Il y a quelques années déjà, j'avais lu la fameuse série de comics She-Hulk scénarisée par Dan Slott. Je crois que ça a été une de mes lectures préférées de Marvel. La run a tout ce qu'il faut : un personnage charismatique et attachant, un concept jusqu'auboutiste (des histoires juridiques autour des superhumains de l'univers Marvel), une nouvelle idée par numéro. Kitsch, riche, nouveau. La série Disney +, quant à elle, prouve sans ambigüité que le contenu Marvel produit pour la plateforme n'est que du remplissage pour renvoyer vers le MCU cinématographique.
Car oui, si on sent l'évidente inspiration de Slott, ce qu'on sent aussi et surtout, c'est tout ce qui n'a pas sa place dans ce narratif : un épisode entier d'origin story qui sert juste à dire que Hulk est un con et que Jen sait contrôler sa transformation sans devoir se conditionner, tout en montrant qu'elle est une superhéroïne digne du #MCU. Une débauche de CGI sur les personnages qui est franchement laide mais qui sert à respecter le canon esthétique du #MCU. Des inserts de personnages du #MCU qu'on doit revoir. Même un autosuçage honteux lors du dernier épisode où l'actuel directeur créatif du #MCU, Kevin Feige, s'insère en tant qu'IA omnipotente. Stop. Arrêtez. Vous m'avez promis un show légal dans un univers fantastique, pourquoi vous essayez sans arrêt de dérailler ce programme ?
Et ne partons pas sur la décision insupportable d'avoir décidé que "She-Hulk smash the fourth wall", qui est l'excuse bidon utilisée pour expliquer que le personnage s'adresse sans arrêt au spectateur. Si vous cherchez la comparaison avec House of Cards, sorry mais quoi qu'on pense de l'autre show vous la tenez pas. Vraiment pas.
Et là-dedans on a Tatiana Maslany qui joue un numéro d'équilibriste à tenir tout ça à bout de bras, fort heureusement aidée de Tim Roth réincarné en gourou de secte. Mais entre les adresses au spectateur et une transformation en She-Hulk vraiment dégueulasse, la pauvre Tatiana, qui pourtant donne tout ce qu'elle peut, est fort mal embarquée. La série se moque d'elle-même, de son univers source, de son univers actuel, sans arrêt, et bah du coup les enjeux ne passent tout simplement pas. Et le spectateur qui fera néanmoins l'effort de suspendre son incrédulité (et son agacement) ne pourra tout simplement pas survivre au dernier épisode. Il s'arrête littéralement en plein milieu, She-Hulk vous dit que c'est complètement débile et sort du truc pour récrire le bousin, et hop c'est fini, la fin est cancel, le MCU est cancel, je suis cancel, vous êtes cancel. À plusieurs reprises dans la série, Jen se tourne vers le spectateur et lui demande pourquoi il reste là, c'est quand même pas la peine. Mais si c'est pas la peine je fous quoi là ?
Et pourtant c'est vraiment désastreux cet autosabotage, parce qu'il y a du bon. Comme je l'ai dit, le casting tient la route, certains épisodes ont vraiment un scénario intéressant et le concept de juger des affaires superhumaines est toujours aussi efficace. En vrai, pourquoi c'est pas un vrai show légal dans l'univers Marvel ? Pourquoi ça doit sans arrêt nous rappeler que c'est une pub pour le #MCU et sûrement pas un truc à prendre au sérieux ? Franchement, moi ça m'aurait suffi. Non, ça m'aurait ravi.
Aussi, mon gros problème avec les CGI c'est le visage. Dans un jeu vidéo, qu'on utilise des capteurs pour reproduire les expressions faciales ça facilite l'immersion, il y a un côté un peu uncanny valley mais ça s'intègre dans l'univers. Pareil dans un film d'animation. En vrai, même dans un film live action avec des créatures en CGI, ça passe : Gollum est fabuleux précisément parce qu'il ne ressemble pas à un humain, ce qui permet à Andy Serkis de laisser libre cours à sa créativité dans l'interprétation. Ici, on a le concept hyper bizarre de faire jouer à une actrice un modèle 3D d'elle-même en mode herculéen, donc un visage bien humain, mais qui ne bouge pas aussi bien qu'un humain, parce que bon faut pas déconner ça coûte hein de capturer et animer un visage. Donc on se fait chier à prendre une actrice qui a littéralement construit sa carrière sur une série où elle devait maitriser ses expressions faciales pour incarner plusieurs personnages différents interagissant entre eux dans le même épisode, et... on utilise son visage et ses expressions pour mal animer une version CGI d'elle-même en parallèle d'apparitions d'elle-même bien humaine et donc bien expressive. Le résultat, c'est qu'en She-Hulk Maslany devient brutalement inexpressive, ce qui entame, en contraste de ses apparitions humaines, la crédibilité du personnage.
Franchement, je voulais énormément aimer cette série. Mais j'ai rarement vu autant d'efforts, qui paraissent presque conscients et délibérés, pour sortir de la télé et nous crier dessus qu'il faut pas.