Une vitrine animée qui s’effondre dès qu’on gratte la surface

Mon avis sur Arcane ? Mitigé. La série est bien faite, c’est certain, mais elle me laisse avec pas mal de reproches sur le fond comme sur la forme. J’ai apprécié la moitié de la saison 1, et surtout été impressionné par la direction artistique et l’animation, qui sont indéniablement d’un très haut niveau. Mais une belle vitrine ne suffit pas à sauver une narration bancale.

Une lutte des classes plutôt que le sempiternel conflit racial ?

Ce qui m’a accroché au départ, c’est le thème central de la saison 1 : la lutte des classes entre Zaun (le bas) et Piltover (le haut). Pour une fois, on sort du schéma américain éculé du "conflit racial systématique" pour montrer des personnages de la même couleur de peau mais aux intérêts de classe opposés. Et ça, franchement, c’est plus subtil et bien plus pertinent. Dommage que cette bonne idée soit aussi mal exploitée.

La série pose d’emblée un conflit géopolitique entre les deux mondes, mais ne prend jamais vraiment le temps de nous le faire ressentir. Quelques scènes d’Enforcers (la gendamerie ou la BAC si tu veux) qui franchissent la limite, un peu de tension sociale ici ou là, mais rien d’assez marquant pour qu’on s’investisse émotionnellement dans cette quête de justice. Ça aurait été mille fois plus fort de commencer avec la génération de Vander, qu’on comprenne comment on en est arrivés là.

Des relations trop vite expédiées, un rythme étrange.

Le gros problème narratif, c’est la vitesse à laquelle les relations entre personnages évoluent. C’est tellement précipité que je me suis demandé plusieurs fois si je n’avais pas sauté un épisode.

Prenons Vander et Silco. On nous parle d’une relation fraternelle brisée, d’un passé commun, et on a droit… à un seul flashback où Vander l’étrangle dans une rivière. Pourquoi ? On ne saura jamais. Aucun développement. Résultat : on s’en fout. Et ce n’est pas mieux avec le passage de Powder à Jinx : elle fait exploser un immeuble, tue indirectement Vander et ses amis, se fait rejeter par sa sœur, et rejoint Silco comme si de rien n’était. Transformation express en Harley Quinn version mécano, sans transition crédible, sans vraie construction psychologique. C’est paresseux.

Mention spéciale à Vi et Caitlyn : amies (couple lesbien plus tard) en un épisode chrono. Ce n’est pas la rapidité qui dérange, c’est l’exécution. Les liens semblent artificiels, dictés par le besoin du scénario plus que par une évolution naturelle.

Une Jinx schizo par intermittence

Autre souci : la construction mentale de Jinx. Elle alterne entre phases de lucidité, crise de violence, flashbacks hallucinés… mais sans logique claire. La série semble l’utiliser comme un outil dramatique, un interrupteur émotionnel : on appuie sur le bouton "folie" quand ça arrange l’intrigue, puis on l’éteint à volonté. C’est caricatural, et ça décrédibilise totalement son arc.

Une mise en scène TikTokisée

Et là, gros point noir : la mise en scène à la TikTok. Ralentis sur ralentis toutes les trois minutes, musiques slowed & reverb pour amplifier le "tragique", poses figées… C’est gênant. Le moment censé être dramatique (genre la chute de Jinx dans la fosse avec le monstre-Vander) vire au fan-edit malaisant. Encore une fois : le ralenti, ça fonctionne quand ce qu’on montre à l’écran est impressionnant. Mais ici, rien ne l’est vraiment. Et quand tu en abuses, tu flingues toute l’intensité. J’avais l’impression de regarder un très mauvais film de Zack Snyder (A-t-il déjà fait un bon film ?)

Et franchement, personne ne croit à la mort de Jinx. Dans toutes les œuvres grand public, tant qu’on ne voit pas le corps, le personnage n’est pas mort. Cette scène est donc vide de tension réelle, juste un prétexte pour une séquence stylisée (et une saison) de plus.

La saison 2 : Descente aux enfers

Le coup de grâce, c’est la saison 2, qui enterre tout ce qui faisait l’intérêt de la première. Exit la lutte des classes, bonjour les romances, les drames familiaux, et l’arrivée d’un "ennemi commun" qui oblige riches et pauvres à s’unir pour sauver l’humanité. Originalité zéro. On balaie d’un revers de main tout le discours social au profit d’un schéma ultra-convenu. C’est paresseux, c’est lâche, et surtout, c’est révélateur : la série préfère plaire au plus grand nombre plutôt que creuser ce qu’elle avait d’unique.

Ce recentrage sur l’émotion individuelle plutôt que le collectif est symptomatique d’un produit calibré pour le grand public. Et quand on se rappelle qu’Arcane est diffusée par Netflix, multinationale de 548 milliards de dollars, on comprend mieux pourquoi le fond est sacrifié au profit du style.

En conclusion : une vitrine vide

Arcane est à l’image de notre époque : l’esthétique prime sur le fond. C’est beau, c’est stylisé, mais ça sonne creux. Et malheureusement pour Netflix, je ne suis pas tombé dans le piège. Je vois passer des gens qui crient au "chef-d’œuvre" sur les réseaux, qui balancent avec une audace fascinante "meilleure série de tous les temps". Pardon ? Le Covid a fait des dégâts, manifestement. La triple dose n’a pas suffi à leur faire retrouver le goût.