Avec Sunderland ’Til I Die, Netflix ne signe pas seulement une série documentaire sur le football : il propose une plongée brutale, émotive et parfois désespérante dans les coulisses d’un club mythique et dans l’âme d’une ville entière. Loin des strass et paillettes des grands clubs mondialisés, la série révèle le quotidien d’une équipe engluée dans ses échecs sportifs et financiers, mais surtout celui de ses supporters, dont la passion demeure inaltérable. Le résultat, entre fresque sociale et chronique sportive, frappe par son authenticité, mais n’échappe pas à une certaine redondance. L’expérience reste pourtant marquante, offrant un regard rare sur la manière dont le football façonne une identité collective.

Le supporter véritable, pilier de l’identité du club


Le grand mérite de Sunderland ’Til I Die est de replacer le supporter au centre du récit. Ici, point de spectateurs occasionnels ou de “footix” fascinés par les victoires en Ligue des Champions : on découvre des hommes et des femmes pour qui Sunderland est un héritage, une raison de vivre, parfois même un fardeau émotionnel. Les séquences dans les pubs, dans les tribunes ou dans la rue révèlent une passion viscérale, empreinte de dignité et de souffrance. Ces portraits traduisent le lien organique entre un club et sa ville : Sunderland, cité ouvrière marquée par la désindustrialisation, trouve dans son club un miroir de ses épreuves et de ses espoirs.


Cette approche tranche avec les productions plus polies centrées sur des clubs riches ou flamboyants. Là où les documentaires consacrés à Manchester City ou Arsenal respirent la communication maîtrisée, Sunderland ’Til I Die expose la rugosité du réel. Le spectateur assiste à la foi inconditionnelle des supporters, incapables de se détourner d’un club qui les trahit pourtant semaine après semaine. La série devient alors un hommage paradoxal : la grandeur du football se mesure moins aux trophées qu’à l’amour indéfectible de ceux qui souffrent pour leur équipe.


Une mise en scène immersive et sincère


Sur le plan formel, la série adopte une esthétique brute, proche du “fly-on-the-wall”, qui immerge le spectateur au plus près des protagonistes. Les caméras s’invitent dans les vestiaires, captent la tension des réunions de direction, saisissent la solitude des trajets en voiture ou des moments d’introspection. Cette proximité, parfois inconfortable, contribue à créer une atmosphère presque documentaire au sens anthropologique : on observe une communauté et ses rituels, ses failles et ses illusions.


Le choix musical renforce cette impression. Les sonorités tantôt électriques, tantôt mélancoliques, traduisent les secousses émotionnelles vécues par les supporters comme par les joueurs. Les ralentis et les plans dramatisés, parfois excessifs, rappellent que nous sommes dans une œuvre montée et pensée pour capter le spectateur. Mais l’équilibre reste juste : l’authenticité domine, et l’émotion prend le pas sur le spectaculaire. La série ne cherche pas à magnifier Sunderland, mais à le montrer tel qu’il est : un club en souffrance, entouré d’une ville qui refuse d’abandonner.


Une répétition lancinante, reflet fidèle de la spirale de l’échec


Il serait aisé de reprocher à la série sa redondance. Les défaites s’accumulent, les entraîneurs défilent, les discours d’espoir succèdent aux désillusions. Pourtant, cette répétitivité s’inscrit dans la logique du récit : elle reflète la spirale infernale vécue par le club et ses supporters. Chaque épisode ressemble au précédent, comme chaque match se solde par une nouvelle déconvenue. Cette monotonie n’est pas un défaut narratif, mais un miroir de la réalité.


On pourrait presque sourire devant la constance de l’échec, tant elle finit par devenir une identité à part entière. La “lose” répétée, parfois tragique, parfois grotesque, confère au récit une dimension ironique. En ce sens, la série se distingue : elle montre que l’épopée d’un club ne se construit pas seulement dans la gloire, mais aussi dans la répétition de ses défaites. En partageant ce désarroi, le spectateur comprend mieux ce que signifie “mourir pour son club” : accepter d’aimer malgré tout, coûte que coûte.


Sunderland ’Til I Die* dépasse largement le cadre du documentaire sportif classique. En filmant les coulisses d’un club en crise, il dresse un portrait saisissant de l’attachement inconditionnel qui lie une ville à son équipe. Si la réalisation, immersive et sincère, séduit par son authenticité, la série peut paraître répétitive — mais cette répétition est elle-même le reflet d’une réalité désespérante. Loin des récits glamour consacrés aux grands clubs victorieux, la série capte la beauté tragique du football populaire.

Avec son regard empathique et sans complaisance, Sunderland ’Til I Die rappelle que le football n’est pas qu’un sport : c’est un ciment identitaire, une histoire collective, parfois une malédiction.

7/10

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