En couple quand ils avaient 19 ans, Ruby et Billy ont conclu un pacte à vie : si un jour l'un d'eux envoyait le texto "RUN" à l'autre et que celui-ci lui répondait la même chose dans les 24 heures, les deux ex devaient tout abandonner sur le champ et se retrouver ensemble à New York pour prendre un train parcourant les États-Unis...
Des années plus tard, la trentaine bien tassée, Ruby reçoit le fameux "RUN" de son amour de jeunesse et décide de partir le retrouver sur un coup de tête...
Aïe, on en espérait sans doute trop... Le point de départ furieusement romantique de "Run" associé au nom de Phoebe Waller-Bridge à la production ne pouvait qu'aiguiser notre envie de découvrir cette nouvelle série mais on avait un peu vite éludé que celle-ci était avant tout la création de sa collaboratrice de longue date, Vicky Jones. Et, après les sept épisodes de cette courte première saison, dur d'être aussi enthousiaste à son sujet qu'on l'a été pour la créatrice de l'immense "Fleabag" tant on se retrouve au final un peu dans le même état que ces deux ex-amants pris au piège d'une rencontre bien trop longtemps fantasmée.
N'exagérons rien, "Run" n'est pas désagréable à regarder, loin de là même, mais la série ne va pour ainsi dire jamais donner l'impression de savoir comment exploiter pleinement son postulat pourtant si génial.
Durant les premiers épisodes, le concept est suffisamment fort pour réussir à faire illusion, ces retrouvailles se fracassent contre une réalité amenant son lot de situations amusantes entre ces amants qui s'échinent à raviver la flamme de leur amour d'antan. Cependant, entre les secrets que chacun tente de dissimuler à l'autre et la nature des aléas existentiels qui les ont conduit à se retrouver dans ce train, tout ce qui entoure ce fameux "RUN" en termes de causes et conséquences paraît déjà terriblement convenu. Quelques mésaventures font heureusement mouche en termes d'écriture et la belle énergie apportée par Merritt Wever déteint souvent sur l'ensemble (une constante de la saison comparé à un Domhnall Gleeson à l'oeil éteint, il faut dire que rien n'est fait pour nous faire fondre d'empathie devant son personnage) mais, faute d'idées vraiment novatrices, "Run" se met à dangereusement à piétiner autour de son couple et, petit à petit, nous faire perdre notre intérêt pour eux.
Et ce n'est hélas pas la tournure de thriller semi-comique donnée à l'intrigue en cours de route qui corrige le tir ! La tentative d'insuffler une nouvelle dynamique autour de ces deux héros est si grossière qu'elle ne parvient pas à masquer son unique de fonction de créer un lot de rebondissements assez futiles là où la série commençait à s'embourber sérieusement. Forcément un peu plus rythmée grâce à ce procédé un brin désespéré, "Run" continue de se laisser gentiment suivre mais ses chances de marquer durablement les esprits sont désormais très faibles.
Petite révélation : durant les trois derniers épisodes, Phoebe Waller-Bridge rejoint le casting dans le rôle d'un personnage délicieusement lunaire. Pour le spectateur, c'est un petit bonheur, le point de vue apporté par son rôle (et les autres avec qui elle interagit) apporte un vent d'humour d'absurde qui fait un bien fou pour maintenir notre intérêt sur la conclusion de "Run". Mais, pour la série en tant que telle, le constat est bien moins joyeux car, à chaque fois qu'elle revient se focaliser sur son couple de héros, force est de constater que l'on s'en fiche un peu (même le cliffhanger de cette saison 1, c'est dire) comme ce que l'on nous propose à côté est franchement bien plus amusant.
En définitive, il n'est pas sûr que l'on ait envie de remonter dans le train de "Run" pour arriver au terminus... à part si le divertissement proposé par le personnage de Waller-Bridge à sa dernière escale est désormais du voyage...