Roar
5.3
Roar

Série Apple TV+ (2022)

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Basé sur les nouvelles du recueil éponyme de Cecelia Ahern, chaque épisode de "Roar" place une femme face à un tournant majeur de son existence et la confronte directement à ses angoisses en les matérialisant dans la réalité sous la forme d'un high-concept métaphorique chargé d'en traduire les répercussions. La plupart des histoires de la série dispose d'un élément surréaliste à la symbolique forte, donnant une voix pertinente à diverses souffrances féminines trop souvent étouffées au quotidien tout en évitant l'écueil d'un féminisme outrancier et/ou aveugle par une écriture qui n'oublie jamais d'explorer le spectre en réalité bien plus large et complexe de leurs origines. Enfin, en plus de tenir la route formellement, la série de Liz Flahive & Carly Mensch ("GLOW") peut compter sur le talent de son impressionnant casting d'actrices allant de Nicole Kidman à Cynthia Erivo en passant par Alison Brie ou Merritt Wever sans oublier leurs compagnons de route du sexe opposé (Daniel Dae Kim, Simon Baker, Hugh Dancy pour ne citer qu'eux).


Mais ces cris d'alarmes féminins bien pensés sur le papier vont hélas souvent se cantonner aux intentions louables de leurs postulats en délivrant tout ce que l'on attend d'eux de façon assez prévisible ou, parfois, en se contentant de surligner leurs significations faute de savoir comment rebondir derrière la force de leurs expositions (les clés que l'on nous confie à chaque fois pour en comprendre la portée se suffisent amplement à elles-mêmes sans que l'on ait besoin d'un surplus d'explications). Ainsi, avec l'histoire d'une écrivaine afro-américaine devenant invisible lorsqu'une bande de producteurs hollywoodiens cherchent à dénaturer sa propre vie, l'épisode inaugural The Woman Who Disappeared se résumera grosso modo aux seuls contours de cette bonne idée de départ, ce qui servira à la prolonger se contentera d'en effleurer son potentiel pour un résultat à l'impact forcément limité, voire aussi transparent que son personnage principal. De la même façon, The Woman Who Found Bite Marks on Her Skin, à propos d'une mère se focalisant sur son travail et dont le corps se recouvre peu à peu de morsures de petite taille, ne saura conclure autrement cette histoire de body horror maternelle que par le fait de souligner à haute voix les raisons du phénomène là où tout nous était plus subtilement délivré auparavant, condamnant une fois de plus cet épisode à un champ d'exploration restreint aux seules causes explicitées de sa superbe trouvaille.


D'une manière générale, les épisodes que l'on pourrait qualifier de légers souffriront plus ou moins des mêmes maux en se révélant soit trop anecdotiques malgré un ton décalé sympathique et le caractère attachant de leurs personnages (The Woman Who Returned Her Husband où une épouse fatiguée choisit de ramener son mari à un SAV) soit bizarrement très maladroits dans le maniement de leurs concepts par l'absurde (les débuts de The Woman Who Was Kept on a Shelf avec sa femme-littéralement trophée diffuseront un vrai sentiment de malaise accompagné de sourires avant que l'épisode s'étiole complètement, ne trouvant que son salut par son épilogue acide sur le conditionnement de son héroïne, The Woman Who Solved Her Own Murder souffrira aussi des mêmes manquements sur sa durée, son amusante mais gentillette satire du format télévisuel d'enquête policière sacrifiant sa thématique finale intéressante au déroulement codifié de son récit).
Enfin, le déplacement temporel The Girl Who Loved Horses dans le cadre d'un western basé sur la solidarité féminine en fera la proposition la plus banale du lot, concluant cette première saison "Roar" sur une note étrangement insignifiante.


Heureusement, comme dans toute anthologie de ce type, il y aura évidemment quelques pépites qui vont permettre à "Roar" de montrer la plénitude de ses ambitions lorsque ses qualités intrinsèques rencontrent une maîtrise et un savoir-faire pour les porter au plus haut.
Ce sera le cas de The Woman Who Ate Photographs où une femme, déchirée entre le départ de son fils à l'université et l'Alzheimer grandissant de sa mère, se mettra à ingérer des photos de souvenirs familiaux afin de les raviver à tout prix alors que ses propres rôles de mère et fille sont en train de subitement s'effacer. Déstabilisant sans cesse ses personnages par cette notion de souvenir fuyant au sens propre comme au figuré, ce road-trip sera empreint de la délicate tendresse émanant de la relation évolutive de son duo principal, bien sûr sublimée par l'interprétation complice de Nicole Kidman et Judy Davis.
L'autre gros temps fort de la saison sera à mettre au crédit de The Woman Who Was Fed By a Duck, le magnifique portrait d'une femme célibataire, perdue à un virage de son existence et qui, sous la pression sociale, va se retrouver piégée dans une relation toxique avec... un canard ! Emmenée par une géniale Merritt Wever, voilà sans doute l'épisode qui condense le meilleur de ce que "Roar" peut offrir à partir d'un de ses high-concepts, se jouant par l'absurde des standards de la comédie romantique pour ensuite s'attarder plus dramatiquement sur la manière dont le comportement pernicieux d'un conjoint se nourrit des doutes passés et présents de sa victime en vue de dominer peu à peu tous les pans de sa vie.
À elles seules, ces deux histoires feront réellement rugir "Roar" par l'intelligence de leurs traitements respectifs là où la plupart des autres auront choisi de ronronner pour se faire trop vite oublier. On espère désormais qu'une saison 2 viendra corriger le tir en faisant entendre un rugissement cette fois continu à travers l'ensemble de ses épisodes.

RedArrow
5
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le 23 avr. 2022

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