Stranger Things
7.6
Stranger Things

Série Netflix (2016)

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Stranger Things... checked, au complet ! Et en deux jours... J'avoue.


Soyons clair. C'est très bon... pour toute la famille, ce qui suffit à en faire un ovni. Cette note de 9 sur 10 est enthousiaste, j'en conviens. Cette série fait avec simplicité, efficacité et à l'aide de formules pourtant bien connues souffler un vent frais bien agréable, ce qui est à mettre à son crédit autant qu'aux nombreuses productions aux prétentions non soutenues dont on nous abreuve par ailleurs.


Que dire sans trop en dire? C'est un défi... Disons, qu'on est en 1983, que 4 copains de 11-12 ans font un jeu de rôle (Donjons et Dragons) autour d'une table dans le sous-sol d'une maison très middle/upper class quelque part dans une banlieue perdue en Indiana. C'est l'heure de rentrer. Un des copains va disparaître sur le chemin de son domicile lors d'une nuit marquée par un orage. Pour la petite communauté de Hawkins (le nom de la place) et les proches de ce copain, c'est le début d'une série de manifestations étranges marquées notamment par l'intrusion d'une jeune fille mystérieuse qui semble sortir de nulle part et qui est aussi manifestement pourchassée... voilà, c'est assez. Le reste se découvre devant l'écran.


Cette série est un petit bijou qui cible les trentenaires et quarantenaires mais pas uniquement. Ceux et celles ayant grandi avec E.T., Les Goonies, Explorers, Stand By Me, Ferris Bueller, Poltergeïst, Breakfast Club, Sixteen Candels, The Last American Virgin, et tout et tout vont se trouver en terrain de connaissance. Il y a même une touche horreur/fantastique qui louche vers Carpenter. Les trentenaires et les quarantenaires qui vont se faire un plaisir de montrer ça à leurs gamins à qui ce programme s'adresse principalement. À quand remonte la dernière série TV réussie, intelligente, drôle, stressante pour ne pas dire épeurante (en mode linguistique québécois) et en même temps regardable de 10 ans à pas d'âge? Ouais, voilà... 9/10. Comme pour un bon Pixar, parents et enfants/ados peuvent trouver leur compte dans Stranger Things.


Parents qui n'avez connu tout ça dans votre jeunesse, ne fuyez pas! Vos gamins vont adorer avoir peur pour des héros qui leur ressemblent. Vous allez aussi voir qu'on peut faire du vélo sans casque et sans traceur GPS sur son smart phone sans mourir au coin de la rue.


Le seul véritable risque pour vos enfants est de se faire dévorer par un monstre échappé d'un monde parallèle.


Et puis, il y a dans Stranger Things des situations et des répliques vraiment savoureuses.


Initier, ouvrir des portes sans prétendre révolutionner quoi que ce soit


Je lis beaucoup de critiques moyennes ou négatives reprochant le mode nostalgique ou le nombre de citations dont la série abuserait. Je ne partage pas cet avis, mais je le comprends si on a plus de 30-40 ans (ce qui est mon cas) et qu'on pense que cette série ne vous parle qu'à vous (ce qui n'est pas mon cas) ou, au contraire, si dans une démarche nombrilistico-narcissique, on n'appartient pas à cette catégorie d'âge et que du coup, on se sent exclu à cause du côté reconstitution historique (Ouarch! Pas les années 1980!) et d'un bagage personnel en matière de fantastique que la série ne viendrait pas enrichir (vous en avez vu d'autres).


Je taquine, mais il ne faut pas oublier que cette série n'est pas faite que pour les nostalgiques et qu'elle cherche surtout à initier à un genre. L'initiation est un des thèmes majeurs de la série et il est traité sous plusieurs angles. C'est une initiation à un certain cinéma (et même plusieurs), à une décennie et à bien d'autres choses qu'il vaut mieux découvrir avec les personnages. Une fois qu'on a établi cet objectif plusieurs des critiques adressées à Stranger Things tombent à plat, notamment, celle de manquer d'originalité. Imaginons que vous ayez eu un professeur de maths/français/etc. ayant allumé des étoiles dans vos yeux en vous montrant avec un enthousiasme contagieux tout ce que sa discipline pouvait ouvrir comme coffres à trésors. Vous reprocheriez à ce professeur de ne pas avoir révolutionné les maths ou la littérature ? Stranger Things est ce professeur qui ne fait cependant jamais le remake de rien. La série a sa propre logique, sa propre trame.


Ceux qui sont familiers avec le genre vont peut-être trouver que le déroulement est trop prévisible. C'est possible. Mais cette série ne prétend pas non plus à révolutionner le genre ou à surprendre par je ne sais quel tour de passe-passe. Elle veut juste bien mener son truc et y parvient avec rythme, humour et charme. La démarche tranche avec bien des projets ambitieux qui se sont avérés arrogants tant ils ont été incapables de livrer de ne serait-ce qu'une partie des promesses claironnées. Juste bien faire sa série, c'est chouette aussi comme démarche. Il faudrait le rappeler à bien des personnes.


Stranger Things est une série bien ficelée dans toutes ses dimensions. Même ceux qui lui adressent des reproches reconnaissent avoir mordu dedans en mode binge drinking. Bouder son plaisir dans ce contexte, ce n'est pas faire preuve de distance critique. C'est juste bouder son plaisir et oublier le gamin de 12 ans qui est en vous. C'est aussi oublier qu'une bonne histoire est davantage garante d'une bonne série et du plaisir qu'on prend à la regarder que la recherche de l'originalité à tout prix. John Ford disait qu'il faut trois éléments pour faire un bon film : une bonne histoire, une bonne histoire et une bonne histoire. Stranger Things l'a pris au mot. Cette série comporte 3 bonnes histoires qui n'en font qu'une.


Une série de son temps qui pille ses références et s'en amuse


D'autres critiques reprochent à l'inverse à Stranger Things de ne pas avoir opté pour une réalisation en mode à la Spielberg ou à la Carpenter... C'est critiquer la série pour ce qu'elle ne fait pas et pas pour ce qu'elle fait et c'est donc injuste. C'est oublier que c'est d'une série dont il s'agit et pas d'un film. Doit-on reprocher à Hergé de ne pas concevoir ses vignettes de BD comme David concevait ses tableaux ? Une BD n'est pas un tableau comme une série d'une chaîne à péage n'est pas un film de cinéma. C'est oublier que Stranger Things n'est pas une série des années 1980, mais bien une série contemporaine pensée et produite pour le public d'aujourd'hui, notamment les jeunes qui vivent sur un autre rythme d'hyperstimulation par écrans de toute sorte que ceux des années 1980. C'est aussi oublier que Spielberg, que j'adore par ailleurs, est capable d'être chiant comme la mort et que ça lui arrive au moins une fois sur deux. C'est oublier que Carpenter (que j'aurais voulu être) n'est pas regardable par toute la famille. Stranger Things est rythmé et efficace comme... un vidéo clip des années 1980, enfin les meilleurs, parce que non, tout n'était pas bon dans les années 1980.


Ce qui me conduit à parler de musique... La bande originale évoque les films de Carpenter avec ce synthétiseur horrible qu'on a aimé détester à l'époque plus souvent qu'autrement parce qu'il était capable de gâcher tout un film à lui tout seul (remember Lady Hawk). Un synthé qui est par ailleurs tellement efficace pour mettre l'ambiance sur fond de rythme cardiaque. Et puis ben, les Clash quoi!!! Et toutes ces radios stars qu'on n'entendait pas toujours à la radio, pas en France du moins, tant les radios FM se sont vite faites les relais des maisons de disque en mode contrôle de l'offre. Soyons clair, en France c'était plutôt Téléphone et Jean-Jacques Goldman que les Smiths. Les qui ? dirait ma mère. Non, pas les Who, les Smiths, mais laisse tomber maman, lui répondrais-je.


Stranger Things est bourrées de citations, c'est vrai, mais sans bercer dans l'hommage, ni dans le pompage, ce qui est finalement le plus beau clin d’œil à ce cinéma qui n'existe plus ou presque (Super 8 étant un fantôme et c'était déjà en 2011). Les frères Duffers qui sont à la baguette multiplient les allusions au cinéma des années 1980 sans montrer le moindre intérêt pour les messages ou propos des œuvres et artistes qu'ils dépouillent et ils ont bien raison. « Le mauvais artiste copie, le grand artiste vole », disait Picasso. Je ne suis pas sûr que les Duffers soient de grands artistes, mais ce qui est sûr c'est qu'ils volent ce qui leur semble utile de manière parfaitement irrévérencieuse, on frise même le cabotinage. Mais ça marche! Avec ou sans les références.


Pas juste des références, mais aussi un portrait des années 1980


Même le casting en devient amusant du fait des références à River Phoenix ou John Cusack, à la jeune Wynona (Heathers), à Matthew Modine (Private School) et d'autres. Les mentions de Stephen King ou Tolkien (ne vous avisez pas de confondre le Hobbit avec Le seigneur des anneaux), et surtout la place accordée à D&D (Mireille Dumas, si tu nous lis... cette série est aussi faite pour toi !) sont vraiment chouettes avec les vrais livres et la boîte et tout et même la typographique des publications rôlistes qui est reprise pour annoncer les épisodes, pardon les « chapitres » de la campagne. En parlant de typo, celle utilisée pour le titre de la série évoque tout à la fois les couvertures des livres de Stephen King, un comic book comme Doctor Strange, l'affiche du film Prince of Darkness de Caprenter de même que le logo de Lucas Film (celui avec le vert scintillant).


Sinon, la reconstitution des années 1980 est excellente aussi avec en toile de fond le portrait des 'working poors' (la crise frappait fort aussi en ce temps là) qui côtoient des travailleurs aisés du simple fait que leurs gamins vont à la même école. Le clivage de classes est déjà là, et pourtant, c'était avant l'explosion des inégalités... Aujourd'hui ces gamins n'iraient pas dans la même école.


Il y a aussi dans Stranger Things cette piqûre de rappel venue d'un des temps fort de la guerre froide (le premier mandat de Reagan) : ce n'est parce que le gouvernement clame agir dans votre intérêt que c'est forcément le cas... En période de guerre au terrorisme et de drive sécuritaire, il peut être bon d'en appeler au sens critique, ce qui n'a rien à voir avec les théories conspirationnistes, bien au contraire.


Le gros plus de la séries réside indubitablement dans les gamins qui sont excellents! La chimie prend dès la première scène. Nerd is the new cool! Weirdo too! C'est juste et intelligent, ce qui colle bien à une série mettant en avant... l'intelligence, le sens critique, l'expérimentation et... le fun. On a le droit d'avoir du fun, même à l'école. Je sais... ça choque dans un pays où les parents s'enorgueillissent de voir leurs enfants en burn out sous le poids des rites obscurantistes des classes prépa, mais il n'empêche... Stranger Things ce n'est que du fun pour un ado. Cette série réhabilite aussi la peur comme moteur du plaisir à raconter et à suivre une histoire chez les enfants. Il était temps.


Et puis, cela faisait longtemps qu'il ne s'était pas fait un portrait de high school ne mettant pas en vedette le joueur de football et la cheerleader... Dans Stranger Things c'est plutôt club de photo, de science et de radio... têtes d'ados et physiques d'ados pour rôle d'ados, ça change des beefs hormonés et autres poupées siliconées.


Faut-il avoir peur d'une suite ?


Au final, Stranger Things est une série superbement écrite et menée de manière habile du début à la fin. Pas de quoi crier au génie non plus, c'est juste une bonne histoire servie efficacement par une réalisation vive et des acteurs brillants... Et c'est déjà beaucoup.


Ha oui, j'ai dit la fin parce que pour une fois, bien que ce soit super bon, il ne faut pas qu'il y ait de suite. Ce n'est pas l'histoire sans fin... encore que... ;)


Vous en connaissez beaucoup des séries que vous avez adoré et pour lesquelles vous ne voulez pas de suite même si elle semble possible ? C'est bizarre cette sensation d'en vouloir plus et d'avoir peur que ce plus ne vienne tout gâcher. Stranger Things est un ovni fait de références par ailleurs tellement familières. C'est une performance... étrange.

Créée

le 27 juil. 2016

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