*"Aujourd'hui, en cette ensoleillée journée de Février, loin des tribulations des états désunis et en dépit de l'appel du dehors, un homme se consacre à rédiger un argumentaire concernant une œuvre récemment vue. Alternant entre froid glaçant et douceur printanière, ce mois annonce assurément l'arrivée certaine de meilleurs jours où le dépit ne se posera même pas. A contrario, celui du monde risquait de continuer de grimper en flèche à mesure que les extrêmes de toutes sortes se bataillaient férocement, un peu à la façon de deux frères aux yeux bandés.
Quant à cette rédaction, une Problématique se tenait face à son auteur. L’œuvre en question, intitulée A series of unfortunate events, est une adaptation au format épisodique télévisuel d'une série de romans pour enfants. Or, l'auteur de cette rédaction n'avait jamais eu l'occasion de poser les yeux sur les lignes de ces imprimés, ce qui constitua une raison suffisante à la Problématique pour ainsi venir se poser.
Cela fait donc une bonne heure que tous deux se toisent et se taisent, assis au coin d'un feu imaginaire dans une cabane en pierre qui l'est tout autant. La fin de leur rencontre, vous l'avez sous les yeux.


Comme vous l'aurez deviné, l'intervention de la Problématique tient plus de la supercherie personnifiée que d'un réel être qui porterait ce prénom.


Tout comme cette explication n'est pas nécessairement utile à l'avancée du propos, mais plutôt, bien volontairement, à son contraire.


Tout comme il est amusant de constater qu'une œuvre dont le titre commence par A series... constitue une suite d’œuvres littéraire et télévisuelle. Une série !"*


Et ceci, les créateurs de l'adaptation l'ont bien compris !
Dés le générique, c'est d'un ton dédaigneux que la voix de Neil Patrick Harris vous préviens de l'horreur qui vous attends, vous invite à plier paupière pour fuir ce programme dérangeant.
Si vous êtes parvenus à supporter cette entrée en scène, c'est désormais au tour du narrateur, incarné par Patrick Warburton, de venir vous présenter l'univers, les tennants et aboutissants, mais surtout de rappeler et d'accentuer ce ton d'aprés lequel cette histoire est tragique et insupportable.


Une fois cela fait, c'est au tour des personnages d'incarner cette histoire vraisemblablement déjà écrite par les interventions ponctuelles du narrateur. Ce choix de mots et de narration n'est pas là au hasard, le développement de l'intrigue laissant beaucoup penser au rythme avec lequel un livre peut se développer. Ce dernier en est d'ailleurs très particulier, autant dans le découpage que dans les dialogues. Le spectateur est souvent laissé dépendant des apparitions du narrateur pour l'obtention d'informations clés et peut se retrouver tantôt désappointé tantôt amusé lorsqu'il divague pour gagner du temps. L'alchimie est unique en son genre et peut happer comme repousser.


Au final, rassurez vous.
Très loin d'un American Horror Story, les éclats de noirceur de cette série se situent bien évidemment dans l'intrigue, mais avant tout dans ce fameux narrateur. Ce ton employé qu'il s'acharne à maintenir est très fréquemment désamorcé par ce qui est une autre force de cette adaptation : son recours à l'absurde.
Sans qu'il paraisse évident que les enfants soient l'audience souhaitée de ce programme; les images pouvant avoir un impact différent que des mots; beaucoup de situations inquiétantes se voient désamorcées par un humour généralement raisonné particulièrement savoureux ou irritant. Tantôt le méchant échoue dans son plan à cause d'une logique implacablement stupide, tantôt un échange de plusieurs minutes ne mènent au final nulle part...


L'univers et la façon dont sa magie est mis en image permet rapidement de capter sa cohérence. C'est un monde magique dans lequel les adultes sont soumis à une logique égocentrée tandis que les enfants se rappellent celle du monde et des hommes. Joli tour de force que d'avoir réussi à rendre cet univers accessible dés les premiers épisodes.


A Series of Unfortunate Events s'impose comme une oeuvre/adaptation impressionnante tant elle réussie à transporter son spectateur le long des péripéties de la famille Baudelaire. Un énorme travail de fond est visible tout au long des huit épisodes, les acteurs sont d'une constance impressionnante, enfants comme adultes. La direction de ces derniers, qu'on devine affutée et rigoureuse, permet à ces personnages de donner sa consistance à un univers qui se veut terne mais est en réalité riche de détails.
On peut également mentionner ses partis pris numériques, flirtant souvent avec la “Vallée de l'étrange” mais s'incluant comme un élément capital de la narration au point d'en devenir cohérent avec la magie de l'univers dépicté.
Au final, c'est l'ambiance, le jeu des tons qui peut faire de cette série une œuvre immanquable ou oubliable, mais on ne peut nier que l'intention initiale et le travail accompli est conséquent. Ce n'est pas une série classique au sens stricte, elle en reprends bien des codes mais y ajoute un découpage, un rythme inédit jusqu'alors.
Même dans ces enjeux symboliques, elle innove : jouer sur l'inversion des rôles et façons de penser entre enfants et adultes se fera toujours l'écho d'une ingéniosité que la société peut peiner à appliquer.


Vous trouverez au bout de ce lien ce fameux générique !


*L'auteur de ces lignes a volontairement laissé de coté les éléments de l'histoire pour l'évidente raison que si vous ne connaissiez pas déjà, ceci sera l'occasion pour vous d'aller en savoir plus !


https://desartsrois.wordpress.com/2015/03/03/rue-curiol-documentaire-de-julian-ballester/

AlixFort
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le 26 févr. 2017

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