Success Story

Bienvenue dans le panier de crabes, la fosse aux requins, le nid de vipères, la cage aux lions, d'une famille de très riches new yorkais dont le patriarche a fondé ce qui est devenu un des plus gros conglomérats de médias et de loisirs du monde. Un patriarche (excellent Brian Cox) qui au début du pilote avait apparement décidé de passer la main à l'un de ses fils ambitieux, déjà présent dans l'entreprise.
Evidemment notre diable en col blanc en décide finalement autrement avant de faire une attaque qui le laisse affaibli physiquement.... mais pas mentalement. Un vrai tyran, au charisme incroyable, qui ne veut plus abdiquer et va doucement remonter la pente pour reprendre en main (de fer) les rênes du business familial.
Ce qui alimente ou fait ressortir les rancoeurs, les méchancetés et les manoeuvres sournoises entre la fille et les trois fils qui ont tout eu sauf une enfance paisible dans l'ombre de ce père envahissant. Aucun n'attire la sympathie de prime abord, ils sont tous à baffer, déconnectés du réel dans leur monde d'ultra riches, s'inquietant d'eux même d'abord, avant les autres et même leurs proches.

Et puis au fil des dix episodes on apprend à les connaître, à discerner leurs caractères, leurs envies, leurs faiblesses, et le spectateur développe un rapport amour/haine ambivalent à leur encontre, signe d'un travail d'écriture incroyable, et d'un jeu d'acteur impressionnant.

Entre l'aîné qui vit dans son ranch du désert du Nouveau Mexique avec une call girl de 20 ans de moins, complètement narcissique et aux idées et discours farfelus, le cadet azimuté dépravé qui sort de réhabilitation et à l'humour acerbe voulant sa place dans l'entreprise sans en foutre une, la soeur egoiste qui va se marier par intérêt, evoluant dans le milieu politique jusqu'à soutenir le sénateur qui veut abattre la reputation de son père, et le pauvre Kendall promis à reprendre le business mais trop timoré, écrasé par le paternel et camé à la coke... ouais c'est du lourd !

Du très lourd, filmé comme un documentaire, caméra à l'epaule quasiment, avec des flous et des zooms hasardeux, qui rend la pellicule assez crue, ancrée dans un réel à part. C'est un drame principalement, mais en creusant un peu on retrouve un humour mordant, un cynisme jubilatoire. Les dialogues sont très bons, on se surprend à rire jaune ou franchement selon les occasions, avant d'avoir de la peine ou du dégoût pour certaines attitudes ou actions.

Si les décors et lieux sont peu variés, des bulles hors monde de monsieur tout le monde, les interactions entre les acteurs principaux et tous les autres seconds rôles retiennent toute l'attention, et on hallucine plus d'une fois devant tant de "non amour" et manipulations entre eux tous. Chacun poursuivant ses buts et objectifs, s'alliant à d'autres si les circonstances l'exigent, avant de trahir si nécessaire.
Certaines scènes, voire des episodes entiers sont des bijoux bruts, l'avant dernier relatant toute la veille du mariage de Shiv et Tom en tête. Ce neuvième episode et le dernier de la saison sont un feu d'artifice de rebondissements, de retournements de situations et de mises au point, survenant après un crescendo savamment orchestré depuis le pilote.

Une autre réussite de HBO, qui n'aura pas un succès grand public, mais qui rejoint le haut du panier des oeuvres de niche mais jouissives proposées par l'opérateur, telles Ballers, Sharp Objects, The night of, The leftovers, Barry, Here and now, et j'en passe.

Vivement la saison 2 de ces riches qu'on adore vilipender ! Surtout avec ce cliffhanger final...

EDIT Saison 2 14/11/19

Cette 2ème saison a tenu toutes ses promesses, en étant encore meilleure que l'initiale, c'est pas peu dire !
Les acteurs sont exceptionnels dans leurs rôles, dans leurs jeux, chacun incarne à merveille ces personnages aux nombreux défauts et fêlures, les approfondissant au maximum de par leurs histoires personnelles, leur passés, et sur la forme par des gestuelles, des debits et des attitudes propres.
L'arrivée de la géniale Holly Hunter est un plus savoureux, une très grande actrice toujours.

Cette série, en dehors du thème peu courant, a une véritable identité, unique même, avec cette caméra qui "tremble" et zoome souvent, ce grain de la photo, ce thème musical un peu grinçant... Rien ne semble parfait sur la forme, mais c'est voulu et ça renforce ce côté documentaire immersif.

Je n'y trouve aucune longueur, pourtant il y a beaucoup de (très bons) dialogues, de plans fixes ou même des épisodes se déroulant en un seul endroit. Mais le montage, la tension, les acteurs, et les manipulations tiennent le spectateur en éveil constant.

Et je ne suis pas un intégriste de la VO, mais pour le coup "Succession" est à voir impérativement dans sa langue originale.
Vivement la saison 3 qui promet encore une fois du lourd avec ce retournement de dernière minute jouissif !