Un élève peu doué
Warning, spoil spoil spoil, jusqu’au dernier épisode. à ne lire que si vous n’avez pas vu la série, ou si vous n’en avez rien à foutre (mais alors, pourquoi lire ça ) J’ai un problème avec Stranger...
le 26 juil. 2016
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En train de continuer à binge watcher la saison 4 de Stranger Things, je m'entends dire tout haut "... Stranger Things, ça t'aurait fait exploser ton formait téléphone tellement c'est téléphoné..."
La - bientôt - sortie de la saison 5 de ce monument mainstream de Netflix, c'est un peu le rappel de ce qu'il nous manque aujourd'hui pour faire partie de la société.
Et tout ermite que je suis, il fallait bien un jour que les sirènes du marketing autour de cette série me rattrapent.
C'est donc avec un certain enthousiasme (c'est toujours un peu enthousiasmant de se laisser aller pour la première fois à un élan répandu) que je me suis laissé allé au visionnage du monument. J'ai nommé: Stranger Things.
Et par respect pour vous, je vais essayer de faire plus court que les quatre saisons de la série. Très vite, un truc commence à me gêner insidieusement. À mesure que les premiers épisodes filent déjà (attention, la saison 1 est vraiment très bien, et je comprends qu'elle ait créé l'engouement qu'on connait aujourd'hui) un petit truc se met à germer en moi.
Une petite remarque gênant qui me fait à chaque instant sortir une fraction de second de la série, un peu comme si ça mettait à mal le fameux "principe de suspension consentie de l'incrédulité" (ce mécanisme cérébral permettant au cerveau d'accepter de se laisser imprégner par une œuvre de fiction, sans quoi, dès qu'on lirait le Seigneur des Anneaux, on s'arrêterait immédiatement, incrédule, parce que "pf.. les nazgûl ça existe même pas!").
Et ce truc gênant qui me sort de mon visionnage, c'est que dans presque chaque plan et autant de répliques on va de plus en plus nous servir des clichés. Et même pas les bons clichés scénaristiques. Je parle des clichés dans le vocabulaire filmique, effet de style, effets visuels, sonores... bref, autant de clichés qui nous ramènent à notre position de spectateur regardant une œuvre vidéographique sur notre écran. Un peu comme si la série s'amusait (quelle drôle d'idée) à sans cesse briser le quatrième mur pour nous dire (telle une personne en manque d'attention) "t'as vu, cet effet je l'ai fait pour toi, pour que tu aimes la série".
Une sorte de succession d'effet pour satisfaire le fan service qui veut voir et revoir des effets qu'il a aimé dans un.e autre série/film.
Mais j'y reviendrais un peu plus tard (oui, parce qu'il y a beaucoup de choses qui m'ont exaspéré dans cette série, et puisque je me suis coltiné les quatre saisons, ne croyez pas que je vais rester là sans me venger en énumérant le plus exhaustivement possible chaque chose qui m'a exaspéré) (on a les vengeances à la hauteur de nos ambitions, que voulez-vous).
Avant tout ça, je vais aborder la question la plus problématique de la série à mon avis (esquivé dans la saison 1, évidemment): le cliché du manichéisme made in USA.
Parce que quand je parlais des clichés, au-dessus, je ne parlais même pas des ressorts scénaristiques à coup de (je vous le donne en mille)... méchants soviétiques! qui, appliqués à des intrigues écrites dans les années 2020 posent plusieurs problèmes.
Problème 1 le plus basique: la lassitude.
Quand le cinéma américain a épuisé ton potentiel créatif (c'est le cas à la fin de la première saison de Strangers Things - oui, ça fait court pour épuiser son potentiel créatif. Peut-être la faute à la manière de créer du contenu façon Netflix), il crée... le méchant ruskof qui veut gouverner et détruire la Terre (comprendre par "Terre" les United States of America avec l'accent de Trump pour faire encore plus vulgaire).
Parce que si la pensée américaine est telle une seule synapse, traitant une seule information à chaque fois, elle la monopolise encore aujourd'hui avec la seule Histoire qu'elle n'a jamais eue, chez les blancs américains (les bons): la peur rouge.
Toutes les guerres que les USA ont menées ont été dans ce sens. À l'intérieur comme à l'extérieur (je fais l'impasse, intentionnellement sur toute l'Histoire américaine, de la colonisation des terres indiennes + génocide - qui fait d'ailleurs penser en tout point à un épisode de notre histoire récente - parce que pour l'américain États-Unien blanc, l'Histoire commence avec lui. Lui et Dieu. donc il ne s'est rien passé avant).
Je suis donc navré (presque gêné) de remarquer qu'encore aujourd'hui le seul ressort historique existant dans la pensée créatrice américaine, c'est la guerre contre le méchant communiste.
Le deuxième point problématique que je trouve à utiliser encore ce ressort, va répondre à l'objection que je pourrais trouver à premier point (objection étant que "oui, mais cette série se passant dans les années 80, on est bien totalement en présence, historiquement, d'une crainte omniprésente de cette stupide (navré, ça m'a échappé) crainte monothématique rouge"). Certes cette série raconte une histoire se passant à l'époque de cet endoctrinement anti-communiste.
Le fléau des armes à feu qui détruit de l'intérieur la jeunesse américaine? Ça va. L'obésité morbide endémique due non pas à un malaise social, mais à une culture quasi étatique de la malbouffe? Non non, ça va aussi. Le communisme? Ça, c'est le vrai problème du monde (enfin des États-Unis, mais c'est pareil). Ce détail, dans le contexte de l'époque à laquelle se passe cette série, est-il donc cohérent?
Cette série n'a pas été écrite dans les années 80, elle s'y déroule juste. Et rien n'oblige une création cinématographique à reprendre les préoccupations géo-politiques des scénaristes d'une époque, si ce n'est où la volonté de servir encore la même relecture propagandiste.
Voyons cela avec un simple exemple.
Car, plus proche de chez nous, si aujourd'hui, on nous sortait une série ou un film sur les méchants indépendantistes algériens contre le Royaume français... cela me ferait l'effet d'une caricaturale et stupide incapacité à relire notre Histoire avec des yeux plus ouverts. Et d'ailleurs, ceux qui l'ont fait de la sorte l'ont fait dans un but satirique (OSS 117, la série Au Service de la France...).
Il en est de même pour cette obsession immature et mal gérée de ce pays pour cette période le l'histoire (avec un petit "h", pardon) américaine.
D'une part, en 2020, on est en droit d'être dépité que des scénaristes trouvent encore chouette de ressortir cette bonne vieille excuse de la peur rouge comme ressort scénaristique, comme si elle était encore légitime aujourd'hui (en effet, on n'a pas besoin de rappeler que le premier fléau destructeur des mondes, des pensées, des niveaux de vie, des peuples, aujourd'hui, ce n'est probablement pas le communisme, mais plutôt - tiens donc - le capitalisme qui favorise le travail des enfants par exemple. D'ailleurs l'histoire états-unienne est partie en guerre généralement au nom du capitalisme, à l'image de nos croisades d'antan, avec le même genre de résultat pas vraiment convainquant).
Mais d'autre part, on se demande si ça ne vient pas comme un cheveu sur la soupe tel un prosélyte embrigadé dans une secte, qui, passant du coq à l'âne, fera tout pour amener la conversation sur le sujet de sa religion chérie "je t'ai parlé de mon guide suprême au fait? Tien, prends cette brochure...".
Et cela, je trouve ça confondant de stupidité. Peut-on encore, à l'heure de l'internet, être fanatique de la première heure de son pays, quel qu'il soit (sauf le Groenland), après une brève lecture éclair de notre propre histoire? Non. Et les blancs américains encore moins, vu qu'ils ne disposent pas réellement d'histoire (laquelle pourrait tenir dans un fascicule, ou en bas de la brochure parlant du "Guide suprême" dont j'ai parlé juste au-dessus (d'ailleurs, je vous en reparlerais, il m'a ouvert les yeux et mon portefeuille)).
En somme, il me semble extrêmement problématique, aujourd'hui d'utiliser tous les ressorts (sans la moindre prise de distance avec le sujet) de l'endoctrinement états-unien pour une série écrite en 2020, sous prétexte même qu'elle se passerait à l'époque où précisément, cet endoctrinement a fait beaucoup de tort à la capacité intellectuelle de tout un pays.
Les clichés dans le vocabulaire filmique, maintenant.
Pour ce qui est de la somme exorbitante de cliché (façon Gotlib, dans ses Rubric à Brac je crois) et autres répliques, plans, ressorts convenus, nous avons les utilisations quasiment à chaque épisode de la succession entre problème imminent rencontré par le héros - plan des autres personnages autre lieu, faisant un truc/allant quelque part/annonçant un projet abscons - retour sur le héros en quasi danger de mort façon ho lala tout est perdu pour de bon et BIM! les susmentionnés autres personnages qui arrive juste à droite de la caméra (on ne les avait pas vus parce que ventre bleu la caméra était suspicieusement trop proche de l'action pour qu'on les voit juste à côté). C'est donc ça que les personnages faisaient, hors champ, ils arrivaient pour sauver le héros...
Et c'est comme ça plusieurs fois par épisode.
Je ne plaisante pas.
Plusieurs fois.
Par.
Episode.
Les autres clichés ayant le talent de mêler clichés psychologiques grossiers, manichéisme et pathologie mentale proche de la psychopathie, c'est ce que j'appelle les "groupes de psychopathes".
Ils n'apparaissent pas tels quels dans la série, mais là encore il y en a plusieurs, à chaque saison. En fait, ils se créent au gré des besoins scénaristiques lorsqu'il faut un méchant qui soit américain (et qui donc, ne peut pas être soviétique) (puisque les américains ont une âme, eux).
Je pourrais appeler "le groupe des psychopathes" le "groupe des harceleurs", le "groupe des élèves populaires", le "groupe des capitaines de l'équipe de basket", ou plus globalement le "groupe des gens qui peuvent scénaristiquement se prévaloir d'une certaine autorité faisant office de méchants de la vie de tous les jours". Chez les américains de cette série, le problème de trouver un méchant pour les intrigues secondaires est beaucoup plus simple. Il y a une personne, isolée (qui a des copains certes, mais qui, généralement resteront passifs lorsqu'ils seront témoins des scènes de harcèlement) et les harceleurs, qui dans cette série (c'est flagrant) s'apparente davantage à une bande de psychopathes qu'à une bande de harceleurs/capitaine/personnes populaires.
Dans cette série, la rapidité avec laquelle un groupe de harceleurs se montre rapidement organisé, constant, méthodique, et enclin à acheter des flingues est hallucinante, sans les gratifier de la moindre dimension psychologique (comme s'ils n'avaient qu'une simple fonction de personnages non-joueurs). Le magnifique contre-exemple sera le personnage de Bill que le scénario a eu l'immense talent de rendre complexe, touchant et profond grâce à simple scène de 5 minutes, ou on le voit se préparer avec attention, pour sortir, faisant montre de rafinement, d'un narcissisme suspicieux et immédiatement humilié par un père tyrannique et obtus, brisant l'âme qu'on a pu voir apparaitre quelques secondes seulement.
Mais dans cette série, c'est la rapidité avec lequel le harcèlement va (très vite et très loin) qui m'a fait tiquer à chaque fois.
On est systématiquement en présente de petits Henry Bowers (le petit psychopathe harceleur dans les "ça", téléfilm et film, qui sort son canif pour graver au sang sur la peau du ventre d'un enfant des mots dans le film ou menaçant d'égorger - rien que ça - l'enfant dans le téléfilm).
Ils semblent n'avoir comme fonction scénaristique que d'être méchants. Allant même jusqu'à monter toute une ville (aux USA on comprend qu'ils ne réfléchissent pas trop trop) contre des enfants, et se faisant fort à 17 ans à peine, de mener son groupe d'influençables copains à la recherche d'un enfant pour le tuer (on dirait bien).
Donc. Des psychopathes clichés de série.
Ce qui rend le tout absolument vide, dénué de profondeur et, au final, incohérent, c'est qu'on sent parfaitement dès les premières seconds, que ce personnage (l'archetype du méchant pair) n'existe pas vraiment, comme je le disais plus haut. Qu'il est là pour servir un ressort dont on aura besoin un moment parce qu'on a la flemme de chercher une intrigue réellement complexe.
D'où mon impression qu'ils ne sont que des PNJ. Des personnages non-joueurs aux graphismes époustouflants, mais qu'on finira quand même par vouloir passer en accéléré parce qu'on sait tout ce qu'il va se passer quand ils sont là, une fois qu'on a saisi l'idée.
Et Strangers Things ne déroge pas à ces règles. Rendant, à mesure des saisons, la série lassante, presque ennuyeuse (je l'ai arrêtée et reprise plusieurs fois).
Et pour finir, je crains que ce temps passé à son visionnage m'apparaisse, malgré la première saison très cool, comme une immense perte de temps.
Ce qui m'a initialement fait écrire cette chronique, c'est l'étrange sensation que tous ces défauts, que l'on peut raisonnablement retrouver dans un nombre incalculable de séries et films américains, ils existent ici plus nombreux, plus intenses... C'est à chaque second. Chaque plan presque est pourvu d'un de ces "Fusil de Tchekov" grossièrement placer là pour bien que le spectateur ait le temps d'intégrer l'information qu'il pourra cranement ressortir plus tard en disant "gné oui je m'en souviens de ce truc".
Bah oui, tout le monde s'en souvient parce que les réalisateurs ont littéralement utilisé un plan entier pour le montrer (poussant à l'écœurement le principe initial).
On est ici en présence d'une anomalie génétique netflixienne, à force d'autorégurgitation, d'un produit qui a été une réussite marketing. Une somme de mécanismes bien huilés mis ensembles pour faire un produit filmique.
Bref. Cette série ne demande aucun effort. Aucun. Ni cognitivement, dans la manière d'agencer les informations, ni émotionnellement dans sa manière de lisser les personnages, ni même intellectuellement, tant tout est dit, explicité, montré, rappelé.
On n'a que des stimulations primaires, successives. les montées en tensions sont immédiatement résolues, et au pire, on sait avec certitude que ce qu'on ne nous montre pas, on va nous le montrer, à un moment le plus convenu et utilitariste possible.
Comme un scroll infini sur instagram. Avec la même sensation, au final, d'avoir perdu son temps.
Tout juste, ai-je trouvé l'avantage de pouvoir dire aujourd'hui "Bah ouiiiii, évidemment que j'ai vu Strangers Things" et d'ajouter dans ma barbe un minuscule "à part la saison 1, c'était nul".
Mais au moins, je pourrais faire partie de cette socitété.
Je vous avais dit que ça serait long. Comme mon exaspération.
Créée
le 16 nov. 2025
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