Psycho-Pass
7.7
Psycho-Pass

Anime (mangas) Fuji TV (2012)

Il y a une chose que je trouve particulièrement frappante dans "Psycho-pass", c'est combien la société japonaise - du moins certains de ses artistes - est consciente d'elle-même, de ses limites, de ses travers, ses laissés pour compte et de ce qui pourrait bousculer le "contrat social" nippon. L'anime est en quelque sorte une parabole de ce que deviendrait la société japonaise, repoussée dans ses extrêmes, en favorisant une sérénité factice basée sur la consommation et la hiérarchisation du moindre besoin et désir au détriment de l'individu (ce qu'elle fait déjà, à moindre degré). Le constat fait presque plaisir.


Mais en-dehors de ces considérations, "Psycho-pass", qu'est-ce que ça vaut ? Car s'il est bien beau d'émettre une critique sociale, encore faut-il qu'elle soit efficace et bien menée. Et Psycho-pass est très bien mené.Si le rythme est assez lent, il n'en est pas paresseux pour autant et prend le temps de développer une multitude de petits détails permettant de mieux appréhender la société dystopique mise en place par le système "Sybille", sorte de Big Brother agissant par anticipation en scannant les individus afin de jauger leur taux de criminalité potentielle et en faisant enfermer ceux présentant un taux trop élevé. Il s'agit du fameux "Psycho-pass", un score qui se substitue à la loi, appliqué par le "Bureau". Sybille contrôle jusqu’aux armes de la police, qui ne peut neutraliser ou tuer un prévenu que lorsque le score dépasse certains paliers. Si le spectateur voit très vite les limites d'un tel système, reste que l'anime met très intelligemment en scène son écroulement progressif, en le montrant tout d'abord dans toute sa "force", à travers les bras armés des exécuteurs, des tueurs contraints par le système, puis, par petite touche, en introduisant des personnages qui le sapent, par leur seule existence, parfois. En quelque épisodes charnière, la machine bien huilée se grippe, se retourne contre l'humain et se dévoile dans toute son absurdité et son horreur. Le scénario n'est certes pas très original mais parfaitement maîtrisé et secondé par des personnages dont l'évolution donne toute sa force à l'intensité dramatique du récit et à son propos, une réflexion sur les limites de la volonté humaine, la nécessité de la canaliser et le danger de voir cette canalisation devenir une dictature. Une histoire intelligente, qui aurait pu être parfaite.


Car il y a un hic et pas des moindres : tous les personnages au début de l'anime apparaissent comme les habituels stéréotypes de l'animation nippone, le brun ténébreux, le blagueur pervers, la gothique frigide, la biatch, l'héroïne débutante fraîche et naïve, le vétéran, le psycho-rigide, etc...
Or, la grande force de Psycho-pass c'est précisément de sortir chaque personnage de son stéréotype pour en faire des profils moins unidimensionnels, plus fins et travaillés, avec un background et un rapport à la dystopie très personnel - même si on regrettera que certains d'entre eux soient en définitive peu exploités et "jetés" de manière assez triste. Bien que cela corrobore finalement beaucoup le propos de l'anime.


Pourtant, les antagonistes ne bénéficient pas d'autant de soin : le personnage de Makishima apparaît, à son arrivée, comme le stéréotype du "méchant d'anime", bishônen suave, souriant et sadique déclamant pêle-mêle des phrases de philosophe à un héros qui l'"amuse". Et il ne sortira jamais de ce stéréotype, pas même alors que son plan est sur le point de réussir, ne révèlera rien de plus que cette façade clichée, sous le prétexte, je suppose, de rester "mystérieux". Mais lorsqu'on souhaite laisser un personnage mystérieux, en faire une ombre menaçante, on évite de le mettre à ce point en avant. Si certaines de ses lignes de dialogue sont bien tournées, il reste paresseux dans son traitement et son chara-design et ne voit aucune évolution au fil de l'anime. Jusque dans son rapport au héros, qui devient son "ennemi mortel" de manière bancale et peu justifiée, une sorte de haine réciproque qui poppe, presque providentiellement dans le dernier tiers de l'anime, pour donner plus de force dramatique à l'affrontement final entre les deux personnages, qui n'a du coup que peu d'enjeu, puisque leur relation n'a absolument pas été développée (avant de jurer de se faire la peau mutuellement, ces deux-là ignoraient jusqu'à leur existence respective quelques mois auparavant) et que le héros, Shinya, passe du détective acharné au début de l'anime au meurtrier enragé dans les derniers épisodes sans raison apparente (ou du moins évidente). Bref, le personnage de Makishima est facile (un activiste souhaitant renverser le système mais parvient à ne montrer AUCUNE conviction personnelle dans ses propos et son attitude), peu charismatique, bien que son plan soit ingénieux, il aurait dû bénéficier d'un meilleur traitement. Ou d'un traitement tout court, ça aurait déjà été bien, vu combien les scénaristes ont semblé peu inspirés comparé à d'autres personnages.


Reste que "Psycho-pass" est un excellent anime d'anticipation, intense et intelligent, cinglant dans sa critique de la société actuelle et de ses dérives, avec un cynisme qui n'épargne personne. Un bon cru, à savourer.

SubaruKondo
7
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le 1 nov. 2015

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