Soul Eater
6.9
Soul Eater

Anime (mangas) TV Tokyo (2008)

Soul Eater est un anime étrange. Pas à cause de son univers, de ses personnages, de son intrigue ou de ses thèmes. Parce que c’est l’un des échecs narratifs les plus plaisant à regarder qui soit.


Cet anime possède une esthétique particulièrement travaillée, donnant un style que l’on pourrait qualifier d’halloween déjanté. De plus, les personnages sont haut en couleur et leur personnalité donne des moments de comédie réussis. Soul Eater reprend énormément de codes classiques d’anime, ce qui se traduit par une expérience variée, présentant des épisodes jouant sur des genres différents. Il n’est pas rare, entre différentes bastons, de trouver des épisodes de tranches de vie ou des moments jouant plus sur l’horreur psychologique. La variété est présente, bien que la qualité individuelle de ces séquences soit plus discutable. L’animation est également de bonne facture.


Alors, où se trouve le problème ? C’est très simple : quand vous essayez de tout faire à la fois, vous vous retrouvez à ne rien faire correctement. 51 épisodes semblent être un nombre conséquent d’épisodes mais quand il faut présenter un univers, un voyage d’accomplissement personnel pour trois personnages, des séquences de tranches de vie dans une école, des épisodes de chasse de monstres, et une intrigue reposant sur plusieurs méchants avec chacun leurs ressources et leurs motivations, 51 épisodes semblent être trop peu. Chaque aspect donne l’impression d’être traité superficiellement, ce qui n’est pas très satisfaisant. Par exemple, deux des personnages principaux, Blackstar et Death The Kid, se battent en duel pour leur première rencontre. Puis, quelques épisodes plus tard, ils s’unissent pour une quête et encore quelques épisodes plus tard, ils jouent au basket comme les meilleurs potes au monde. Tout cela donne l’impression d’être extrêmement rushé, comme s’il manquait des épisodes pour développer cette amitié. De la même façon, il est assez étrange de découvrir qu’un épisode a pour conflit central le fait que Maka n’aime pas Blackstar, quand rien précédemment ne l’ait indiqué.


De plus, le mélange des genres que Soul Eater propose est assez peu exploité et amène certains problèmes qu’une intrigue plus focalisée aurait évités. Après 51 épisodes, je n’ai toujours aucune idée de ce que les personnages apprennent dans leur école. Elle est censée être une organisation de chasseurs de monstres mais aucune connaissance théorique n’intervient dans les rares épisodes de chasse de monstres. Si l’univers a certains concepts spécifiques qui nécessitent d’être présentés (les âmes, les armes, les sorcières…), ces concepts ne sont jamais développés suffisamment au point où l’on sente qu’une scolarité complète est nécessaire pour les comprendre.


Les éléments d’horreur psychologique sont également ceux qui détonnent dans l’ensemble de cet anime. Ils sont principalement représentés avec des séquences plongeant dans l’esprit du personnage, pour dévoiler sa « folie ». Si, isolément, ces séquences sont intéressantes, elles détonnent une fois mêlée au reste. Les combats de Soul Eater reposent sur des concepts et des techniques bien définies. Les séquences psychologiques sont au contraire symboliques et confuses, au point où il m’est souvent arrivé de me demander ce qu’il se passait. Les règles de ces plongées dans la psyché sont impossibles à comprendre, tant les séquences sont différentes les unes des autres. Ces moments donnent l’impression que n’importe quoi peut arriver et, ultimement, n’importe quoi arrive, surtout si ça fait avancer le scénario, ce qui rend la compréhension des enjeux difficiles. Le concept de la folie est intéressant mais l’anime ne l’exploite pas de manière à l’intégrer dans son intrigue.


Le manque de développement des concepts de Soul Eater lui donne l’impression d’être une version abrégée d’un anime bien plus long. Sauf que l’éditeur responsable n’a voulu garder que les moments qui lui plaisaient sans réfléchir à pourquoi ces moments lui plaisaient. Voir des moments d’amitié entre les personnages est plaisant mais sans les moments qui développent cette amitié, on a du mal à se sentir satisfait. Voir un personnage gagner un combat est plaisant mais sans une exploration de ce que ce combat représente dans son parcours personnel, la victoire semble vide. En fait, Soul Eater est un anime qui ne semble vouloir intégrer que les « hauts moments » d’une intrigue, que les instants qui témoignent de l’aboutissement d’un parcours. Sauf que ce parcours est assez peu défini et dressé avec des traits grossiers, réduisant justement l’impact de ces « hauts moments ».


Sa fin est assez représentative de ce phénomène. Même les fans les plus convaincus ont du mal avec les derniers épisodes, d’après ce que j’ai vu des critiques sur ce site. Les derniers épisodes veulent jouer sur une thématique qui n’a jamais été présente. La peur et les angoisses qui mènent à la folie, qui ne peut être contrée que par le courage, incarnée par Maka… sauf que pour définir le personnage de Maka comme un personnage « courageux », il faut bien plisser des yeux et invoquer les grands esprits de la mauvaise foi. Le parcours de Maka (ou en tout cas le peu qu’on en a vu dans les rares épisodes s’y consacrant) était beaucoup plus centré sur sa capacité d’empathie et ses relations avec les autres personnages. La fin semble être thématiquement hors sujet… mais ça, ce n’est pas surprenant. Comment conclure une intrigue qui n’a rien développé, si ce n’est de manière insatisfaisante ? La fin est à l’image de ce que l’anime a été, avec une seule particularité : c’est la fin. Avant cela, on peut se dire que ce qui n’a pas été développé le sera dans des épisodes ultérieurs. Quand le point final arrive, on sait tout ce que l’intrigue avait en réserve et ce tout était insuffisant.


En conclusion, je ne peux pas dire que Soul Eater est un mauvais anime. Mais je ne peux certainement pas le qualifier de bon. J’ai aimé certains épisodes spécifiques, les moments de tranches de vie, ou les missions isolées de Death The Kid. Mais l’ensemble n’est pas convaincant, tant les épisodes n’arrivent pas à se mêler pour former un tout cohérent. En d’autres termes : Soul Eater est l’incarnation d’un anime qui est moins que la somme de ses parties.

Fatuite
5
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le 22 déc. 2020

Critique lue 375 fois

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