Je savais à quoi m’attendre, et pourtant je suis quand même tombé dans le panneau.
Nous les menteurs est une série construite autour d’un leurre. Un de ces objets audiovisuels typiques de notre époque : tout est sacrifié au profit d’un twist final, censé racheter le vide abyssal des épisodes précédents. Spoiler : ça ne marche pas.
Dès le premier épisode, on est noyé dans une ambiance faussement poétique : filtres pastels, ralentis forcés, voix off omniprésente et insupportable. Cette narration interne, censée donner un ton intime ou littéraire, ne fait que souligner l’artificialité du tout. Dans un roman, on peut accepter cette voix. En série, elle coupe toute respiration, toute autonomie du spectateur, en expliquant tout, en soulignant tout, comme si on n’était pas capable de ressentir par nous-mêmes.
Et les musiques... Un florilège de morceaux formatés pour TikTok, choisis non pas pour enrichir l’émotion d’une scène, mais pour faire vibrer les ados en quête de matière à faire des montages larmoyants en slow motion. Tout est calibré pour l’effet, résultat : zéro émotion réelle, juste une esthétique d’émo creux, à base de plans contemplatifs sur des visages qui ne disent rien.
Les personnages ? Des coquilles vides. Les parents sont des caricatures : bourgeois blancs américains, froids, superficiels, et interchangeables. Quant aux ados, on nous les vend comme mystérieux, torturés, uniques… mais ce sont simplement des enfants de riches avec trois phrases de dialogue, une gueule d’ange et une playlist qui fait semblant de les rendre profonds.
Je ne suis pas étranger à ce genre d’univers. Ces figures, je les connais : le père distant, la mère élégante mais alcoolique, la cousine rebelle au cœur tendre. Je les ai déjà vues cent fois, et avec plus d’humanité qu’ici.
Et le pire, c’est qu’on nous dit : « attends la fin, tu comprendras, tout prendra son sens. » Mais c’est précisément ça le problème : si une œuvre ne vaut que pour son twist, c’est qu’elle ne vaut rien. Un retournement ne remplace ni la construction, ni l’écriture, ni l’émotion, ni la chair. C’est un gadget, pas un cœur.
Moi, pendant que je regardais cette saison – 6 heures de flottement, de soupirs, de vide maquillé – j’aurais pu voir trois ou quatre films, explorer des univers, rencontrer des personnages réels, vivants, singuliers. Là, j’ai juste traversé une story Instagram de luxe d’une heure par épisode.
Une œuvre qui confond le style avec la substance, le mystère avec le flou, l’émotion avec la pose. Si vous aimez les séries qui vous font croire qu’elles sont profondes parce qu’elles vous laissent dans le brouillard, vous aimerez peut-être. Sinon, passez votre chemin.