Mes chers Contemporains
7.5
Mes chers Contemporains

Émission Web YouTube (2014)

Tous les critiques de cette émission semblent s'accorder sur ce point : Usul avait frappé un grand coup avec sa première émission, le 3615 - je ne compte pas les premiers tâtonnements sur Dailymotion, mais je vous les conseille, ils sont presque émouvants - dans laquelle il avait su mélanger humour, dérision, parodie et réflexion. Il faut bien reconnaître que même si ces qualités se retrouvent en germe dans sa nouvelle émission, il n'en reste pas moins que la sauce ne prend plus ; peut-être à cause de l'absence de Dorian et des autres membres de leur coterie ?


Moizi, Gallu et les autres ont déjà bien critiqué Mes Chers Contemporains. Donc là, pour augmenter la portée de leurs avis, je me propose de commenter chaque épisode dans l'ordre de leur parution, pour faire une synthèse des nombreux reproches et remises en cause que l'on peut adresser à l'intello filiforme à lunettes.


Premier épisode : BHL


C'était le premier épisode d'une nouvelle émission, donc je serai indulgent... et je l'ai été. Car si on voit certaines faiblesses et lacunes dans cette vidéo, il faut bien avouer qu'elle n'augurait que du bon pour la suite. Cette vidéo est éminemment drôle, en même temps, avec une telle tête d'affiche...
Cependant, on voit déjà poindre les défauts qui s'intensifieront par la suite. Usul résume BHL à un personnage médiatique, très talentueux pour faire de l'audience, raison pour laquelle il est invité partout. Or, s'il est vrai que la triste notoriété de cet olibrius a en partie pour fondement son omniprésence médiatique, il n'en reste pas moins qu'il exerce d'autres activités, notamment celle de penseur ; il me semble qu'une chronique pertinente sur BHL aurait consisté à rendre compte des thèses qu'il développe dans ses bouquins, ce qu'Usul ne fait pas - il n'a sans doute d'ailleurs jamais lu un seul des bouquins de l'intéressé. On voit bien les limites de la démarche d'Usul : il veut critiquer la position médiatique de certains publicistes comme BHL, tout en les attaquant... par rapport aux médias uniquement, et sans prendre en compte leurs autres activités. C'est le serpent qui se mord la queue. Pourquoi ne pas parler de ses bouquins, pour critiquer sa légitimité médiatique ? D'autant que dans cet épisode, il minimise l'impact de BHL dans l'avènement d'une nouvelle idéologie de l'époque, celle de la fausse gauche antiraciste (il se rattrape dans l'épisode sur Elisabeth Lévy par ailleurs). Et puis sa volonté de ne pas "utiliser l'argument du complot judéo-maçonnique" témoigne d'une naïveté crasse, qui souligne sa position de gauchiste bête et méchant : pourquoi ne pas parler de son judaïsme, alors que lui-même le revendique, fait de la défense des Juifs et d'Israël un de ses chevaux de bataille ? (pour ne pas dire plus...)
Usul semble ici confondre critique de gauche avec critique bourdieusienne et chomskienne, ce qui sera le cas dans quasiment toutes ses émissions.


Deuxième épisode : Olivier Besancenot


Ici, Usul fait montre d'un travers assez particulier, bien que somme toute naturel : malgré les (légères) attaques qu'il lui adresse, il demeure très clément et favorable envers l'individu en question à cause de sa divergence de vues avec lui. S'il a au moins l'honnêteté d'admettre qu'il a fait partie de son mouvement il y a quelques années, Usul témoigne d'une partialité assez patente, lorsqu'il n'interroge pas, contrairement à BHL, le succès de Besancenot dans les médias. Un vrai révolutionnaire cohérent, invité chez Drucker ? Vraiment, ce seul fait montre que ce gars est un guignol, pas besoin de revenir par la suite au lambertisme. Clouscard n'a été à la télé qu'une seule fois, si je ne m'abuse.


Troisième épisode, Etienne Chouard


Je rejoindrai la meute des détracteurs qui n'ont pas apprécié son retournement de veste après coup, d'autant que, vu comme il le présente, il a renié son propos initial seulement parce que des proches à lui en ont fait un caca nerveux. Surtout que défendre Chouard, de base, était une démarche à la fois courageuse et intéressante, puisque assez peu répandue dans les médias de la gauche critique qui ont tendance à honnir ledit Chouard en raison de ses accointances. En revanche, Usul aurait pu tenter de remettre en question les idées de Chouard et ses positionnements, ce qui aurait été bien plus poussé que de préciser qu'il se répète beaucoup.


Quatrième épisode sur Lordon


Ici, j'admets n'avoir pas grand-chose à dire, dans la mesure où il me semble intéressant de mettre en avant la pensée de cet intellectuel singulier, talentueux et à cette époque assez peu reconnu.


Cinquième épisode, Elisabeth Lévy


Il est inutile de préciser qu'il y a beaucoup de choses à dire ici. Je commencerai par le choix du sujet : n'est-il pas lâche de faire une vidéo de critique sur Elisabeth Lévy, que personne n'aura l'idée de défendre pour son hystérie et son ridicule, au lieu d'en faire une sur Zemmour ou Finkielkraut ? D'autant que Zemmour - je connais peu Finkielkraut - me semble bien plus avisé et réfléchi que l'amatrice de cochonnailles.
Ensuite, petite remarque en passant, il ne peut s'empêcher de lancer une petite pique bien facile à Soral - ce qu'il fait à chacune de ses émissions - en l'associant à la misogynie, et évidemment sans rendre compte de sa pensée. Il a beau avoir comme projet de dépasser le niveau de la télé, qu'il juge affligeant, rien ne l'empêche d'user des même méthodes bassement malhonnêtes. Et comme proposé plus haut, pourquoi pas un épisode sur l'intéressé, pour le critiquer vraiment ? Mais ce serait bien trop dangereux, évidemment.
Pour en revenir au positionnement politique et non plus moral, bien qu'Usul rende compte de la récupération de l'antiracisme par SOS racisme, BHL et consorts, il continue de le soutenir bêtement par la suite. Etrange non ? Au fond, Usul n'est qu'un gauchiste : il n'arrivera jamais à s'extraire de sa naïveté qui lui fait parler des droits de l'homme, des brimades que font subir les méchants blancs aux pauvres immigrés, alors même qu'il a fait un travail documentaire pour s'apercevoir que tout cela n'était mis en avant que dans l'intérêt politique de certains mouvements socialistes et libéraux, qui ont mis en place une stratégie de destruction du PCF et du gaullisme en opérant un glissement idéologique sans précédent.
Et dans la suite, il parle de la colonisation ; mais qu'a-t-elle à voir avec le contexte ? Sos racisme a été mis en place pour occulter la colonisation ? Là, on touche au ridicule. Quel est le lien entre ce que raconte Elisabeth Lévy sur l'intégration et l'ancien Empire colonial français ? Et puis utiliser Kery James pour légitimer son propos... J'attends B2o et Kaaris, il m'a un peu laissé sur ma faim. Usul tombe dans tous les pièges possibles : immigré = non-blanc = Autre, donc critiquer l'immigration en tant que décision politique nationale (on y reviendra), c'est avoir peur de l'Autre et être raciste. Comme d'hab, on confond là politique et morale. Pour une fois qu'Elisabeth Lévy a raison en affirmant l'aspect providentiel le génie de Racine, Usul n'use que d'anathème, de réduction psychologisante et fait toujours glisser la question politique et culturelle sur la question morale. Le pompon étant atteint lorsqu'il affirme sans sourciller que les positionnements de la polémiste sont les mêmes que ceux des Républicains, de Nicolas Sarkozy et autres. Là il témoigne non seulement de son manque de subtilité politique, mais aussi sa méconnaissance des politiques publiques engagées sur le terrain.
Il ne garde que ce qui l'arrange. C'est dingue de voir qu'un mec qui dit qu'il faut savoir critiquer son histoire avec une certaine hauteur de vue finit par affirmer que tous les blancs ont dominé les autres, qu'il sont tous méchants. Le gars Usul ose citer Houria Bouteldja comme intellectuelle pertinente susceptible de nous faire comprendre des choses sur la situation actuelle.


Le foutage de gueule est clairement dans cette situation malsaine : aux "Français de branche", on exalte la "différence" et on promet la vraie liberté et une égalité sociale qui n'arriveront jamais à cause de la société libérale et capitaliste contemporaine, même avec les partis de la gauche actuelle, car en France "tout est permis mais rien n'est possible", et aux "souchiens", on fait porter le poids du crime des crimes, celui de la colonisation et de l'esclavage, tout en niant la différence qu'il portent également et le fait que ce sont eux qui font ce pays, avant tout.


Sixième épisode, Bernard Friot


C'est intéressant de mettre en avant les idées d'un économiste hétérodoxe là encore. Pour la critique méthodologique de ce qu'il en dit, je vous renvoie à l'avis de Moizi. Je pense qu'on pourrait dire que ses idées ne pourraient être mises en oeuvres que dans un grand chambardement mondial, dans lequel la géopolitique globale serait différente de celle d'aujourd'hui.


Hors-série sur la Pensée 68


Là encore, et toujours, du Bourdieu. Bourdieu encore et toujours. Quid de Clouscard ? De toute façon, Il tape un grand coup : il intitule sa vidéo "la pensée 68" sans presque aborder la série des penseurs et des révolutionnaires de mai 68, par exemple pour expliquer que tout réduire à mai 68 et surtout à ces intellectuels serait faux, mais que les courants idéologiques sont portées par des forces matérielles et politiques avant tout.


Dernier épisode en date : Pujadas


C'est un peu gros de faire une vidéo sur lui, après celle de Pierre Carles. C'est un défi pour le moins difficile à relever.
Concernant sa "critique" de Soral dans sa dernière vidéo, je reprends ici un court texte que j'avais écrit dans les commentaires de l'avis de Moizi et sur JVC.
Je dis qu'il le [Soral] critique bêtement, d'une parce qu'il part du postulat qu'il est d'extrême-droite. Personnellement je ne pense pas que Soral soit d'extrême droite, mais s'il le prouvait, je n'aurais rien à dire. Or, en l'occurrence, il ne fait qu'affirmer son appartenance à un mouvement de pensée. De plus, il essentialise ce mouvement de pensée ("c'est l'Extrême droite" avec une majuscule, dirait-on) en faisant remonter l'origine de l'idée de Soral (qui est très faible, je suis le premier à le reconnaître) à l'extrême droite qui serait une tradition de pensée figée.
Le pire est qu'à la fin de la vidéo, il défend les féministes, en avançant l'idée que les médias assignent aux féministes en général une idée qui n'est défendue que par un certain groupe féministe (osons le féminisme). Je partage son point de vue, les médias appauvrissent toujours les pensées et les font rentrer dans des cases ; mais il fait EXACTEMENT la même chose avec l'extrême droite au tout début.


Donc pour lui, les mouvements féministes sont multiples et variés, alors que l'extrême droite est monolithique. (Entendons par là que ce sont tous des méchants). Il témoigne d'une faible culture de la vraie gauche lorsqu'il résume de la même manière l'anti-immigrationnisme de Marchais à du racisme (pour les procédés de réduction au racisme, voir l'avis de Gallu.


Tout cela pour dire qu'Usul, malgré toutes ses bonnes intentions et ses tentatives, en reste à une position pour le moins bête et méchante. Son problème, c'est de croire qu'il est subversif et qu'il va refaire le monde, alors qu'il est essentiellement d'inspiration bourdieusienne, il partage toutes les idées du Monde Diplo, de l'altermondialisme et autres. Il n'a visiblement pas l'honnêteté intellectuelle pour faire de bonnes vidéos. J'étais enthousiaste au début, sa vidéo sur BHL m'avait fait rire un brin, et j'avais la conviction qu'il s'améliorerait par la suite... or, c'est tout le contraire, malheureusement. Il tombe souvent dans la caricature, l'ironie facile, les petites piques gratuites, pour somme toute nous resservir les mêmes idées et analyses que des penseurs réputés de gauche, mais déjà connus dans les médias (Chomsky, Serge Halimi pour ne citer que ces noms-là). Je vois de moins en moins l'intérêt de ses vidéos. Il se répète, et de toute façon il ne fait que répéter ce que disaient des documentaires comme ceux de Pierre Carles et les Nouveaux chiens de garde, à la différence que lui ne fait que compiler des vidéos Youtube et des petits graphiques lorsque ces derniers soit allaient sur le terrain, soit vulgarisaient dans un court film les analyses de toute un mouvement critique. Il faudra qu'il pense à se renouveler, à aller plus loin que vouloir impressionner du monde et à s'extraire des "cadres" classiques, car, contrairement à ce qu'il a l'air de croire, il ne sort ni de la pensée dominante ni des procédés télévisuels les plus communs.

Gepolo
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le 2 juin 2016

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