On n'est pas couché
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On n'est pas couché

Émission TV France 2 (2006)

Ça bourdonnait... Ça bourdonnait beaucoup trop dans ma tête. Des bruits, un brouhaha plutôt. Puis des éclairs, des éclats de lumière qui traversaient mes paupières pourtant fermées. La tête commençait à me tourner, le sol semblait se dérober sous mes pieds. Je chutais.
Des applaudissements frénétiques et des sifflets stridents furent les premières choses qui perturbèrent le doux sommeil ouaté dans lequel mon corps d’albâtre était tombé. Une voix criarde affublée d'un léger zozotement assez énervant vint terminer le douloureux réveil de ma carcasse engourdie.
Ce bourdonnement insupportable qui forçait mon éveil, mêlé à cette voix désagréable que venait surligner à chaque fin de phrases une sorte de rire crétin un peu forcé m'extirpait par les cheveux de ma torpeur et me laissait ébaubi, les yeux encore mi-clos, face à ce qui pouvait ressembler, si l'on se fiait à la platitude des jeux de mots et à la mollesse de l'humour, à un monologue de Laurent Ruquier.


Oui mes amis. Laurent Ruquier !


Je ne sais comment cela c'est déroulé mais me voilà à moitié affalé sur un de ces gradins inconfortables entre une jeune fille à dreadlocks dont la digestion difficile faisait remonter de ses intestins vegans des relents de quinoa vinaigrés et de steak de soja parfumé au raz-al-hanout, et un sosie de Laurent Wauquiez dont l'haleine aigre et les dents jaunes qu'il arborait fièrement prouvaient sans équivoques son engagement chez Europe Écologie Les Verts.
J'émergeais difficilement sans la moindre idée de ma présence dans ce studio de télévision surchauffé.


Je parvins tant bien que mal à me redresser sur mon siège et me mis à écouter d'une oreille distraite les calembours rances de l'animateur de France 2.
Une interminable litanie fadasse, se voulant drôle, sur quelques vedettes du moment, hommes politique ou stars de télévision, que l'ami Laurent énonçait de sa voix grêle annonçait le début de l'émission-phare de la seconde partie de soirée du samedi. Les blagues périmées fusaient de la bouche d'un Ruquier fier de lui et déclenchaient à chaque fois une salve d'applaudissements obligatoires.
Après cette sorte d'introduction sous forme de stand-up, où le chansonnier à lunettes de France 2 en grande forme faisait rimer "Macron" et "Macaron" et "Castaner" avec "Castagnette"; place maintenant au talk-show du soir.
C'est au son d'un jingle Pop-Rock vieux de quinze piges que les invités du jour pénétraient sur le plateau. En voyant les invités patienter nerveusement, se regardant dans le blanc des yeux et n'osant rien dire, je sus qu'il se passait quelque chose d'étrange. Le teint pâle, les yeux baissés et les épaules voutées, les célébrités conviées au show du samedi soir de France 2 rentraient dans cette arène de néons et de plexiglas comme leurs ancêtres Chrétiens rentraient dans les arènes Romaines de la Haute- Antiquité: Avec cette putain de peur d'être bouffé tout cru.


Assis au centre de cette arène factice, Laurent Ruquier tel un Néron myope comme une taupe et encarté au Parti Socialiste régnait sur ce petit peuple télévisé et s'apprêtait à lancer les hostilités.
Sur la droite du plateau étaient assis, le regard fixe, les deux chroniqueurs vedettes de l'émission. Le duo infernal de cette saison se composait de Yann Moix et Christine Angot. Deux écrivains de télévision, deux auteurs de sitcoms en format "poche" placés en procureurs généraux au milieu de ce tribunal de l'entertainment.
Entre deux applaudissements préfabriqués, Ruquier présentait en riant ses nombreux invités du soir. Les têtes d'affiches du moments côtoyaient quelques hommes politiques assoupis et autres humoristes ringards venus vendre leur soupe aux navets. Titoff, Christophe Willem, Phillippe Lellouche, Sheila et quelques autres attendaient, tremblants, que les interviews commencent.
"- Il commence la politique au début des années 90 en devenant Président du Mouvement des Jeunes socialistes, devient membre du gouvernement Ayrault en 2012, puis candidat à la présidentielle de 2017 en battant Manuel Valls à la primaire Socialiste. Notre invité politique de la semaine est.... Benoît Hamon. On l'applaudit bien fort."
Hamon faisait son apparition sur l'escalier d'ONPC et venait rejoindre les nombreux invités sur le plateau. Ruquier fit un bref récapitulatif de la carrière du Socialiste Breton en énumérant ses divers faits d'armes puis lança les hostilités en abandonnant le brave Benoît à ses deux chroniqueurs écumants.


Yann Moix commença son exposé sur l'invité. Un fastidieux inventaire des faits et gestes de l'inconsistant Hamon, plein de sophismes pseudo littéraires et de mots compliqués tentant vainement de valider une analyse qui tombait souvent à plat. Le chroniqueur invoquait Péguy, Hugo et Emmanuel Levinas pour descendre le pauvre Hamon qui ne demandait pas tant d'honneurs. Après s'être essuyé les pieds sur le paillasson Hamon à base de citations hors-sujets et d'attaques faciles, c'était au tour de Christine Angot de prendre le relais.
L'écrivaine-chroniqueuse se racla d'abord la gorge et tenta vainement de s'éclaircir la voix en poussant un hurlement horrible. Ruquier éclata d'un rire sonore aussi jaune que les tifs de Trump et aussi faux qu'un sourire de Marine Le Pen, exhortant sa collaboratrice à continuer calmement et à poser ses questions. La chroniqueuse sembla se calmer un instant mais une blague de Titoff - ratée, hein ! Cela va sans dire - sur les troubles de la concentration féminine mit le feu à la poudrière que représentait la boîte crânienne d'Angot.
Celle-ci commença par traiter le pauvre comique raté de "fasciste", ainsi que tous les invités masculins du talk-show au passage, leur adressant des doigts d'honneur et des crachats "sinusiteux" bien épais. Les invités étaient tétanisés par la peur et n'osaient bouger. Seul Christophe Willem dont la veste multicolore était maculée des résidus glaireux de l'écrivaine psychopathe tenta de s'échapper du plateau à l'Anglaise, mais la chroniqueuse qui n'en avait pas encore fini avec sa crise de démence, le vit du coin de l'oeil et balança sur le soporifique chanteur un verre à eau qui alla s'éclater en mille morceaux sur le décor de derrière. L'"écrivaillonne" se jeta alors comme une bête fauve sur le pauvre Jean Pierre Castaldi qui était à côté d'elle et lui mordit le mollet jusqu'au sang. L'acteur poussa un cri horrible et s'effondra sur le sol de plexiglas en roulant sur lui-même. L'ex de Doc Gynéco se mit à ramper en hurlant des insanités, invoquant ses propres succès littéraires et son génie pas assez reconnu à son goût, traitant les invités de "pitoyables sacs à merde" en griffant le sol de ses ongles jaunes. Les invités parvenaient tant bien que mal et tout doucement, à quitter la table, en évitant les nombreux objets contondants que la chroniqueuse jetait encore entre deux hurlements.
C'est au moment où Angot parvint à attraper la vieille Sheila par sa veste en skaï et s'apprêtait à la scalper avec un vieux cutter qu'elle tirât de sa poche, qu'un bruit sourd de fusil à air comprimé résonna dans le studio et l'on vit Christine Angot s'effondrer lourdement sur le sol, une seringue hypodermique plantée dans le cou.


Laurent Ruquier baissa son fusil et regarda les invités d'un air sombre.
" - COUPEZ ! ". Les spots du plateau s'éteignirent soudainement, aussitôt remplacés par la lumière blafarde des néons d'urgences.
" - Mesdames, Messieurs pour des raisons que vous pouvez aisément comprendre, nous sommes dans l'obligation d'arrêter l'émission. Nous vous présentons nos plus plates excuses."
Cette phrase résonnant dans les haut-parleurs nous invitait donc à quitter le plateau dans le plus grand calme pendant qu'en bas un technicien traînait le corps inerte de Christine Angot par les pieds.
Les invités ahuris parlaient entre eux et observaient les dégâts. Jean Pierre Castaldi se tenait le mollet en grimaçant, Christophe Willem essuyait les crachats glaireux qui maculait sa veste Kiabi tandis que Benoit Hamon ôtait méticuleusement sa veste tâchée des excréments de la chroniqueuse, qu'elle était parvenue à lui jeter durant sa crise de folie.
Le public descendait des gradins calmement et se dirigeait vers la sortie encore abasourdi par les évènements du soir. Je suivais le mouvement de la foule, mais encore pris dans mes pensées et sur le fait que je n'avais aucune idée de ce que je foutais là (Les bars de Bastille visités la veille y étaient sûrement pour quelque chose), je m'égarais sans m'en rendre compte dans les couloirs labyrinthiques du Studio Gabriel, cherchant à tâtons dans ces coursives sans lumières une sortie salvatrice après cette soirée foireuse.


Au détour des nombreuses circonvolutions du bâtiment et de mon errance dans ces couloirs aux moquettes épaisses, j'entendis au loin des cris terrifiants et des bruits métalliques qui me firent frissonner. Je m'approchai doucement de l'endroit d'où ces bruits étranges semblaient provenir.
Au bout d'un long couloir assez sombre, je vis sous une porte dont un "Interdit au public" était fixé dessus, un rai de lumière blafard qui éclairait faiblement cette moquette luxueuse. Les cris redoublaient d'intensité à mesure que j'avançais vers la porte fatidique. J'arrivai devant le seuil et collai mon oreille sur le bois.
Rien !
Je pris mon courage à deux mains et entrouvris la porte maudite.
Une odeur agressive de Javel et de formol me sauta au nez. Les barres de néons au plafond vibraient et clignotaient dans un bourdonnement électrique créant aux murs des ombres surnaturelles.

La pénombre vacillante m'empêchait de voir clairement autour de moi. Des cris, des tintements métalliques, des grincements inquiétants; tout ces sons effrayants voletaient autour de moi quand tout à coup mon regard parvient à se fixer.
Une cage. Une cage en acier fixée au sol. Dedans un animal. Surement. Une chose en boule. Tremblotante. " Gérard Bouchard ! Gérard Bouchard !! Gérard Bouchard !!! "
NOM DE NOM !! Jean-François Dérec ! Cette chose dégueulasse effondrée dans cette cage de métal n'était autre que l'ex-collaborateur de Ruquier, le fadasse Dérec qui ânonnait son unique sketch connu comme une effrayante litanie. Je passais à côté de lui sur la pointe des pieds et m'avançais, la peur au ventre, dans cet antre malsain.
Au fur et à mesure que je progressais dans cet étrange labyrinthe, je voyais nombre de ces cages scellées au plancher. Des formes inquiétantes se mouvaient comme elles le pouvaient dans ces cubes de métal et hurlaient des phrases sans queue ni tête.
"MACHO ! Salaud de machiste à la con !!" Je reconnus l'odieuse Isabelle Alonso, vêtue de loques, accrochée au barreaux de sa cage et pataugeant dans ses propres excréments. Je m'approchai pour tenter d'ouvrir la cage mais la farouche féministe se mit à hurler " HARCÈLEMENT ! HARCÈLEMENT ! ". Je pris peur et m'enfuis en courant au milieu de cet asile cathodique.
Dans ma fuite je voyais la bande à Ruquier (comme il était convenu de l'appeler à l'époque) enfermée dans ces cages étroites où enchaînée au mur dans des positions incongrues. J'apercevais dans ma course un Phillippe Gelluck en haillons enchaîné par le cou gravant avec ses ongles en sang son sinistre Chat sur les murs blanc de cet asile d'aliénés; Isabelle Mergault était attachée au mur se répétant en boucle le mot "Coccinelle" que son défaut d'élocution rendait impossible et plongeant la belle dans un état de folie furieuse. Jean Benguigui tournait sur sa chaise comme un pantin désarticulé tandis qu'un Gérard Miller transpirant tentait vainement de psychanalyser un Pierre Bénichou déguisé en bébé, tout en lui changeant ses couches.
La peur au ventre, je parvins à m'extirper de cette pièce incroyable, de cet asile pour chroniqueurs fatigués sans trop éveiller les soupçons.


J'ouvris doucement une porte à l'autre bout de ce drôle de dortoir et me retrouvai dans une pièce sans fenêtre à l'éclairage verdâtre. Aux murs les photos des anciens chroniqueurs d'ONPC avec en dessous leur date d'existence dans les émissions. Zemmour (2006-2011), Naulleau (2008- 2011), Aymeric Caron (2012-2015) et ainsi de suite. Je suivais cette galerie de portraits aussi beaux qu'inquiétants qui m'amenaient vers une porte où "Régie" était inscrit en lettres de sang. J'ouvrais doucement la porte et lorgnai à l'intérieur avec la plus extrême des prudences. Je vis un bureau immense dans ce qui semblait être effectivement une régie de télévision. Deux personnes me tournaient le dos et regardaient attentivement un écran en faisant de grands gestes. Je crus reconnaître aux voix des deux spectateurs les patrons des samedi soirs de France 2: Laurent Ruquier et Catherine Barma.
CB: " - Qu'est ce qu'il s'est passé ?"
LR: "- J'en sais trop rien. Je pense que son formatage à la mauvaise foi et à la méchanceté laisse à désirer. Elle avait en elle déjà beaucoup trop de méchanceté. On a dû abuser sur la programmation de son subconscient, elle a pas tenu le choc. "
CB: " - Trop de haine, tue la haine, c'est ce que tu veux dire ? Mais putain les autres ont bien résisté, non !?"
LR: " -Tu veux dire la troupe enfermée dans la pièce d'à côté ?"
CB: "- Non ! Eux on savait qu'ils étaient trop faible. Ils n'étaient que méchants, leur pitoyable méchanceté ne se serait jamais transformée en haine. D'ailleurs regarde où il en sont ! Ils n'ont jamais vraiment récupérés et ne sont pas prêts de repartir pour la vie civile de sitôt.
J'te parle de nos champions ! Zemmour, Naulleau, Caron ou Salamé. Ils ont tenu le choc eux putain !"
LR: " - Je sais. Mais notre Christine est spéciale. Son quotient de haine est presque 20 fois supérieur à celui d'Aymeric Caron et 10 fois supérieur à celui de Zemmour. Et dés sa première saison !
Angot est trop pure. C'est une boule de haine qu'on ne peut formater. Il nous faut impérativement la rééduquer sinon elle fera exploser ONPC et nous coulerons tous avec elle."
CB: " Tu as raison Laurent. AMENEZ ANGOT !"


Sur l'écran apparut Angot menottée et traînée par deux agents de sécurité de France Télévisions. Les molosses placèrent de force l' "écrivaillonne" sur un fauteuil de cuir munie de sangles et la ligotèrent fermement.
Ruquier et Barma contemplaient le spectacle, le regard sérieux, sur le grand écran de la régie.
Je fermai doucement la porte et me rendis au sous-sol où Angot semblait être détenue par le duo infernal des talk-show de France 2. Effectivement en descendant les escaliers juste derrière moi, je tombai sur la pièce de rééducation mentale made in service public. Je l'entrouvris avec une légère appréhension pour voir ce qu'il s'y passait.
Christine Angot était attachée à ce fauteuil de cuir et remuait dans tous les sens pour tenter de se libérer. Mais les liens étaient trop solides et la chroniqueuse se fatigua vite; lasse elle se laissa tomber sur le dossier abandonnant ainsi l'espoir d'éviter sa trépanation télévisuelle. Les deux molosses placèrent alors délicatement les écarteurs d'yeux à Angot et lui bloquèrent la tête bien droite face à l'écran encore noir.
La voix de Ruquier résonna, froide, dans le haut-parleur: " - Allez y !"
Le grand écran s'éclaira tout à coup; Angot s'arrêta tout net de bouger. Les images commencèrent à défiler à grande vitesse et scotcha l ' "écrivaillonne" à son siège de cuir. Les molosses à côté d'elle humectaient constamment ses yeux avec une solution neutre et stabilisaient sa tête avec force face aux déferlement d'images en tout genres.
En effet après le burn-out de la chroniqueuse en pleine émission, il fallait la reprogrammer. Redessiner sa structure mentale; repositionner ses haines pour qu'elles soient en accord avec la politique des chaînes publiques et canaliser au mieux son système nerveux défaillant.
Angot était bombardée de flashs lumineux et de séries d'images surréalistes qui me paraissaient sans queue ni tête mais qui semblaient agir avec efficacité sur l'écrivaine.
L'écran était comme envoûté. les images se succédaient à une vitesse folle.
Un chat attaquant un oiseau. Un requin surgissant de l'eau. Les oreilles de François Bayrou. Ruquier mangeant un carpaccio. Hitler. Staline. Phillippe Gelluck. Un feu de forêt. Une boîte de tampon hygiénique. Najat Vallaud-Belkacem lisant un livre. Un poisson rouge dans son bocal. Gilles Verdez et le Général De Gaulle gambadant en forêt main dans la main.
Tout se superposait formant une mélasse d'images et de sons que la belle Christine était obligé d'avaler de force. Les yeux de la chroniqueuse papillonnaient à toute vitesse et semblaient ne plus lui appartenir. Les images redoublaient de vitesse et de violence.
Un déraillement de train. L'effondrement d'un immeuble. Les oreilles de François Bayrou. Une pub Afflelou. Le bombardement d'une tranchée de 14. Nikos Aliagas. Pinochet. La crucifixion. Le fou rire de Francis Huster dans "Le Dîner de Cons". L'incendie du Reichstag. Les oreilles de François Bayrou. L'assassinat de Kennedy. Yann Moix se grattant un testicule. Une fan de Christophe Maé. Un lac gelé. Les oreilles de François Bayrou. Un plat de tripes. Patrick Fiori. Un portrait de Lénine. La bouche de Didier Deschamps. Christophe Castaner en slip. Le discours de Martin Luther King. Marlène Schiappa déguisée en hot-dog. Une chrysalide. La compagnie Créole. Paul Préboist en Cicciolina ....et encore les oreilles de François Bayrou.


Le film s'arrêta net. J'étais moi-même déstabilisé par la violence des images et la profondeur malsaine de l'impact cérébral que cela pouvait créer sur des personnes fragiles.
Je regardai Angot qui vibrait encore sur son siège, le yeux rougis par le supplice et la bave aux lèvres.
Les molosses du service public la détachèrent avec précaution et restèrent prés d'elle au cas où.
Angot paraissait sereine, calme; son regard apaisé lançait tout de même des éclairs de haine semblant incontrôlables; mais celle-ci était pourtant gérée, enfouie, bien calée au fond de la chroniqueuse comme assoupie, abrutie par ce déferlement visuel. La violente thérapie de la deuxième chaîne semblait avoir marché sur la scribouillarde du samedi soir.
Les molosses desserraient doucement leur emprise sur la belle Christine, qui leur esquissait même ce qui, de loin, semblait être un sourire.
Après avoir vérifié que le traitement avait fonctionné et que Christine Angot était sous contrôle, les deux surveillants firent demi-tour et sortirent de la salle par une porte dérobée, laissant la belle reprendre, tant bien que mal, ses pauvres esprits.
Angot restait assise devant l'écran noir, souriante, ne sachant que faire, le regard errant de gauche à droite à la recherche de quelqu'un ou de quelque chose.
Pris de pitié pour l'écrivaine de gare, je me risquais à la héler pour tenter de la faire sortir de cet asile télévisuel.
" - Psst, hé Christine ! "
Angot se retourna vers moi avec un joli sourire naïf aux lèvres.
" - Christine ! Venez. N'ayez pas peur. Vous êtes la victime d'une rééducation mentale forcée orchestrée par Laurent Ruquier. Venez, je vais vous aider."
Angot me regarda longtemps, fixement. Soudain elle se mit à se mordre les lèvres, à se gratter violemment le cou; ses yeux commencèrent à papillonner et sa bouche se tordait dans tous les sens. La chroniqueuse se figea, crispée de tous ses membres, comme à l'affût. Elle me toisa du regard, ce regard qui venait de changer à l'instant, qui venait de revirer à la haine en l'espace d'une seconde et me lança:
" - M'AIDER ? Vous voulez dire que parce que je suis une femme, parce que je suis le sexe faible, je ne peux m'en sortir toute seule. Vous pensez m'humilier avec votre main de masturbateur frénétique tendue. Je suis "écrivaine" Monsieur ! Je suis une artiste Monsieur ! J'ai des milliers de lecteurs derrière moi. Je m'assume seule, depuis toujours, sans votre aide, sans l'aide de personne.Je vis ma vie de femme, d'artiste, sans vous, sans votre regard castrateur et paternaliste.
Vous êtes une saloperie de machiste doublé d'un infâme et intolérable fasciste. Je vous pisse dessus, Monsieur, en tant que supposée inférieure à votre piteuse condition masculine, à votre dégueulasse intelligence de mâle blanc fier et arrogant... Vous...vous êtes UNE MERDE, MONSIEUR ! Vous ne méritez pas de vivre...Vous ne méritez plus de vivre... vous... VOUS... AAAaaaarrrh !"
Angot se tenait la tête à deux mains en trépignant sur son siège. Je reculai doucement de la porte voyant la situation tournée au vinaigre, tout en gardant un oeil sur la bête. La chroniqueuse se mit à grogner dans un crescendo terrifiant.
Angot releva alors la tête d'un seul coup, me fixa quelques secondes d'un oeil noir et se mit à hurler de toutes ses forces en tremblant de tous ses membres.
Je sursautai de terreur en apercevant les yeux révulsés de la chroniqueuse, je me sentais paralysé par la peur et eus à peine le temps d'éviter un jet d'excrément qu'elle me jetât avec une précision animale. Je me retournai au plus vite pour fuir ce lieu de perdition, quitter cet asile horrible qu'était le talk-show de la deuxième chaîne, et la vis du coin de l'oeil, dans ma fuite précipitée, se jetait à mes trousses avec la vélocité d'un prédateur ayant repéré sa proie...


J'étais fait, putain...


La thérapie avait échoué.

Ze_Big_Nowhere
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le 12 août 2018

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