Si dans le monde réel nous avons les Anonymous, la série, elle, a Elliot. Employé matriculé d’une firme spécialisée dans la sécurité informatique et des serveurs le jour, Elliot se révèle être un hackeur justicier la nuit. Piégeant un à un les escrocs de la société, dévoilant pour arriver à ses fins les sales petits secrets qu'il peut trouver sur eux, en bidouillant ses doigts sur son ordinateur. Ce n'est pas tout, il utilise des drogues et voit régulièrement une psy. Les justiciers ne sont pas tous vétus d'une cape, Elliiot affiche d'emblée son caractère asocial en ne quittant pour ainsi dire jamais sa capuche de sa tête. Mr.Robot a un atout, son gros atout, et bien c'est son scénario. Contrairement à la majorité des schémas de scénario de base, celui de la série n’est pas rempli de rebondissements mais d’ouvertures. Nous sommes tenus en haleine par ce monde où les fantômes et la discrétion sont omniprésents, et où une poignée d’êtres humains contrôle les autres. Les hypothèses sont nombreuses autour des personnages et permettent au téléspectateur de rester accroché à Mr. Robot, en plus du fait que nous sommes dans une série qui brise le quatrième mur. En effet, Elliot nous parles assez régulièrement, et nous distingue comme un ami imaginaire. Ce qui nous mêles davantage et de manière plus efficace encore à l'histoire. C’est sans faux pas que la série aborde avec une facilité déconcertante des notions complexes d’informatique, de philosophie, d’économie, de croyance ou de psychologie, aussi pertinente lorsqu’elle évoque l’évidente instabilité d’un paradigme bâti sur de l’abstrait, que lorsqu’elle s’intéresse aux blessures intimes de ses personnages. L’écriture, tout comme la mise en scène, sont évolutives. Si Mr. Robot possède une vision d’ensemble bien définie, chaque épisode propose un véritable fil conducteur stylistique. La réalisation y sera plus intense ou moins ambiguë, les scènes s’enchaîneront de telle manière pour qu’à la fin de l’épisode, de façon plus ou moins évidente, Esmail en vienne à une conclusion, qu’il s’agisse de remettre en question la moralité de son protagoniste, sa santé mentale, ou d’évoquer la place de l’humain dans une société comme la nôtre.
C’est cette ambivalence qui traverse Mr. Robot. Esmail ne fait pas de ces révolutionnaires anticapitalistes des héros, il ne fait pas de leur cause un étendard, et même s’ils sont bien intentionnés, il ne les présente même pas comme des bonnes personnes. Des dangers, des inconscients, ou même des criminels, qui menacent l’équilibre d’un monde imparfait, dont la présentation comme un nemesis machiavélique est définie dès le départ comme un fantasme dont la réelle nature est transformée, jusqu’à son nom, par l’esprit difficilement fiable de la figure centrale de la série. Si on sait lire entre les lignes, Mr. Robot n’est pas un bête pamphlet schizo-anarchiste à la Fight Club, mais une fresque politique qui pose la question de la subjectivité. Son protagoniste n’est pas un justicier, mais un solitaire asocial qui veut sauver le monde depuis sa chambre miteuse.
Si la première saison avait remportée le titre de la série événement de l'été 2015 grâce à la réalisation efficace de Sam Esmail, et de son équilibre qui offrait aux personnages une première aventure de choix, cette saison deux lui emboîte le pas en optant pour une surenchère de remise en question concernant la mentalité de nos personnages. Tout en essayant de creuser davantage les bienfaits et conséquences de leurs actes. La saison est donc pétrie de bonnes attentions vis-à-vis du fan et du grand public, en effet, à peine a-t-on le temps de se remémorer les événements passés que nous tombons net dans une ambiance troublante en terme de compréhension. Une maîtrise parfaite de l'illusion pousse les spectateurs à se demander où se situe la mince ligne qui sépare le réel de l'irréel. Pas de doutes, la saison deux est très axée psychologie et nous rend tout aussi paumé qu'Elliot peut l'être lors de cette nouvelle aventure palpitante.
Pour autant, la saison 2 amène à nous questionner, la série essaie tant bien que mal de se séparer de sa lutte contre cette société imparfaite, point central de la saison une, pour affiner les détails de nos personnages, voir de les découvrir d'une tout autre manière. Elle sème le doute, sommes-nous vraiment les gentils? Finalement, impossible de dire que la série a un côté manichéen dans sa narration tellement les pires personnages de la série, humainement parlant, peuvent sembler être en détresse et incarner les victimes des conséquences irreversibles de la saison une. Ainsi, les relations se brisent, l'ami est peut-être un ennemi, une question taraude l'esprit: ont-ils réellement bien fait? La psychologie peut donc correspondre à ce qui semble être le tout nouveau rouage principal de la série, mais il est regrettable de se dire que malgré une bonne intention, la lutte de base semble d'une certaine façon en pause. La société subit, pendant que la Fsociety semble enclin à des missions beaucoup plus futiles que la normal.
Le hic est que certains des personnages sont reliés au second plan pour le besoin de cette pause, ce qui fait que la série descend dans la notation du très bien, alors que la première saison était dans l'excellent.