Squid Game
6.7
Squid Game

Drama Netflix (2021)

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Le moins que l’on puisse dire, c’est que Seong Gi-Hun, père de famille au chômage endetté jusqu’au coup, n’a pas la vie facile. Obligé de vivre chez sa mère malade et harcelé par des usuriers à qui il doit une coquette somme, il en est même rendu à devoir jouer à des jeux d’argent pour pouvoir ne serait-ce qu’offrir un cadeau d’anniversaire à sa fille. Il est évidemment séparé de sa femme qui a refait sa vie, et planifie de quitter la Corée pour les Etats-Unis, privant ainsi son mari de tout espoir de revoir son enfant un jour. Rien d’étonnant dans de telles conditions, de voir notre infortuné paria accepter de participer à un jeu mystérieux, susceptible de lui rapporter une fortune en cas de victoire. Mais les choses vont évidemment se corser quand il constatera avec horreur que tous les perdants de la première épreuve – le 1,2,3 soleil –, sont abattus comme des chiens par le personnel masqué du complexe.


Squid Game reprend à sa sauce le concept des massacres collectifs en huis-clos à la Battle Royale. Dans un registre aujourd’hui si éculé, il devient nécessaire d’apporter sa petite touche personnelle pour se démarquer un minimum de la production générique. C’est ce qu’essaie de faire Hwang Dong-Hyeok, le créateur de la série, en étoffant son jeu meurtrier d’une réflexion sur les dérives que peuvent engendrer chez l’individu ses rapports avec l’argent, ou plus simplement, son instinct de survie. En effet, les 456 participants, bien qu’ayant des profils plus ou moins différents, ont pour point commun d’être en forte précarité financière. Rien d’étonnant donc à en voir une forte proportion prête à dépasser toutes les limites pour redonner un peu d’espoir à une triste vie sans perspective d’avenir.


Malheureusement, de par des personnages qui évoluent tous essentiellement dans le même sens, et faute de nuances suffisantes, l’intrigue tombe un peu trop souvent dans une caricature assez simpliste. Le fait est que Battle Royale parvenait, en un peu moins de deux heures de temps, à développer une réflexion cohérente sur la violence et la mort en multipliant les réactions et les divers points de vue. Squid Game, quant à lui, part du principe que l’instinct de survie doublé d’une grosse somme d’argent ramènera tout le monde au même niveau. Si l’idée n’est pas foncièrement indéfendable en soi, son efficacité nécessitait de varier un minimum les angles d’attaque. Mais les personnages, antipathiques pour la plupart, ont tôt fait d’affaiblir le processus d’identification nécessaire à la portée du discours. Il est ainsi bien difficile de s’attacher à un panel d’individus souvent responsables de leur situation délicate, fondamentalement égoïstes, et n’ayant que peu de respect pour la vie humaine. D’aucuns objecteront à juste titre qu’une grande partie de ces comportements sont justifiés par l’instinct de survie. Toutefois, limiter l’humain à cette seule réaction quand sa vie est en jeu me paraît un tantinet réducteur. Nous ne vivons pas (encore ?) dans un monde de clones, et chaque individu n’a pas forcément le même rapport avec la mort ou avec autrui. Il aurait donc été appréciable d’y opposer un contre-argumentaire plus consistant que les quelques timides tentatives d’une petite poignée de succincts personnages secondaires.


Et à force d’essayer de justifier ses effets chocs sans avoir la finesse pour le faire correctement, Squid Game tombe régulièrement dans le piège de l’excès de complaisance. Car si on comprend largement que la violence du propos trouve écho dans l’imagerie sanglante d’épreuves par ailleurs très réussies, elle paraît assez gratuite dès qu’elle sort du cadre des jeux. A ce titre, on pourra s’interroger sur la grandiloquence un poil excessive de la tuerie de l’épisode quatre, qui dépeint une nuit d’horreur intense, à laquelle nos héros réagiront après coup avec pas mal d’indifférence. C’est alors d’autant plus troublant de les voir, dans le même temps, continuer à paraître déstabilisés par la dimension meurtrière d’activités qu’ils ont pourtant déjà acceptée à ce stade.


C’est sans doute pour cela que la plupart des joueurs s’habitueront aussi à tuer, par choix ou par contrainte, avec une désinvolture qui, là encore, pose question. Car si accepter de sacrifier sa vie est une chose, prendre celle d’une tierce personne en est une autre. Cette absence d’états d’âme fonctionne dans le cadre de quelques personnages comme Jang Deok-su, ayant à son actif un lourd passé criminel. Mais que pas même une personne n’éprouve, à un quelconque moment, le moindre scrupule à prendre la vie d’un autre semble assez improbable. Et le fait qu’il n’y ait que huit épisodes ne légitimise en rien un traitement aussi sommaire du sujet.


Et admettons enfin que la série m’a paru bien longue pour pas grand-chose, malgré sa durée plus que raisonnable. Mon manque de sympathie pour l’essentiel du casting n’y est certainement pas étranger. Cependant, je pense volontiers que Squid Game se serait sans doute un peu moins perdu dans les soucis de rythme en essayant de cultiver un peu plus son mystère. Dans cet ordre d’idée, le show aurait gagné à ne pas s’encombrer de sa pesante intrigue annexe autour du jeune policier Hwang Jun-Ho. Mal intégré, son arc n’est finalement qu’un prétexte à peine voilé pour exposer l’envers du décor. Mais faute de lien consistant avec le reste du récit, on ne s’attache jamais réellement aux péripéties d’un personnage lisse et inconsistant, tout juste présent à des fins informatives. D’autant plus qu’elles ne surprennent jamais, prisonniers de codes narratifs prévisibles qui désamorcent toute réelle tension. Des rebondissements convenus qui symbolisent un des plus gros problèmes du scénario, et qui sont sans doute les principaux responsables de mon manque d’intérêt sur la longueur.


La lecture de cet avis presque exclusivement négatif en fâchera peut-être certains d’entre vous. Alors j’avoue volontiers qu’il serait injuste de terminer cette critique sans parler des points positifs qui évitent tout de même la correctionnelle au jeu de massacre de Hwang Dong Hyeok. La vision du concept est ici traitée de manière intéressante, et la mise en scène des différentes épreuves souvent tendues, occasionnellement poignantes, mais toujours très crues, fonctionne à merveille. D’autre part, si l’interprétation bascule par moments dans le surjeu, les acteurs se révèlent globalement assez convaincants, à l’image d’un Park Hae-Soo particulièrement juste tout au long du parcours de son personnage. Et que cela soit dû à mes affinités avec Numéro 001, Sae-Byeok, ou plus simplement à un postulat de départ que j’aime bien, je ne peux enlever à la série qu’elle a su se montrer suffisamment addictive pour me donner l’envie d’aller au bout. Un pari qui était loin d’être gagné, tant il est compliqué de suivre une fiction dans laquelle l’essentiel du casting ne suscite qu’indifférence ou agacement. Cependant, ni son trop important panel de choix discutables, ni son final longuet ne me pousseront malheureusement à rempiler pour une éventuelle saison 2.


Ne cherchant aucunement à cracher gratuitement sur une série à succès, je n’ai pourtant guère accroché à Squid Game. Plutôt réceptif au concept des jeux de massacre de type Battle Royale, le potentiel était pourtant là avec ces épreuves glaçantes, cette ambiance réussie, et des acteurs plutôt convaincants malgré une certaine tendance au surjeu. Mais à trop vouloir justifier la violence de ses images et de son propos, le récit finit par se perdre dans les méandres d’une écriture qui, faute de nuances assez marquées, tombe trop souvent dans la caricature. Entre son casting majoritairement antipathique, son rythme haché ou son intrigue policière annexe on ne peut plus maladroite, mon intérêt est tombé aussi sûrement que les joueurs sous les balles des organisateurs. J’ai pourtant tenu jusqu’au bout, essentiellement porté par ma curiosité de découvrir les derniers jeux, ou les rares personnages ayant trouvé grâce à mes yeux. Cependant, on ne m’ôtera pas de l’esprit qu’un peu plus de mystère aurait donné beaucoup plus d’impact à une série pourvue d’une réelle identité, sans doute en partie à l’origine de son succès démesuré. Je dirais simplement que je suis malheureusement resté insensible à la plupart de ses choix narratifs, trop téléphonés et discutables pour me convaincre de leur intérêt.

Arnaud_Lalanne
4
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le 29 oct. 2021

Critique lue 111 fois

Arnaud Lalanne

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