Ouvrez les Guillemets
6.2
Ouvrez les Guillemets

Émission Web YouTube (2017)

« Dernier épisode. ‘Va falloir dire au revoir aux gens correctement parce que la dernière fois il parait qu’on a été un peu sec. »

Ces mots, ce sont ceux de Rémi Liechti, alias Cotentin / Ostpolitik, le co-animateur et co-auteur de cette webchronique que le média en ligne Mediapart a hébergé pendant presque six ans : Ouvrez les guillemets.

Des mots de conclusion, donc – ceux du dernier épisode sobrement intitulé « Fermons les guillemets : perspectives et prospectives » – mais des mots d’adieux qui, comme le suggère judicieusement le chroniqueur, ne sont pourtant pas les premiers.


Déjà cinq ans plus tôt, au début du mois de juillet 2018 – soit au terme d’une seule saison au service du média participatif – les deux lurons à la tête de cette chronique avaient déjà fait leurs adieux au web français par un épisode au titre encore plus laconique, « le dernier épisode », et effectivement, cet au revoir avait clairement des allures de conclusion faite à l’arrache, sur un banc, l’air maussade et sonné. Presque faussement détaché.

« Ouvrez les Guillemets, euh… Une formidable aventure. […]

– Mouais une aventure humaine en tout…

– Une aventure humaine qui a commencé du coup… euh… A la rentrée dernière…

– En octobre.

– Mais qui a commencé surtout à l’Aquarium. Je voudrais qu’on revienne sur l’Aquarium qui nous accueilli toute cette année… Et qu’on remercie…

– Au départ l’idée… Enfin ce que Mediapart nous avait demandé c’était de… Euuuh. De faire un édito. Quelque chose très éditorialisé… "Hésitez pas à taper euuuh… Tapez dans le tas. A y aller à fond et tout…" Ça a pu être, j’pense, utile pour faire un peu du rentre-dedans… On peut pas faire des éditos comme ça… En… En…

– Bon bah ‘oiiilà ! Une fois qu’on a dit "Waaaargh ! Colomb il est pas cool !" Oui bon d’accord on le sait que Colomb il est pas cool… Wauquiez il est pas cool… Ouais on a fait Wauquiez aussi…. Macron il est pas cool. Marlène Schiappa elle est reloue, ouais… »

Tout ça avait des airs de lendemain de cuite. De redescente. Et on n’était donc qu’au 38e épisode…


Pourtant – et à ce moment-là ils ne le savaient pas encore – les deux trublions allaient être rappelés à taper à nouveau dans le tas dès la rentrée suivante et cela pour cinq années supplémentaires, les conduisant à produire au total 163 épisodes, ce qui n’est pas rien.

Mais cette fois-ci donc, ça semble donc véritablement fini.

Pas de 164e épisode en septembre 2023. La page semble donc définitivement tournée, les guillemets irrémédiablement refermés. L’occasion pour nous de pouvoir enfin faire un vrai bilan.

Et si je parle de vrai bilan c’est parce qu’il se trouve que, pour ma part, je m’étais très vite exprimé sur ce site au sujet de cette émission. A peine une vingtaine d’épisodes et ma critique était déjà postée. Et même si, six ans plus tard, mon avis global n’a pas sensiblement changé, j’ai néanmoins ressenti l’envie de profiter de cette clôture définitive de cette Ouvrez les guillemets pour mettre à jour, creuser et moduler certains points parce que, l’air de rien, en 163 épisodes, elle nous en a dit des choses cette émission. Et quand je dis ça, je ne parle pas des sujets qui ont été littéralement couverts par nos deux chroniqueurs… Non, quand je dis ça, j’entends plutôt parler de ce que cette émission nous dit de comment a évolué l’information sur le net, la parole « de gauche », mais aussi et surtout comment a évolué celui qui, au début du net français, était considéré comme une idole de l’alterculture numérique, j’ai bien évidemment nommé Pierre Severin, a.k.a Usul.


Car non, on ne peut pas parler d’Ouvrez les guillemets sans parler d’Usul.

Cette émission, on ne peut en comprendre la création qu’au regard du parcours personnel de ce pionnier de YouTube qui, à l’époque, a toujours eu un coup d’avance sur tout le monde.

Parce qu’on pourra lui en reprocher des choses à l’ancien chroniqueur de Mediapart, mais on ne pourra pas lui retirer ça : il faisait déjà du Let’s Play à une époque où Squeezie n’existait pas. Quand le Let’s Play s’est développé, il était déjà passé à la vulgarisation avec ses 3615 Usul et au just chatting avec sa Radio Usul. Et quand le net français s’est mis à son tour à la vulgarisation, lui a décidé de tout plaquer pour s’orienter vers des vidéos de militantisme et de formation politique avec Mes chers contemporains.

…Et quand bien même cette dernière émission était-elle critiquable sur pas mal d’aspects, notamment dans les biais qu’elle entretenait, là encore on ne pouvait pas retirer ce mérite à Usul : il avait investi le champ d’une acculturation politique que, jusqu’alors, seuls Soral, le FN et l’UPR occupaient en ce temps-là.


Que ce soit à notre goût ou non, Usul, en 2017, était l’une des figures de proue de la communication politique sur Internet. Pas étonnant dès lors que Mediapart – qui à cette époque n’avait pas encore soufflé ses dix bougies – le contacte pour couvrir la campagne présidentielle de 2022 sur le ton de son Mes chers contemporains. Et pas étonnant non plus donc, qu’après le succès de cette chronique appelée L’air de la campagne, on lui propose un projet davantage régulier : ce fameux Ouvrez les guillemets.

Seulement voilà – et comme je le signalais déjà dans ma première critique datant d’avril 2018 – le changement de format est compliqué et la formule a clairement peiné – surtout lors des premiers épisodes – à trouver son ton et sa pertinence intellectuelle.


Dès le premier épisode, on se retrouve face à un Usul seul (Cotentin / Ostpolitik n’arrivera que dans l’épisode 2), boboïsé, coupé court et habillé à la Christophe Barbier, ce qui constitue déjà en soi un style qui interpelle.

Le sujet ? La presse et moi. Une belle occasion de reprendre le 3615 là où l’avait laissé l’ancien chroniqueur de jeuxvideo.com puisque son dernier épisode portait lui aussi sur la presse JV.

Malgré ça la mayonnaise a du mal à prendre. Le format est très court – sept petites minutes – et notre bon Usul ne semble plus y être habitué. Il essaye de poser le sujet à la façon d’un Mes chers contemporains mais doit se contenter de généralités.

Au final, ça expédie la question à grands coups de rabots tout en multipliant les références bibliographiques « pour aller plus loin ». On doit donc se contenter d’évidences. On ne développe jamais rien. On retient juste cette conclusion : un journaliste c’est politique et ça fait partie du jeu politique. Soit. Mais et après ?

Alors certes, la conclusion de ce premier épisode donne l’impression qu’il ne s’agit-là que d’une amorce pour qu’ensuite les épisodes suivants permettent d’entrer davantage dans le dur, mais le problème c’est que tous les épisodes qui suivront seront à ce même niveau de superficialité, questionnant dès lors la finalité informative et/ou intellectuelle du format.

Dans Mes chers contemporains, certes je n’étais généralement pas d’accord avec les conclusions et je tiquais au fait qu’Usul y sélectionnait toujours ses contre-arguments de manière bien arrangeante, mais au moins je pouvais profiter du déroulé d’une pensée ; je pouvais a minima cerner son approche idéologique des problématiques traitées, quand bien même je ne la partageais pas toujours.

Dans Ouvrez les guillemets, Usul sacrifie cela au profit de conclusions toujours expéditives, ce qui – au mieux – ne conduit donc qu’à une vision très superficielle des choses (c’est le cas notamment des trois premiers épisodes), et au pire, peut conduire à ce qui, pour ma part, m’a fait rejeter en grande partie cette émission : le prêt-à-penser.


Pour moi, la descente aux enfers a commencé dès l’épisode 4.

Pourtant le titre « Gauche / droite : revoyons les bases » était riche de promesses.

Usul entendait ici réagir aux propos tenus quelques mois plus tôt par Emmanuel Macron lors de son passage au sein de l’émission Au tableau du 19 mars 2017. Le Youtubeur s’insurgeait – et à raison ! – sur la manière dont le candidat à la présidentielle avait présenté la nature du clivage gauche / droite. Or à quoi a-t-il consacré les 9 minutes et 22 secondes de cet épisode 4 ? A rétablir la vérité ? A mobiliser les sciences sociales – notamment historiques – pour rappeler le sens véritable auxquels renvoient les mots gauches et droite ? …Bref, les a-t-il consacrées à vraiment « revoir les bases » ?

Eh bien non, en fait. Que nenni.

Au lieu de ça, Usul va opposer aux fantasmes d’Emmanuel Macron ses propres fantasmes et, à la fin des 9 minutes que dure l’épisode, on n’aura finalement eu aucune définition claire et précise de ce qu’étaient la droite et la gauche pour Usul et son compère.


Ne ressortira finalement de tout ça qu’un jeu de boîtes par l’intermède duquel il conviendra de classer les gens et les idées ; un jeu de boîtes finalement assez révélateur des épisodes sortis par l’émission.

Alors, bien évidemment, ce jeu est présenté non sans une insistante ironie, mais une ironie qui – malgré tout et au bout du compte (on y reviendra) – révèle assez bien de ce dont il est vraiment question dans Ouvrez les guillemets.

L’important ce n’est pas d’expliquer, d’analyser et d’informer. Non, l’important c’est de classer les gens et les idées dans les bonnes cases. Gauche / Droite. Copains / Pas copains. Progressistes / Réaco-Rastono-Fachos…

Pas convaincus ? Alors jouons un peu au jeu en n’auscultant que les premiers épisodes.


Épisode 2 : les blocages de lycéens. Boîte de gauche ou boîte de droite ?

Six minutes de vidéo pour nous expliquer que le blocage des lycées – qu’importe si la cause est foireuse ou pas – ça reste de la formation politique des masses : donc boîte de gauche. Les bloqueurs c’est forcément des copains.

Épisode 3 : le Club Dorothée. (Plus dur…)

D’un côté c’est du TF1, c’est de l’abrutissement des masses, c’est du sexisme et du racisme ordinaires… Donc boîte de droite, non ?

Ah bah non ! Parce que de l’autre côté Zemmour est contre alors c’est peut-être mieux d’être pour ! Du coup, Dorothée ça devient l’ouverture aux autres cultures, c’est la maladresse d’une équipe qui doit faire du contenu au kilomètre et puis…. Et puis au fond, Corbier, Jacky, si on les avait laissé faire, ils z’auraient pas fait ces trucs typiques de la boîte de droite ! C’est eux-mêmes qui le disent ! Donc allez hop ! Dorothée à gauche et TF1 à droite ! Et puis – paf ! – pendant qu’on y est, on rajoute dans la boîte de droite Ségo’, Hanouna et Alexandre Astier ! Ça leur fera les pieds !

Et voilà ! Fin du jeu ! Fin de l’épisode !

Qu’est-ce qu’on a vraiment appris du Club Do’ ? Pas grand-chose. Mais là n’était pas le but de l’épisode. Le but de l’épisode c’était le jeu des boites, rien de plus.


Pour les épisodes suivants, plus facile.

Épisode 5 : Balance ton porc.

Alors ? …Vous avez trouvé ? Oui bien sûr : celles et ceux qui balancent leurs porcs sont les gentils.

…Du coup ne reste plus qu’à lister celles et ceux qui se sont montrés critiques à l’encontre du mouvement pour remplir la boîte de droite. Ainsi Cohen, Enthoven et Polony se sont retrouvés, suite à cet épisode, dans la boîte des « pas copains ». Alors certes, ils tous les trois plus ou moins de droite nos trois larrons épinglés, là n’est pas le problème… Mais c’est tout ce qu’on a dire du mouvement Balance ton porc et de son opposition ?

D’ailleurs on ne répond même pas à la nature des critiques formulées pour voir si celles-ci sont fondées ou pas. Bah non, tu penses bien ! On n’est pas là pour ça. Ouvrez les guillemets c’est le jeu des boîtes et rien que le jeu des boîtes. La réflexion et l’analyse : non. La classification et la condamnation : oui.

Même chose avec l’épisode 6 sur le communisme.

Même chose avec l’épisode 7 sur le fascisme.

Qu’est-ce que l’un ? Qu’est-ce que l’autre ? On s’en fout. Les premiers sont les gentils. Les seconds sont les méchants. D’un côté on a le NPA, le PCF et les Insoumis. De l’autre TVLibertés, Finkielkraut, Zemmour, Phillippot, Le Pen, et… Le printemps républicain ?

Ah ouais quand même… Parce que bon, moi je veux bien qu’on ne mette pas le Printemps républicain dans la boîte de gauche hein… Mais dans la boîte fasciste ? Carrément ? …Mais comment on en est arrivé à un tel glissement ?


Eh bah c’est bien simple, ça s’est joué en moins d’une minute. D’abord on dit : « on fait souvent du racisme le marqueur central de l’extrême-droite. C’est vrai que la stratégie du bouc émissaire est centrale pour ces partis. [Mais] ils n’en n’ont pas le monopole. » Ensuite, on enchaîne directement sur un exemple bien godwinisant : « l’antisémitisme des années 30 n’était pas propre à l’extrême-droite. Il était assez largement partagé en Europe et on le retrouvait aussi bien dans les ligues factieuses que dans certains mouvements de gauche. » Puis enfin, dès la phrase suivante, on conclut au rapprochement évident : « de la même manière, aujourd’hui, il faudrait être aveugle pour ne pas voir que l’islamophobie ne se cantonne pas au Front national. On peut le retrouver dans des discours de Wauquiez ou comme des mouvements de gauche comme le Printemps républicain. »

Et voilà. Bim ! Sur quoi repose cette accusation d’islamophobie du Printemps républicain ? On ne saura jamais. Ils sont islamophobes à la manière des nazis qui voulaient envoyer tous les Juifs dans les camps, donc ils font le jeu de la fascisation de la société. Boîte de droite. Le jeu est fini.

…Et sinon, au fait, c’est quoi le fascisme exactement ?

Ah bah merde, malgré dix minutes de blabla, on a oublié de le définir et l’expliquer. C’est ballot ça.


Mais bon, dès le jeudi suivant : rebelote. On remet les couverts avec le Printemps républicain et l’islamophobie. Tel un fil conducteur, le titre de l’épisode 8 annonce la couleur : « islamophobie, un racisme de droite et de gauche ». (Au moins y verra-t-on peut-être plus clair.)

Pour l’occasion les deux comparses ont laissé leur place d’animateurs à deux militants d’un collectif lyonnais nommé Des Raciné.e.s. Mais pas de quoi être égaré pour autant puisqu’on retrouve très vite la formule de l’émission : on expédie vite, on ne définit rien, et les anathèmes sont lancés aussi vite que les affirmations gratuites.

Ainsi faut-il retenir – pêle-mêle – que « l’islamophobie est partout » ; que dans « le cadre de la recherche en science sociale, il serait inconvenant […] de prononcer certains mots comme par exemple "islamophobie" » ; et que le mot en lui-même est carrément « récusé depuis des années par de grandes figures médiatiques » de gauche. On ne manque d’ailleurs pas de nous faire un « Top 3 des raisons pour ne pas combattre l’islamophobie quand on est de gauche », pour conclure en affirmant sans ciller que la France est « un pays islamophobe » et qu’il va être nécessaire à gauche, pour évoluer, que celle-ci « regarde son propre racisme en face, quand bien même serait-il dissimulé derrière la lutte contre l’islamisme, le terrorisme, le sexisme ou encore le communautarisme. »

Beaucoup d’affirmations donc, mais appuyées sur quoi ? A bien y regarder, sur pas grand-chose… Ou pour être plus exact, sur une sacrée dose de malhonnêteté intellectuelle.

Pas convaincus ? Reprenons alors.


Sur quoi s’appuie, par exemple, cette affirmation selon laquelle l’islamophobie serait partout ?

D’après la militante Des Raciné.e.s, l’islamophobie serait partout notamment du fait qu’on la retrouverait dans des milieux dont on pourrait penser qu’ils sont épargnés comme « par exemple, nous dit-on, dans le milieu universitaire, ou dans les milieux de gauche plus généralement ».

Sur quoi s’appuie cette idée selon laquelle l’islamophobie s’exprimerait dans les milieux universitaires ? Sur un seul exemple en fait : l’annulation d’un colloque qui était prévu à l’université Lyon 2 sur le thème de l’islamophobie. Raison évoquée par la vidéo ? L’annulation se serait faite sous « la pression d’organisations dites de gauche tel que le Printemps républicain, main dans la main avec l’extrême-droite. » (Je précise : c’est tout. Rien de plus n’est dit.) « Ainsi, même dans le milieu universitaire, […] il serait inconvenant de parler avec untel et untel, voire même de prononcer certains mots comme par exemple "islamophobie". »

Donc le Printemps républicain aurait fait pression parce qu’une université aurait voulu tenir un colloque sur l’islamophobie ?

Étonnant, parce qu’en seulement quelques clics sur Internet, je découvre que la crispation n’a pas tourné autour du fait qu’il puisse y tenir un colloque sur l’islamophobie, mais plutôt sur le fait que ce colloque entendait laisser la parole au Conseil contre l’islamophobie en France (CCIF) ainsi qu’à Abdelaziz Chaambi qui, tous deux, n’ont rien à voir avec le monde scientifique.

Mais dites-moi donc… C’est moi où cet épisode vient de procéder à pas de mal de raccourcis, là ?


« Islamophobie » serait ensuite, nous dit-on, un mot récusé à gauche. Soit, mais par qui ?

Par Caroline Fourest, nous affirme-t-on d’abord, mais aussi par Danièle Simmonet qui voit dans ce débat « une occasion d’ouvrir une énième discussion sur la laïcité. »

Alors moi, déjà, j’aimerais qu’on me dise d’où Caroline Fourest est de gauche, mais surtout j’aimerais aussi savoir comment on peut aborder la question des débats menés au sein de la France insoumise sur la question de l’islamophobie sans évoquer l’affaire Henri Pena-Ruiz qui avait affirmé lors d’une université d’été de LFI que : « le racisme […] c'est la mise en question des personnes pour ce qu'elles sont. Mais ce n'est pas la mise en question de la religion. On a le droit […] d'être athéophobe comme on a le droit d'être islamophobe. En revanche, on n'a pas le droit de rejeter des hommes ou des femmes parce qu'ils sont musulmans. Le racisme, et ne dévions jamais de cette définition sinon nous affaiblirons la lutte antiraciste. […] Le racisme antimusulman est un délit. La critique de l'islam, la critique du catholicisme, la critique de l'humanisme athée n'en est pas un. »

Alors on peut être en désaccord avec Henri Pena-Ruiz hein ! Là n’est pas la question. Mais pourquoi ne pas aborder la réalité du débat pour ce qu’elle est ? On est en plein dans un épisode qui aborde la question de l’islamophobie à gauche, alors pourquoi évacuer le cœur de la dissension ?


Ensuite, lorsque vient le moment d’aborder le fameux « Top 3 des raisons pour ne pas combattre l’islamophobie quand on est de gauche », l’épisode fait le choix d’utiliser un bref passage qui dit littéralement ceci : « avant d’être des Musulmans, des Maghrébins, des Noirs et ceci, vous êtes d’abord des jeunes prolos opprimés, exploités. Et c’est en tant que membre de cette classe ouvrière et de cette jeunesse populaire qu’on s’adresse à vous. »

Or, de ce passage, l’oratrice nous dit qu’il est typique d’une « gauche cassoulet » qui « reste braquée sur la seule question de la lutte des classes » parce qu’une « partie du prolétariat étant lui-même sensible aux discours islamophobes, ça ne ferait que diviser le mouvement. »

Alors moi je peux vraiment entendre qu’il puisse encore exister au sein des orgas de gauche des gens qui ont un problème avec l’islam, voire avec les musulmans, mais je ne vois absolument pas en quoi l’extrait choisi permet de l’illustrer.

Ce à quoi appelle l’orateur, c’est de dépasser les clivages identitaires et générationnels afin de mieux lutter contre la cause commune à tous les maux : le capital. Dire cela, ce n’est pas reléguer les questions du racisme, du sexisme ou de l’islamophobie comme inférieure à celle de la lutte des classes. Dire cela c’est juste adopter une approche systémique de la lutte en lieu et place d’une approche fragmentée. C’est ce qui est littéralement dit, et affirmer autre chose que cela ne peut relever que de la spéculation fallacieuse ou du procès d’intention.


Mais bon, après je dis ça, peut-être qu’en se renseignant sur l’identité des intervenants de ce court extrait – ou bien tout simplement en regardant l’intégralité de l’intervention en question – on pourrait se rendre compte qu’en fait les Des Raciné.e.s disent vrai et que leurs soupçons sont justifiés…

Seulement voilà – comme par hasard – la vidéo n’est ni identifiée ni sourcée… Pas plus que ne l’est d’ailleurs cette autre vidéo située en début d’épisode et qui était censée illustrer l’islamophobie ordinaire que subissent au quotidien les musulmans de France.

Et pour le coup c’est encore plus dommage ! Car il se trouve que cette vidéo estampée du logo du CCIF (tiens, encore lui) a été retrouvée quelques mois plus tard dans son intégralité et débunkée sur un compte YouTube d’extrême-droite du nom de « Sanglier Sympa ». (Ça ne s’invente pas.)

Avec le montage du CCIF, on ne pouvait y voir qu’une jeune femme voilée en train de témoigner du fait qu’un chauffard avait renversé sa belle-sœur à un passage piéton, suggérant ainsi un acte islamophobe totalement gratuit. Seulement, en observant la vidéo dans son intégralité – et telle que l’avait diffusée le Sanglier Sympa, on pouvait se rendre compte qu’en fait, le chauffard en question était ivre, qu’il avait manqué d’écraser plein de gens au cours de sa folle escapade, et qu’il avait fini encastré dans un mur. Le hasard voulait juste que le témoin interrogé par les journalistes était une femme voilée. Et c’était tout. En fait, rien d’islamophobe là-dedans.

Après, je dis ça de mémoire car, depuis, la vidéo a été supprimée. Mais malheureusement pour Usul et son compère, le souvenir de ce cadeau fait à la fachosphère est resté dans pas mal d’esprits, dont le mien.

L’épisode 8, lui, par contre, est resté sur la page de Mediapart, tel quel. Inchangé. Sans erratum. Rien. Il continue d’être là, à disposition, en tant qu’outil idéal pour à la fois crisper toute une partie de la gauche par sa manière de dénaturer les propos qu’elle porte, tout en faisant jubiler l’extrême-droite pour sa consternante démonstration de malhonnêteté journalistique.

Être tourné en ridicule par un gars qui se fait appeler « sanglier sympa » : franchement, pour ça, merci Ouvrez les Guillemets. (Et c’est un homme-grenouille qui le dit…)


Alors après – oui sûrement – le délit est sûrement davantage à attribuer au Collectif Des Raciné.e.s plutôt qu’à Usul et Cotentin qui ont eu le malheur de faire aveuglément confiance à des copains… Mais c’est justement tout le problème de ne penser la politique qu’au travers d’un jeu des boîtes. Au lieu d’analyser, de référencer, de faire preuve d’esprit critique à partir d’une culture politique qui se voudrait exhaustive et non sélective, on s’est juste contenté d’avoir une approche superficielle et biaisée d’un collectif qui, pourtant, envoyait tous les signes du truc foireux.

Jamais légalement déclaré en tant qu’association, le Collectif Des Raciné.e.s n’a plus donné signe de vie deux ans après la vidéo. Seulement entre temps, le mal était fait. Mal d’avoir démontré l’absence totale de rigueur journalistique d’une émission pourtant chaperonnée par Mediapart. Mal d’être allé d’ailleurs jusqu’à démontrer une absence totale de rigueur intellectuelle, voire – et c’est le pire – d’honnêteté intellectuelle.

Parce que non, l’épisode 8 n’est pas pour moi un simple dérapage. Il est contraire un révélateur de l’état d’esprit d’Ouvrez les Guillemets.

Et j’en veux preuve le fait que tout cette émission soit imprégnée en permanence de ce trait d’écriture fort significatif dont je parlais déjà un peu plus : l’ironie.

Encore et toujours l’ironie…


L’ironie, c’est ce qui permet de faire sans prétendre le faire vraiment.

C’est une posture qui permet de balayer toute attaque – justifiée ou non – d’un revers de la main.

Sitôt une critique survient qu’on la fait sienne, qu’on la surjoue et qu’on la tourne en dérision. C’est surtout une très belle manière de ne jamais se justifier sur ses propres raccourcis et autres impostures intellectuelles. C’est une façon de donner l’impression qu’on est au-dessus de tout ça. L’attaque serait tellement ridicule qu’il suffirait de l’adopter avec ironie pour faire la démonstration de toute sa stupidité…

Mais voyons c’était une blague… Tu n’avais pas saisi l’ironie ?

C’est d’ailleurs avec une bonne couche d’ironie que commence l’épisode 8 : « pourtant moi j’ai tout bien fait niveau islamo-gauchisme, dit Usul en intro de l’épisode. On me dit "va à Mediapart", je vais à Mediapart. "Passe à France Inter", je vais à France Inter ». Le ton est immédiatement donné.

Pire, si on prend bien la peine d’y faire attention, c’est toute l’émission en elle-même qui est lancée sur le ton de l’ironie. Car comment Usul avait-il décidé d’ouvrir le premier épisode de sa nouvelle chronique ? Par ces mots :

« Salut c’est Usul, le bobo gauchiste anti-France d’Internet. Alors comme vous le savez peut-être j’ai, dès l’année dernière, mis toutes mes convictions de côté pour collaborer avec un journal islamo-gauchiste pour dire du mal, par exemple, de l’UPR. »Et voilà. Le tour est joué. Osez dire maintenant qu’Usul est un bobo d’Internet, gauchiste, qu’il est anti-France, islamo-gauchiste et contempteur de l’UPR… Vous aurez l’air bien fin…


Rien d’étonnant donc, avec un tel état d’esprit, que le reste de la saison 1 d’Ouvrez les guillemets ne se réduise régulièrement qu’ à la reproduction de ce sempiternel même schéma.

La plupart du temps il va s’agir de réagir à l’actualité et de fournir les principaux éléments de prêt-à-penser.

Quand, au début de l’année 2018, le gouvernement entendra s’attaquer au statut des cheminots, un épisode (le vingt-troisième) sortira afin de – du moins c’est ce que prétend le titre – « check[er] leurs privilèges ». Mais au final, sur une vidéo de 8 minutes et 17 secondes, on n’aura passé que quatorze secondes sur ce que sont vraiment les spécificités dudit statut (ça se passe entre 3’18 et 3’32 pour celles et ceux qui ne me croiraient pas), soit quatre fois moins de temps que ce qui sera consacré en conclusion à la promotion d’Olivier Besancenot et de sa lecture de la lutte sociale. Encore une occasion de manquée de s’informer au profit d’un énième clip de propagande.

Même chose au fond quand, le même mois, il sera question d’aborder la question du jeu vidéo à l’occasion de la Japan Expo (épisode 22). Pas de « mise au point » comme annoncée pourtant dans le titre de cette vidéo de presque dix minutes. A la place on passera simplement son temps à remplir des boîtes.

D’un côté, Donnedieu de Vabres, Le Maire et les types du Gamersgate qui n’y comprennent rien et qui sont à mettre dans la boîte de droite. De l’autre Saint Jean-Luc Mélenchon qui est le seul à avoir su voir dans le jeu vidéo un support de culture et un média d’expression.

Et quand, deux mois plus tard, il sera question de traiter de cinéma français à l’occasion du Festival de Cannes, on assistera une fois de plus à la même « reductio ad boitorum ». A droite, on retrouve cette fois-ci A bras ouverts, Kev Adams et Intouchables (…parce que oui, Intouchables, c’est raciste : c’est un article américain qui l’a dit. Sur quoi ça se base ? Oula ! Vous en demandez beaucoup à Usul là !) Quant à la boîte de gauche, on la remplira avec OSS et Astérix : Mission Cléopâtre parce que ça critique le colonialisme (argument cinématographique imparable, vous en conviendrez), ainsi qu’en évoquant pendant près d’un tiers de vidéo les « minorités visibles » que compte le milieu du septième art hexagonal (dont Amandine « je-me-cherche-ma-cause-à-moi-pour-exister-médiatiquement-parce-que-sinon-artistiquement-parlant-c’est-pas-ça » Gay ; excusez du peu).

Mais bon, au moins cette fois-ci, le titre de cet épisode 33 avait ce mérite d’être clair sur son intention de base : le cinéma français est-il de droite ? Au moins tout était dit d’entrée.


C’est qu’effectivement, avec le temps – et tout au long de cette première saison – Usul a fini par assumer de plus en plus sa posture qui consiste à biaiser systématiquement le jeu.

Le 11 janvier 2018 – et alors qu’il n’a que quatorze épisodes publiés d’Ouvrez les guillemets au compteur – Usul se fait inviter à une conférence à l’Université populaire de Bordeaux aux côtés d’une de ses idoles du monde journaliste : Pierre Carles. L’auteur de Mes chers contemporains y assumera avec sa chronique y faire « du mauvais esprit » ; de « décider de quoi on rit » ; « quitte à être moins constructif à long terme ». Et quand bien même Pierre Carles désapprouvera poliment la méthode, faisant comprendre que, pour lutter efficacement face aux éditorialistes de la presse de droite, il est nécessaire de travailler plus qu’eux – d’ « en faire deux fois plus » – Usul se contentera simplement de répondre à ce reproche poli par un laconique « on fait ce qu’on peut », pour ensuite mieux enfoncer le clou deux mois seulement plus tard avec le vingt-quatrième épisode d’ « OLG » intitulé : « Politiques : les rois de la com ».

Dans cet épisode Usul questionne la pertinence qu’il y aurait, dans un monde politique où la communication est devenue reine, à communiquer par l’émotion plutôt que par la raison. Et comme à son habitude, Usul finit par établir deux positions antagonistes : d’un côté la position de ceux qui en « prennent acte » comme Frédéric Lordon, lequel « aimerait opposer [au capitalisme] un autre régime de désir », admettant « que les affects [sont] la matière première du politique et qu’il n’[est] pas sale de s’en servir » ; et de l’autre la position de ceux qui, tels Clément Viktorovitch et Horizon : Gull, postulent « que la raison et la vérité pourraient avoir le droit de cité en politique ». Mais comme souvent avec Usul, deux positions envisageables c’est déjà une de trop. Et voilà comment on se retrouve avec cette idée énoncée selon laquelle la première est celle « de tous les acteurs politiques engagés dans la lutte pour le pouvoir car tous utilisent la com’, les émotions pour parvenir à leur fin » – citant et classant ainsi dans la boîte des acteurs engagés Lordon, Chantal Mouffe et la France insoumise par l’entremise de Sofia Chikirou – quand la seconde position est quant-à-elle présentée comme la « vision défendue par des commentateurs [plutôt] que des acteurs de la vie politique. »

Parce que oui, Clément Viktorovitch – qui a fondé une association d’éducation populaire – lui n’est pas un acteur de terrain quand, par contre, les universitaires Chantal Mouffe et Frédéric Lordon le seraient… (Allez comprendre.)


Par cet épisode 24, Usul persiste donc et signe : « en politique la lutte est si âpre et la fin si noble qu’il n’est pas absurde de soutenir qu’elle justifie les moyens… »

…Quitte à prendre les gens pour des cons et à décrédibiliser la cause qu’on défend sitôt s’hasarde-t-on dans un raccourci malhonnête, donc.

Étrange calcul de la part de quelqu’un qui se revendique du camp de l’émancipation des masses.

Parce que c’est bien gentil d’assumer, au point d’ailleurs – tout un symbole – d’abandonner le look et l’écharpe barbiesques en fin de cet épisode sur la com’ pour mieux revenir au look gaucho bobo du temps des 3615 Usul et autre Mes chers contemporains, mais ce clairement n’est pas ça qui va préserver l’émission – durant cette première saison – de quelques grands instants de ridicule.

Alors certes, rien de comparable à la funeste déconvenue de l’épisode 8 sur l’islamophobie, mais quand même de sacrés épisodes « contre son camp » assez consternants.

Je pense notamment à cet épisode (le 30) durant lequel Usul et Cotentin arpentent les manifs et les facs dans l’espoir de faire (en vain) un portrait flatteur de la jeunesse mobilisée, ou bien encore cet autre épisode (le 32) visant à redorer l’image des Black Blocs.

« Ils seraient là pour casser et pas pour faire passer un message » nous dit Usul d’eux, cherchant à briser cette représentation de jeunes insouciants qui viendraient juste en manif pour connaître le grand frisson.

Seulement voilà, le problème c’est que, derrière cette affirmation-là, notre bon Usulmaster nous fait témoigner une nana qui affirmera pourtant textuellement que : « dans le cortège du lycée c’est du genre hyper calme, et je trouve ça chiant en fait » ajoutant même dans la foulée que, parmi ses compagnons de lutte « il y a plein de mecs qui se vantent d’avoir fait de la gardax. »

Au total, on aura donc affaire à dix minutes d’épisodes durant lesquelles les témoins interrogés n’auront jamais été capables – à un seul instant – de produire un seul discours politique construit. Le comble sera même atteint lorsque l’épisode réutilisera les images du principal média relayant les actions des Black Blocs Taranis News – média dont le nom renvoie à celui d’une divinité gauloise traditionnellement revendiquée par les fafs qui aiment arborer des croix celtiques sur leur cou. Plus confus idéologiquement que ça, tu meurs.

Autant dire que cet épisode-là, c’est à la fois une balle tirée dans le pied des Black Blocs, et une autre – une de plus – tirée dans la crédibilité d’analyste politique de ce pauvre Usul.


Et pourtant…

Et pourtant, si je m’attarde à ce point sur cette première saison – et alors que ma critique aspire toujours à une approche globale de cette Ouvrez les guillemets – ce n’est pas pour le simple plaisir de s’en prendre aux épisodes les plus faibles de l’émission, profitant notamment du fait qu’à ce moment-là, la formule des deux compères n’était pas encore rodée. Non. Bien au contraire. Si je m’attarde à ce point sur la première saison, c’est juste parce que je considère que c’est pendant cette période de rodage et d’expérimentation qu’on retrouve tout OLG, aussi bien pour ce qu’elle a de pire – c’est vrai – mais aussi pour ce qu’elle a de meilleur.

Parce que oui, je considère qu’à un moment donné, il y a eu du bon dans Ouvrez les guillemets. Mieux que ça même : je considère même qu’il y a eu quelque chose de potentiellement productif et intéressant. Et ce moment, c’est justement lors de la fin de cette saison 1.


Car oui, on aura beau moquer les épisodes 30 et 32 autant qu’on voudra pour les disaster classes qu’ils constituent en termes de démarche (et je ne m’en suis d’ailleurs pas privé), que malgré tout on ne saura leur retirer ce mérite d’avoir fait sortir nos deux compères de cet éditorialisme d’intérieur au profit d’une prise de contact avec des acteurs de terrain. Les maîtres à penser y laissent davantage la parole à ceux qui font l’action sociale, et difficile de ne pas y voir là un véritable gain.

Ce sont les personnels soignants en grève du CHU de Lyon à qui on tend le micro lors de l’épisode29. Ce sont ces deux urbanistes qu’Usul et Cotentin se contentent de suivre lors de l’épisode 35 afin que leur soient (et nous soient) présentés des cas très concrets d’aménagements urbains de l’équipe municipale de Gérard Collomb au service de la gentrification en marche. Et c’est enfin ce non moins intéressant épisode 37 – l’avant dernier de la saison – qui prend la peine de filmer le quotidien des réfugiés au sein du principal camp de la Capitale des Gaules. Là encore, la présence sur le terrain permet de produire un contenu bien plus impactant qu’un simple édito surtout que, pour la peine, Usul n’élude pas ici le biais qui l’amène peut-être à enjoliver la situation.

Difficile de ne pas sentir là une intention évidente de la part d’Usul et de son comparse de faire opérer à leur OLG un virage journalistique. Et si, de cette confrontation au format de la chronique politique hebdomadaire, l’ancien de JVC avait su amorcer une mue, alors sûrement qu’aujourd’hui on parlerait différemment de lui…

…Et alors sûrement aussi que, moi de même, je vous aurais parlé différemment de ce qu’a été en définitive Ouvrez les Guillemets.


Car malheureusement, au bout du compte, de mue, il n’y a pas eu.

Au terme de cette conclusion abrupte et amère de l’épisode 38 – manifestement imposée par un commanditaire qui, de l’aveu même des deux chroniqueurs, leur avait simplement demandé de « rentrer dans le tas » – Usul et Cotentin auraient pu prendre acte de la décision de Mediapart et considérer qu’en fait ils ne disposaient pas, avec ce journal, d’une véritable liberté de ton pour mener leur militantisme à leur façon. Ils auraient pu profiter de ce stop brutal imposé par leur employeur pour s’extirper du carcan « plénelien » et reprendre leur liberté.

Usul notamment aurait pu faire ça. Et aujourd’hui, cinq ans plus tard, on aurait peut-être été nombreux à saluer son parcours qui – bien que tourmenté – lui aurait malgré tout permis de déblayer un nouveau terrain de vulgarisation, de militantisme voire de journalisme sur Internet.

Mais malheureusement ce n’est pas ce qu’a fait Usul.


Deux mois après le fameux épisode des adieux pleins d’amertume – à la surprise générale – Usul et Ost rempilent, comme si de rien n’était.

L’épisode 39 porte sur la carte de presse, comme une étrange redite du premier épisode, et Usul y lance tout de suite son sujet, se contentant – en guise de justificatif – un simple : « donc oui on est de retour ! Parce qu’après tout Macron il est pas parti. Wauquiez il est pas parti. Collomb non plus. Les fachos sont toujours là. Ils sont dans les villes, ils sont dans les campagnes, ils sont sur les réseaux sociaux. Et je sais qu’ils adorent venir détester cette chronique. Oui, c’est aussi un peu pour eux qu’on est revenu.

– Ah non moi c'est pour l’argent » répond alors Ost avec une bonne dose d’ironie.

Cette fameuse ironie…

Elle aussi fait son retour dès l’épisode 39, et elle aussi rempilera au bout du compte pour cinq nouvelles saisons… Ou comment faire sans prétendre le faire vraiment…

Car oui, au regard de ce qu’ont été par la suite les 125 épisodes qui suivront, c’est l’évidence qui semble parler : si Usul et Ost ont poursuivi l’aventure, c’est surtout pour le chèque. A partir de l’épisode 39 : plus d’écart. Plus d’expérimentation. On suit la ligne.

Les deux joyeux drilles se contenteront de faire le boulot pour lequel le bon Edwy les paye : faire les bobos guignolos antifachos ; certainement pas les journalistes.

On prend l’actualité, on sort les boîtes et on dit aux gens quoi penser et comment le penser.

C’est donc ainsi que l’actualité sera traitée pendant cinq ans : on nous dira successivement – entre 2018 et 2023 – quoi penser des affaires Kolher, Baupin, Mila ou encore Quatennens, mais aussi – pêle-mêle – des Gilets jaunes, du RIC, de la France périphérique de Guilluy, de la réforme Blanquer, du SNU, de la Convention climat, de Didier Raoult, du reconfinement, du plan Culture, de Génération identitaire, de la 5G, des propos de Frédérique Vidal sur l’islamo-gauchisme, de la loi anti-squat, jusqu’à la réforme des retraites de 2023 ainsi que les 49.3 à répétition du gouvernement Borne.


Pendant cinq ans et 125 épisodes : toujours le même protocole.

On va d’abord aller piocher bien au fond de la boîte de droite pour en faire ressortir les propos les plus caricaturaux et stupides tenus sur le sujet de la semaine puis, dans la foulée, on apporte au spectateur le contrepoint binaire auquel ce dernier est appelé à adhérer. La caricature des uns permet souvent de mieux faire accepter la caricature ou le réductionnisme des autres. Et avec un brin d’humour, d’ironie et de montage expédié, on nous conclue le tout avec les quelques personnalités de la boîte de gauche qu’il conviendra d’adouber sur la question.

Cette mécanique est tellement rodée qu’elle est – comme lors de la saison 1 – parfois poussée jusqu’à une certaine forme d’absurde, rappelant ainsi régulièrement cette émission à toutes ses limites, mais j’ai aussi envie de dire à tout ce qui aura été – jusqu’au bout – son identité.


L’épisode qui est sûrement le plus symptomatique de cette absurdité poussée jusqu’au ridicule, c’est certainement l’épisode 76 sorti en juillet 2019 et intitulé : « pour sauver la gauche, faut-il sacrifier Mélenchon ? » L’épisode étant exclusivement consacré à la question de l’union de la gauche pour les échéances électorales d’après 2017 – et notamment à la alors-très-lointaine élection présidentielle de 2022 – on serait en droit de penser que, pour une fois, Usul allait être contraint d’abandonner, au moins le temps d’un épisode, le jeu des boîtes. Mais c’est malheureusement fort mal le connaître. Car sitôt est-il question de parler d’union des gauches que notre bon vieux Usul ne trouve rien de mieux à faire que de remplacer la boîte de droite par une boîte « pas de la bonne gauche ».


C’est ainsi qu’on se retrouve avec un premier temps de la vidéo expédié à toute vitesse par un Usul manifestement agacé d’avoir à perdre son temps à évoquer Guillaume Balas, coordinateur national de Génération.s, le « petit parti de Benoît Hamon », Daniel Glucksmann de Place publique, David Cormand d’EELV et Yann Brossat du PCF. Tout ce petit monde était réuni par Mediapart pour discuter de la nécessaire union de la gauche ; principe d’union qu’Usul résume très rapidement et à gros traits. En gros les divergences seraient moindres, tout le monde serait plus ou moins d’accord sur le principe d’une union de la gauche autour du thème de l’écologie sociale, mais malheureusement cette union se heurterait d’abord au « gros melon de Yannick Jadot » puis ensuite aux querelles byzantines entre partis ; tout cela étant expliqué sur fond musical de Captain Toad : Treasure’s Tracker, pour dire le sérieux avec lequel notre chroniqueur entend traiter les positions de ces gens issus de la boîte « pas de la bonne de gauche »…

…Et puis soudain c’est la rupture. Soudain, on parle de Jean-Luc. Saint Jean-Luc.


____

...Et pour savoir comment Usul nous parle de Saint Jean-Luc dans cet épisode 76 – et surtout pour connaître la conclusion que je tire d'Ouvrez les guillemets au termes de ce nouveau bilan – je vous invite à lire la suite et fin de cette critique dans l'espace commentaires, puisque cette page SensCritique ne semble pas en mesure d'en supporter davantage... ;-)

Créée

le 10 janv. 2024

Critique lue 3.6K fois

48 j'aime

82 commentaires

Critique lue 3.6K fois

48
82

D'autres avis sur Ouvrez les Guillemets

Ouvrez les Guillemets
Nicolas_Otter
4

Usul en caricature de lui même

Usul est un type que j’ai toujours trouvé brillant. Tant dans ses chroniques vidéoludique sur jeuxvidéo.com qu’avec son émission mes chers contemporain. Je peux même dire qu’Usul a façonné l’homme de...

le 25 oct. 2017

25 j'aime

17

Ouvrez les Guillemets
zardoz6704
7

En fait il touille.

Critique après le 7e épisode sur l'islamophobie. J'avais peur qu'il y ait des redites par rapport au 3615 ou à *Mes chers contemporain*s. C'était un peu le cas dans les épisodes du début. En fait je...

le 6 nov. 2017

4 j'aime

Du même critique

Tenet
lhomme-grenouille
4

L’histoire de l’homme qui avançait en reculant

Il y a quelques semaines de cela je revoyais « Inception » et j’écrivais ceci : « A bien tout prendre, pour moi, il n’y a qu’un seul vrai problème à cet « Inception » (mais de taille) : c’est la...

le 27 août 2020

236 j'aime

80

Ad Astra
lhomme-grenouille
5

Fade Astra

Et en voilà un de plus. Un auteur supplémentaire qui se risque à explorer l’espace… L’air de rien, en se lançant sur cette voie, James Gray se glisse dans le sillage de grands noms du cinéma tels que...

le 20 sept. 2019

206 j'aime

13

Avatar - La Voie de l'eau
lhomme-grenouille
2

Dans l'océan, personne ne vous entendra bâiller...

Avatar premier du nom c'était il y a treize ans et c'était... passable. On nous l'avait vendu comme l'événement cinématographique, la révolution technique, la renaissance du cinéma en 3D relief, mais...

le 14 déc. 2022

158 j'aime

122