoue avoir bien apprécié leurs jeux et ne jamais être sortie de la série grâce à eux.
Malgré toutes ces qualités, je suis resté un peu en retrait. Le rythme du premier tiers est si contemplatif qu’on frôle parfois l’ennui. Il y a cette impression étrange d’un long prologue, comme si la série hésitait à se lancer, ou craignait de brusquer son spectateur. Pourtant, paradoxalement, c’est aussi ce que j’ai aimé dans un premier temps, cette pudeur, cette patience, ce refus du spectaculaire facile. On n'est pas dans le pur divertissement, et ça, je le respecte.
Mais tout bascule autour de l’épisode 4, quand les éléments surnaturels s’invitent dans le récit, scarabées, forces invisibles, étrangetés mal amenées. Là, j’ai senti une rupture. Pas tant parce que ça devenait “fantastique” (je n’ai rien contre), mais parce que ça manquait de liant. On passe d’un quasi drame intimiste à des visions apocalyptiques sans réelle montée dramatique. Le résultat est bancal, on sent l’ambition, mais la transition n’est pas fluide. Le fantastique paraît plaqué, presque gênant, comme si on avait changé de série sans prévenir.
Sans oublier qu'il y a ce ton très froid, très analytique, qui finit par créer une distance. La série parle de fin du monde, de survie, de familles qui s’effondrent, et pourtant j’ai eu du mal à être ému. Tout semble contrôlé, encadré, comme si l’émotion était une variable secondaire. C’est propre, mais presque trop. J’aurais aimé un peu de fureur, de chaos, de cœur qui bat trop fort.
Les dialogues n’aident pas, ils sont souvent explicatifs, comme si on avait peur que le spectateur ne suive pas. Les personnages expliquent ce qu’ils ressentent, ce qu’ils voient, ce qu’ils vont faire. Ça enlève de la tension, ça appauvrit le non-dit, et dans une série où le silence pourrait être une arme puissante, c’est dommage.
Enfin, je ne peux pas ignorer les retours plus critiques, parfois très virulents, comme ma copine, avec qui j'ai partagé le visionnage. Il y a ceux qui crient à la “bouse”, dénonçant un jeu jugé faible, des dialogues creux, un rythme poussif. Il y a aussi les lecteurs de la BD qui semblent déçus d’une adaptation trop édulcorée, trop timide politiquement, comme si la série avait gommé ce qui faisait la spécificité de l’œuvre originale. Je ne peux pas trancher sur ce point, mais je comprends la frustration, on sent qu’il y avait de quoi faire un monument.
Cela dit, je ne regrette pas le visionnage. L'eternaute est une série imparfaite, mais ambitieuse. Elle fait des choix, elle ose une esthétique, elle s’autorise des lenteurs que peu de productions modernes osent encore. Même si elle ne m’a pas bouleversé, elle m’a intrigué.
Suffisamment pour que j’aille chercher la BD!
Grâce aux cliffangers de fin d'épisodes et à l'ambiance générale, qui semble être pleine de surprise.
Un objet visuel intrigant, parfois maladroit, parfois captivant, qui ne parvient pas à tout embrasser, mais qui mérite qu’on s’y frotte, surtout si l’on aime les ambiances gelées et les récits de fin du monde murmurés plus que criés.