Nada
7
Nada

Série Star+ (2023)

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Une série TV argentine avec Robert de Niro ? Ça ressemble assez à un OSNI (objet sériel non identifié) pour piquer notre curiosité, surtout si l’on n’oublie pas que l’Argentine reste l’un des pays, voire LE pays d’Amérique Latine où le Cinéma est le plus intéressant, car plus détaché – à la différence du Brésil, par exemple – de l’influence US. Et d’autant plus qu’on a encore en tête la belle réussite de El Encargado

Nada se positionne d’entrée dans le registre de la « comédie de caractères », avec un personnage central, critique gastronomique bien établi dans le troisième âge, dont les manies insupportables vont servir de prétexte et de moteur à l’action : en effet, cet homme caractériel, intransigeant, plein de préjugés, ne sait rien faire (« nada », donc) sans l’aide de sa vieille gouvernante, qui a la mauvaise idée de décéder et donc de l'abandonner en plein marasme. Mais Nada n’est pas non plus si loin d’un Woody Allen lorsqu’il filme sa ville chérie de New York, même si la célébration des charmes de Buenos Aires – puisque la capitale de l’Argentine est un personnage à part entière de la série -, se focalise avant tout sur ceux de sa gastronomie, qui sera tour à tour vilipendée, raillée et fêtée.

Si la mini-série ne dure guère que deux heures et demie, soit la durée d’un blockbuster hollywoodien contemporain, le trio de scénaristes (Mariano Cohn, Emanuel Diez et Gastón Duprat) prend le temps d’aller au delà de la simple comédie basée sur les tares et les défauts hilarants de l’odieux – mais finalement charmant – Manuel Tamayo Prats (Luis Brandoni, excellent) pour balayer un certain nombre de situations typiques de la société argentine, voire universelles. Au centre de la série se trouve le personnage touchant d’Antonia, la jeune employée de maison fraîchement débarquée du Paraguay (la lumineuse Majo Cabrera, qu’on espère revoir très vite…), victime des préjugés des Porteños – les habitants de Buenos Aires – puisque, même si on l’ignore en France, la société argentine est profondément raciste vis à vis des populations d’origine indigène : même si le sujet n’est malheureusement qu’effleuré, c’est la reconnaissance par Manuel Prats des valeurs de la culture (et de la gastronomie) de sa nouvelle « bonne », immigrée, qui lui fait retrouver le chemin de l’humanité.

On rira beaucoup aux démêlés de Manuel et d’Antonia confrontés à la bonne société de Buenos Aires, ou aux absurdités de la modernité, aussi ridicule en Argentine que chez nous. Mais la bonne idée des créateurs de Nada a été d’ajouter à la série un regard extérieur, celui de Vincent Parisi, écrivain new-yorkais d’origine italienne, qui est donc interprété par un Robert De Niro qu’on a rarement vu aussi naturel, aussi jovial, aussi visiblement heureux d’être là. C’est Parisi qui nous initie à la fantaisie de l’espagnol d’Argentine, et c’est finalement lui qui viendra, dans le dernier épisode, (re) découvrir les charmes de la cuisine locale.

Car si Buenos Aires est ici filmée avec une palette de couleurs vives quelque peu forcées, frôlant la syntaxe publicitaire, Nada a l’intelligence de nous rappeler que ce qui fait une société et sa beauté, ce sont les gens qui la composent. Et que la langue et la cuisine sont bel et bien deux expressions majeures du génie d’un pays.

[Critique écrite en 2024]

https://www.benzinemag.net/2024/03/03/disney-nada-pour-lamour-de-buenos-aires/

EricDebarnot
8
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le 3 mars 2024

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Eric BBYoda

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