Lupin
5.7
Lupin

Série Netflix (2021)

Voir la série

J’ai toujours une certaine méfiance vis-à-vis des œuvres filmées ou jouées qui reprennent en les mettant « au goût du jour » d’autres œuvres plus anciennes également filmées ou jouées. C’est donc avec une certaine réticence que j’ai abordée la série Lupin : dans l’ombre d’Arsène. Autant le dire tout de suite, cette réticence n’était pas justifiée.


Autant dire aussi tout de suite que certains pourront sans doute voir dans cette série un compendium de bons sentiments parmi lesquels les thématiques raciales ne sont pas absentes. Certes, Omar Sy, y campe Assane Diop, un fils d’immigré africain, revanchard mais instruit, honnête dans sa malhonnêteté, fidèle en amitié et au grand cœur. Aborder ou critiquer cette série selon cet angle raciale serait néanmoins à mon sens une erreur. Il s’agit en effet avant tout d’un divertissement efficace, certainement pas toujours crédible, mais franchement, l’œuvre de Maurice Leblanc qui l’inspire l’est-elle davantage ? Par ailleurs cette série est construite avec des personnages à l’image de la société d’aujourd’hui. ... Si du temps de Leblanc, Lupin se rendait à Étretat en train à vapeur, Diop s’y rend en voiture Corail. Lupin écrivait sur du papier, Diop travaille sur écran d’ordinateur... Et bien entendu, Diop est noir comme presque 10% de la population française, et le flic astucieux qui le poursuit a des origines d’Afrique du Nord, là aussi comme 10% de la population française. Où est le problème ?


D’autant que la bonne idée centrale de cette série est de ne pas reprendre les romans de Maurice Leblanc pour en faire une énième adaptation, mais simplement de s’inspirer très librement de son œuvre, comme s’en inspire aussi son personnage central, Assane Diop. Sans divulgacher (« spoiler » en bon canadien du Québec) l’histoire, Assane cherche tout au long des épisodes à prouver que son père qui l’a élevé seul une fois arrivée en France, a été injustement accusé du vol d’un objet de grande valeur, délit qu’il n’aurait, semble-t-il, pas commis. Pour cela, Assane franchit la ligne rouge qui sépare l’homme honnête du voleur, avec l’efficacité - et par certains côtés l’élégance - de son célèbre inspirateur.


Le scénario de cette série est globalement simple. Pour rétablir la vérité, Assane Diop se retrouve confronté à une grosse huile, Hubert Pellegrini (Hervé Pierre) très soutenue en haut lieu, chez laquelle son père travaillait et à laquelle il aurait volé l’objet en question. Il s’agit donc de la lutte de David contre Goliath. Même si, pour le moment, Goliath gagne, on pressent que la revanche de David ne devrait pas trop tarder... A cela s’ajoute le rôle trouble joué par un policier de haut vol, le commissaire Gabriel Dumont (Vincent Garanger), également mêlé à l’inculpation du père d’Assane Diop, à la tête de la brigade chargée de s’occuper de la nouvelle affaire Diop. Dans cette brigade, seul l’inspecteur Guedira (Soufiane Guerrab), fan de Lupin, perçoit les ressemblances de ce dossier avec des éléments des romans de Maurice Leblanc, ce qui lui attire régulièrement les moqueries de ses camarades. On retrouve donc dans cette série les constituants élémentaires de nombreuses autres séries tels que la vengeance, la lutte du pot de terre contre le pot de fer, les policiers globalement dépassés, ou le policier isolé clairvoyant brimé par sa hiérarchie.


Malgré des éléments constitutifs finalement assez banals, la série est remarquablement servie par des acteurs de qualité. Outre Omar Sy, dont la « tchatche » et la décontraction, collent finalement assez bien au fait qu’il s’inspire du personnage de Leblanc, les rôles secondaires joués par Ludivine Sagnier (Claire, l’ex femme d’Assane) ou Nicole Garcia (Anne Pellegrini, femme d’Hubert), ou Mamadou Haidara (Assane Diop jeune) apportent de la densité à chacun des épisodes. De plus, la série ne manque pas de rythme, malgré des flash-backs sensés expliciter le « comment on en est arrivé là » qui tombent parfois comme des cheveux sur la soupe. Le public ne s’y est pas trompé. La série fait un malheur non seulement en France où elle a été encensée par plusieurs critiques dont certains connus pour être des clients difficiles, et aussi à l’étranger où elle est classé n°1 des séries sur Netflix USA début 2021...

YvesD91FR
8
Écrit par

Créée

le 12 janv. 2021

Critique lue 312 fois

2 j'aime

YvesD91FR

Écrit par

Critique lue 312 fois

2

D'autres avis sur Lupin

Lupin
PatrickAnalyse
6

Un Lupin dans l'ère du temps

Assanne Diop se déguise en Arsène Lupin, le public déguise son racisme dans ses critiques. (Je réagirai à la polémique en fin de critique car cela ne doit pas salir la réussite de la série). Dans...

le 9 janv. 2021

81 j'aime

9

Lupin
MalevolentReviews
4

Omar m'a tuer

À l'heure actuelle, on n'adapte plus. C'est surfait. Non aujourd'hui, on "s'inspire", on dynamite, on disperse, on ventile. Du coup quand on a vu qu'Omar Sy, un Noir, incarne le nouveau Arsène Lupin...

le 9 janv. 2021

79 j'aime

7

Lupin
Spo0on3r
4

L'anagramme de trop sur la balance

Il est clair que d'entrée de jeu on est forcément tenté de l'aimer cette série Lupin et d'y aller les yeux fermés. Le marketing de Netflix est irréprochable ( bien que lourdingue ). L'univers est...

le 24 janv. 2021

53 j'aime

10

Du même critique

Lupin
YvesD91FR
8

Omar, si !

J’ai toujours une certaine méfiance vis-à-vis des œuvres filmées ou jouées qui reprennent en les mettant « au goût du jour » d’autres œuvres plus anciennes également filmées ou jouées. C’est donc...

le 12 janv. 2021

2 j'aime

Le Démon de minuit
YvesD91FR
8

Dans la lignées des romans d'Hervé-Bazin

Le démon de minuit est un des derniers romans d'Hervé-Bazin. Il s'inscrit dans la droite ligne d'autres de ses oeuvres, dont bien sur "Vipère au poing". Le démon de Minuit est un livre qui traite de...

le 2 avr. 2020

1 j'aime

Zone blanche
YvesD91FR
6

Une atmosphère glauque...

Attention : cette critique contient un petit nombre d’éléments susceptibles de divulgacher (spoiler) une partie du scénario de la série. Zone blanche est une série policière de 2 saisons, dont...

le 18 déc. 2020