Voir la série

-Version courte pour les personnes pressées-

En 1966, Star trek révolutionnait la SF en nous montrant une vision optimiste du futur de la race humaine, avec des humain.e.s bienveillant.e.s et pacifiques, tourné.e.s vers la science. Les séries et films des vingt dernières années avaient perdu cet esprit. Cette nouvelle série le retrouve et ça fait du bien. Elle fusionne cela avec la modernité visuelle et sociétale des dernières séries et, étonnamment, ça marche. Malheureusement, elle altère un peu beaucoup les personnages et tous les scénarios sont repompés sur des épisodes antérieurs de la franchise ou des romans de SF.


-Version longue, prenez je vous prie un café et des biscuits-

AVERTISSEMENT METEO : TEMPS CANICULAIRE AVEC QUELQUES RARES SPOILERS A PREVOIR !

Dans les années 60, Star trek classic débarquait sur les écrans avec ses personnages originaux, ses scénarios écrits par des grands écrivains de SF (Sturgeon, Spinrad...) et surtout avec un esprit unique.

A une époque où la SF présentait surtout des futurs catastrophistes avec guerres, invasions extra-terrestres et cataclysmes (c'est toujours le cas), Star trek nous offrait un futur radieux, plein d'espoir, un futur où nous serions heureux de vivre.

Dans ce futur, la guerre, la maladie et la famine ont disparu. Les extra-terrestres nous ont mené.e.s vers les étoiles et ont forgé une alliance avec nous.

Star trek, c'était de l'aventure bien sûr, des planètes et des créatures étranges, mais aussi des idées humanistes et philosophiques, des personnages bienveillants, de l'humour sans oublier des prises de position parfois assez radicales contre le racisme, le fanatisme religieux et contre la guerre.

Star trek nous montrait que la race humaine était capable d'évoluer dans le bon sens, de dépasser les conflits pour s'unir, de partir à la découverte d'autres cultures dans le respect et la diplomatie, de se consacrer à la science plutôt qu'à la destruction.

Star trek c'était aussi des inventions époustouflantes. Des ordinateurs à commande vocale, des téléphones portables, des portes qui s'ouvrent seules, des IA qui apprennent, des hologrammes, des traducteurs instantanés... Le tout dans les années 60. La plupart de ces objets ont mis 40 à 50 ans à devenir réels. Et certains ne le sont pas encore (le voyage supraluminique, le téléporteur...).

Bref cette série était révolutionnaire et elle le reste, si ce n'est par son imagerie qui a vieilli, mais par son esprit et son futur lumineux.

Depuis les années 80 et Star trek The next generation, l'esprit de la franchise s'était dilué voir perdu. Deep space nine et Voyager étaient ennuyeux. Le reboot en film saccageait les personnages et l'histoire et crachait littéralement au visage des fans, soit disant pour conquérir un nouveau public. Discovery n'avait rien à voir avec la franchise (trop violent, avec des protagonistes pénibles et agressifs, irrespectueux du canon avec des inventions absurdes comme la sœur de Spock). Picard malgré la présence solaire de Sir Patrick Stewart était décevant.

Bref, en tant que trekker, je pensais la franchise morte et enterrée mais je continuais à jeter un coup d'œil aux sorties.

Cela nous amène à Strange new worlds. Cette série tente une fusion alchimique entre l’ancien et le nouveau, en se raccordant à la première série et à la dernière, en extrayant ce qui fait le succès des deux pour le distiller en une œuvre unique. Et étonnamment, elle y parvient pour une assez grande part.

La série se situe chronologiquement entre The cage, l'épisode pilote non diffusé de Star trek classic (dont elle reprend les personnages de Pike, Spock et Number one) et Star trek classic.

Elle se situe narrativement à la jonction entre The menagerie, l'épisode de Star trek classic où Spock vole l'Enterprise pour ramener Pike sur Talos et lui permettre de vivre bien que très gravement diminué, et la seconde saison de Discovery. Elle conserve les nouveaux acteur.rice.s de Discovery.

La série revient aux bases de Star trek : des épisodes indépendants (mais avec des arcs longs pour les personnages), de grands questionnements, un ton plus léger, des relations développées entre les personnages, de la camaraderie, de l’optimisme. Elle reprend aussi quelques éléments visuels comme les couleurs standard des uniformes (mais les coiffures pittoresques disparaissent, dommage) et plusieurs thèmes musicaux.

Mais elle se met en conformité avec les évolutions sociétales depuis les années 60. Finis les mini rôles pour les personnes racisées, finies les jupettes ultra courtes pour les filles et les machos dragueurs dans le fauteuil de capitaine. Et elle conserve l’imagerie clinquante et chatoyante des effets spéciaux modernes de Discovery.

De fait, les personnages sont modifiés très lourdement par rapport à Classic mais ils parviennent tous à conserver une petite partie de leur âme. J’étais sceptique sur les premiers épisodes car je suis très (très très) attachée au respect de l’œuvre adaptée mais ça fonctionne plutôt bien si on n’est pas trop regardant.

Le capitaine Pike n’est pratiquement plus macho, plus du tout agressif mais reste autoritaire. On ne reconnaît vraiment plus le personnage du pilote.

L’infirmière Chapel a enfin des dialogues et un rôle à jouer. Elle est considérablement moins discrète mais reste directe et lorgne toujours sur Spock. J’aime bien le personnage même s’il n’a rien à voir avec l’original, y compris visuellement.

Uhura est moins timide et ne passe plus son temps à dire à tout le monde qu’elle a peur (merci Ô Cthulhu) mais reste chaleureuse et musicienne.

Spock est le plus égal à lui-même même s’il est pas mal humanisé par rapport à l’original. Des libertés narratives sont prises avec lui qui pourront déplaire. Visuellement, il est encore plus éloigné de Nimoy que Quinto et fait vraiment très jeune.

Number one reste glaciale mais acquiert un peu de profondeur. Elle est, je pense, la plus proche du pilote.

Les fans hardcore comme moi seront déstabilisés voire désagréablement surpris par ces changements profonds sur les personnages. Pourquoi reprendre des personnages existant si c’est pour les modifier à ce point ?

Mais ces désagréments sont largement compensés -pour mon goût personnel- par le bon esprit qui règne dans le vaisseau. Les personnages ont une excellente dynamique de groupe : les gens s’entendent et collaborent et on n’a aucune peine à croire qu’ils se connaissent depuis longtemps. L’ambiance est à la camaraderie, à l’entraide, avec des touches d’humour bienvenues. Les personnages croient en ce qu’ils font, veulent faire le bien, font de la diplomatie jusqu’au bout au lieu de tirer dans le tas (à l’exception de La’an qui ne jure que par la vengeance et n’a clairement rien à faire dans ce vaisseau).

Et ça, ça change agréablement des protagonistes que l’on voit de plus en plus souvent dans les séries télé, ces protagonistes ordures, violents, qui règlent tous les problèmes par le meurtre. Ces protagonistes machos à l’image sur virilisée, chez lesquels on valorise l’agressivité, les mauvaises intentions, la cruauté (le meilleur exemple étant The boys mais aussi quatre vingt dix pour cent des jeux vidéo). Je trouve cette tendance absolument répugnante et surtout très inquiétante quand on connaît l’influence de la fiction, des représentations et des modèles sur la pensée humaine. Est-ce vraiment une bonne idée de consommer ainsi de la violence voyeuse et banalisée quand on pourrait se donner de meilleurs idéaux ? Le débat est ouvert !

Niveau réalisation, c’est propre et sans grande personnalité. L’image est jolie et chatoyante, les effets spéciaux sont à la hauteur, il y a de beaux vaisseaux dans de belles nébuleuses. L’interprétation est globalement bonne même si Pike en fait des tonnes en mode « je suis un type chaleureux, j’ai même un feu de bois dans ma cabine ». J’ai bien aimé le docteur M’Benga, Spock, T’pring et Chapel. Malheureusement, le seul extra-terrestre de l’équipe, Hemmer, est très peu exploité. Spécial bon point pour un.e antagoniste non binaire remarquable.

Niveau narration, la série fait le grand écart entre les différentes lignes de temps mais s’en sort plutôt bien. Etant donné la difficulté de l’exercice consistant à insérer des histoires dans une trame canon connue, il fallait s’attendre à quelques discontinuités. Par contre, l’esthétique super moderne n’aide pas le spectateur à se figurer que c’est une préquelle (un peu comme dans Starwars).

La série fait le choix de revenir à des épisodes présentant une histoire complète. Ca change un peu de la tendance actuelle systématique des trames continues. Chacun.e sa préférence en la matière.

La série fourmille de clins d’œil et de blagues pour les fans de la première heure (Stonn le jardinier, la mutation des Gorn) mais reste totalement accessible pour les néophytes.

La série démarre assez lentement mais trouve ensuite un rythme. Les épisodes sont inégaux mais restent agréables à regarder. On note quelques excellentes idées (Rukiya). Par contre, et c’est là pour moi le défaut principal de Strange new world, aucun scénario n’est original. Chacun d’entre eux est une ré-écriture plus ou moins exacte d’un épisode antérieur de la franchise (l’épisode en costumes d’époque, le virus extra-terrestre, un remake de Balance of terror), un plagiat d’un roman de SF (Ceux qui partent d’Omelas de Le Guin) ou d’un film de SF (Alien). On recycle, on ne crée rien et ça devient très vite agaçant. Et, pire encore, on corrompt parfois le matériau d’origine pour en faire du caca. On laisse perdurer une injustice en invoquant la Prime Directive dans “Lift us where suffering can not reach” quand l’équipage de Classic n’aurait pas hésité une seconde à la combattre. On opte pour l’extermination directe d’une race extra-terrestre dans « All those who wander » alors que le Kirk de Classic face à la même race avait finalement opté pour l’empathie.

La série aborde de façon détournée quelques thèmes d’actualité et on peut se demander si elle n’aurait pas pu le faire de façon plus frontale que de passer comme d’habitude par le trope « ces extra-terrestres ont des mœurs étranges qui sont en fait le moyen de nous faire réfléchir sur les nôtres sans nous sentir visés ».

Enfin, j’aimerais mentionner que Pike fait de multiples allusions au futur qu’il a vu en disant que sa vie va finir alors qu’il doit devenir handicapé, comme si le handicap (même terrible) équivalait à la mort. Vive le validisme. Star trek n’a fait aucun progrès sur ce plan en 60 ans.

Alors, pour ou contre Strange new worlds ? La série est-elle le renouveau tant espéré par les fans de la franchise ou juste une resucée de vieux épisodes ? Faut-il la regarder pour profiter de personnages bien intentionnés et pacifiques ou piocher dans Amaflix+ pour du nouveau et risquer de tomber sur une énième série gore avec des protagonistes dégueulasses ? A vous de voir. Longue vie et prospérité.

Estellanara
6
Écrit par

Créée

le 11 déc. 2023

Critique lue 19 fois

Estellanara

Écrit par

Critique lue 19 fois

D'autres avis sur Star Trek: Strange New Worlds

Star Trek: Strange New Worlds
RedDragon
9

Du vrai Star Trek, avec Mystique en Number One !

*Discovery* et *Picard* ne m'avaient pas déçu, mais avaient laissé quelques irréductibles sur leur faim, car légérement en marge du format habituel. Strange New Worlds réconcilie les tendances, la...

le 16 janv. 2023

10 j'aime

12

Star Trek: Strange New Worlds
Anilegna
8

Long live Christopher Pike

J'aime bien Star Trek, ce n'est pas ma série/saga SF préférée mais j'aime bien.La série originale était jusque là ma préférée (je n'ai pas vu tous les spin offs) mais je pense que celle-ci peut la...

le 13 mars 2023

4 j'aime

Star Trek: Strange New Worlds
StephanieFradin
10

Une merveille

j ai regardé les dix épisodes d’une seul traite ! Vraiment dans l’esprit star trek des premiers ! J ai adorer et vivement la saison 2 ! Mieux que discovery ou picard ( alors que j’ai adorer picard)...

le 23 sept. 2022

4 j'aime

Du même critique

Blue Eye Samurai
Estellanara
4

Blue eye samurai : comment déguiser la misogynie en féminisme

*************** ZONE SANS SPOILERS ***************Je viens de finir le dernier animé de Netflix que j’ai regardé 50% parce que j’aime la culture japonaise et 50% pour le doublage de George Takei. Il...

le 10 déc. 2023

3 j'aime

11

Portrait de la jeune fille en feu
Estellanara
10

Une ode à la sororité, un vrai film féministe

Dans les années 1700, Marianne arrive sur une île de Bretagne pour y peindre le portrait d’Héloïse, qui va être mariée à un noble milanais. Héloïse, qui rejette son destin, refuse d’être peinte et...

le 28 déc. 2023

2 j'aime

Ponyo sur la falaise
Estellanara
8

Ponyo Ponyo, Ponyo sakana no ko...

-------------------- CET ARTICLE SPOILE EHONTEMENT ----------------------Début :Sosuke, cinq ans, vit avec ses parents dans une maison bâtie en haut de la falaise, non loin d'une petite ville...

le 11 déc. 2023

2 j'aime

3