Secret City
6.3
Secret City

Série Showcase (AU) (2016)

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Down Under ? [Critique de "Secret City" saison par saison]

Saison 1 :
"Secret City" n'est sans doute pas formellement une série extraordinaire, même si elle témoigne bien du professionnalisme actuel du genre : de bons acteurs (c'est toujours un plaisir de suivre la superbe Anna Torv, même si son jeu n'a ici rien d'original...), une belle mise en scène sobre accentuant les tensions sans trop d'exagération, une narration plutôt lisible pour un scénario beaucoup plus complexe que la moyenne... rien à redire, si ce n'est les habituelles petites invraisemblances çà et là dans le comportement des personnages qui l'empêche d'atteindre à une crédibilité totale.


Mais "Secret City" est d'abord une production australienne, qui traite de sujets "australiens", en particulier des difficultés d'alignement politique avec les US et / ou avec la Chine dans le bras de fer qui se joue depuis quelques années en Mer de Chine, mais aussi de manière plus large, des rapports entre l'Australie et son puissant voisin, ce qui confère à la série un aspect frais et original pour nous, qui ne sommes pas forcément au fait de la politique de nos amis Aussies... Néanmoins, cette focalisation géographique ne signifie pas que "Secret City" ne puisse qu'intéresser les Australiens, puisque, d'une part, les scénaristes de Joanna Werner s'inspirent visiblement de la fameuse affaire Bradley Manning, et surtout, parce qu'ils placent au centre de leur imbroglio "policier", la question de la diminution, voire de la liquidation des libertés civiques face à la menace terroriste, soit un sujet dont on sait bien qu'il concerne toutes les démocraties (on notera la mention à un moment des attentats à Paris...).


En délaissant la voie classique du thriller pour mettre en branle les ressorts du film d'espionnage, en préférant les ambiances paranoïaques et anxiogène à l'action - très peu présente ici finalement - et à la résolution rapide d'une énigme passablement embrouillée, "Secret City" effectue des choix courageux, même s'ils ne sont pas toujours efficaces : il est en effet tentant de baisser les bras parfois devant les doubles jeux pratiqués par hommes politiques et espions, et de trouver que le final noir qui voit les "méchants" triompher largement - qui a dit "comme dans la vie ?" - est certes inhabituel, mais sert aussi de teaser facile pour une seconde saison...


On ne pourra que remarquer aussi le souci de prendre en compte dans le contexte de l'histoire la mutation des mœurs qui est en train de s'accomplir en Australie aussi, avec le fait de faire d'un personnage (central à l'action) un transgenre, ou de mentionner en passant l'homosexualité d'un autre, sans en faire toute un drame. Il s'agit clairement là de gestes politiques, peut-être un peu forcés, et ce d'autant que l'intégration des nombreux rapports sexuels entre les personnages, largement assimilés à des scènes de manipulation, n'est pas ce que Joanna Werner réussit le mieux, mais ce sont des gestes révélateurs d'une inscription saine de "Secret City" dans l'actualité.


En l'état, sans être une grande réussite, "Secret City" constitue une bonne surprise en matière de série adulte et ambitieuse. [Critique écrite en 2018]


Retrouvez cette critique et bien d'autres sur Benzine Magazine : https://www.benzinemag.net/2018/08/22/secret-city-saison-1-complot-politique-a-laustralienne/


Saison 2 :
Comme c'est malheureusement le cas de nombre de séries TV, après un démarrage intéressant dans sa première saison, "Secret City" déçoit franchement dans sa seconde… Il y a d'abord un thème un peu moins original, puisqu'on brocarde ici la privatisation des conflits et l'ingérence de sociétés privées surtout avides de profit dans le jeu politique, mettant en péril le processus démocratique dans le contexte pourtant très sensible des relations entre l'Occident et le Pakistan. Mais il y a surtout une accumulation peu vraisemblable de coïncidences visant à mettre en relation deux intrigues séparées, dont l'une paraît passablement capillotractée, voire franchement ridicule (la femme chinoise d'un haut responsable du renseignement se livrant à du trafic d'armes du fait d'une addiction au jeu…), et qui sera d'ailleurs à proprement parler bâclée, voire même ignorée lors de la conclusion précipitée de la saison.


Malgré un premier épisode pour le moins époustouflant, et qui laisse présager une saison sous haute tension, il est donc difficile de se laisser embarquer par une histoire qui multiplie de manière assez peu cohérente les scènes de suspense, conduites à toute allure au son d'une musique électronique bien convenue, surtout lorsqu'on réalise les faiblesses flagrantes dont souffre cette fois "Secret City" : car il règne sur la série un vague sentiment de déjà vu, d'utilisation de ressorts dramatiques déjà un peu fatigués, mis en scène certes efficacement mais sans grande imagination.


Dans ce contexte, on est même désolés de devoir admettre que le charme pourtant redoutable de la très belle Anna Torv ne suffit pas à compenser ces faiblesses, et que son personnage d'ex-journaliste et ex-taularde s'impliquant envers et contre toute logique dans un bras de fer contre le gouvernement australien ne fait guère de sens.


Même s'il est honorable de questionner, comme dans la première saison en fait, l'alignement "obligé" d'un "petit pays" comme l'Australie sur les Grandes Puissances (ici, ce sont les Etats-Unis qui ont remplacé la Chine comme "ami abusif"), et de pointer les limites du fonctionnement de la démocratie lorsque les intérêts politiques conduisent les gouvernants les plus honorables à mentir à leurs citoyens (oui, c'est une banalité, mais bonne à répéter…), cette seconde saison est trop mal construite et trop maladroitement conclue pour s'élever au dessus du divertissement sans conséquences.


Il n'est donc pas certain qu'on ait très envie d'une suite à "Secret City" ! [Critique écrite en 2019]


Retrouvez cette critique et bien d'autres sur Benzine Mag : https://www.benzinemag.net/2019/06/11/secret-city-saison-2-la-guerre-des-drones/

EricDebarnot
6
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Créée

le 23 juil. 2018

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11 j'aime

Eric BBYoda

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