Il est des séries auxquelles il est difficile de rendre justice dans une critique sans dévoiler une partie essentielle de leur intrigue, et donc priver une partie des spectateurs potentiels de l'incroyable étonnement que provoque sa découverte.
On pourrait décrire de l'anime d'Akiyuki Shinbo avec la phrase qu'on dit quand on est chopé en flag : "c'est pas du tout ce que vous croyez !"
Au début, vous croyez en effet être en train de mater une série classique de Magical Girl. Tout y est : le générique coloré et doucereux, des jeunes collégiennes à peine pubères, le petit familier mimi qui débarque dans leur vie et leur offre des pouvoirs immenses pour lutter contre le mal qui sévit, les transformations spectaculaires avec quelques fan services. Les stéréotypes sont connus.
Sauf que très vite les choses se complexifient. Les indices s'accumulent petit à petit pour suggérer qu'on n'est pas exactement dans le monde auquel on s'attendait. Les filles n'obtiennent pas leurs pouvoirs tout de suite : elles doivent passer un contrat avec Kyubey, l'étrange chat blanc chargé de découvrir les Puella Magi, dans lequel elles s'engagent à lutter contre les "sorcières" qui tuent les humains en échange d'un voeu quelconque exhaucé par le familier ; décision très lourde qui va définitivement transformer la vie de la personne. Madoka Kaname, qui donne le nom à la série, tarde de façon incompréhensible à faire son choix et se fait finalement devancer par sa meilleure amie Sayaka. Et qui est cette énigmatique Homura Akemi ? Pourquoi essaie-t-elle de tuer Kyubey et d'empêcher Madoka d'obtenir ses pouvoirs ? Plus globalement, pourquoi semble-t-il y avoir autant de conflits et de concurrence entre les Puella Magi alors qu'elles combattent contre un ennemi commun ?
Quand les réponses arrivent, cela ne fait qu'épaissir le mystère. Le monde fictif change sous nos yeux pour redevenir si terriblement semblable au nôtre. Le sceau de l'ostranenie se brise, et l'inquiétante étrangeté qui envahissait dès le début de la série se dissipe au fur et à mesure que l'on comprend la nature de ces "filles magiques".
Au bout d'un moment, tu réalises. Tu n'étais pas en train de regarder une série de Magical Girl. Tu regardes une série sur les Magical Girls.
Oui, Puella Magi Madoka Magica, c'est le genre Magical Girl qui réfléchit sur lui-même, sur ce que ça comporte concrètement d'être une jeune fille qui sauve le monde des monstres à l'insu du reste de la population terrestre. En même temps il ancre le genre dans la réalité et s'attelle à donner une explication de l'existence même de ces filles à super-pouvoirs. Difficile après PMMM de regarder Sailor Moon et Cardcaptor Sakura comme avant – les anime du moins.
La construction extrêmement intelligente et raffinée de l'intrigue faite de coups de théâtre à répétition, les personnages si attachants et "humains", l'univers d'une cohérence vertigineuse et la densité philosophique de fond (sans parler du style visuel hallucinant des combats contre les sorcières) propulsent Madoka Magica au rang des meilleures séries animées existantes. Le moins qu'on puisse dire c'est qu'on ne s'y attend pas.