Je me souviens encore découvrir par hasard la bande-annonce de cette mystérieuse série quelques semaines avant sa sortie. J’avais été envouté par ces images intrigantes et belles, et quelques notes d’une composition où résonnait le nom de Philip Glass. L’univers visuel rétrofuturiste de Stalenhag quant à lui, m’était vaguement connu mais j’en appréciais l’atmosphère. Tout était donc réuni pour un rendez-vous. Finalement, le lendemain même de la diffusion de la mini-série, j’ai littéralement englouti les huit épisodes le temps d’une nuit blanche de confinement, incapable d’interrompre le flux de ces histoires, prisonnier volontaire du déploiement d’une cartographie de destins mêlés.
Que dire de cette pépite, après un deuxième visionnage un an plus tard, autant vecteur d’émotions que le premier si ce n’est plus ? Le principe de la « fausse » anthologie vient ici servir un propos qui pour certains semblera simpliste ou insuffisant à porter les enjeux d’un récit, mais qui pourtant a tant à offrir. Il est vrai, le pitch est bref : le Loop, curiosité scientifique tissant la trame des récits imbriqués de la série, vient introduire l’inexplicable dans le quotidien d’une petite ville. Simple donc, mais efficace. Les enjeux s’effacent ici au profit d’une invitation à la réflexion, et à une introspection très personnelle de chacun selon sa sensibilité.
Où exactement cela se passe-t-il, quand, peu importe. On semble apercevoir une Amérique vaguement rurale des années 70 80, mais c’est sans réelle importance tant cela pourrait se passer ailleurs à une autre époque. A parler du temps, on touche au vrai sujet de TFTL. Le temps, la vie qui défile et l’inéluctabilité de toutes les choses qui nous entourent. Le temps et son influence sur les vies de quelques individus d’une bourgade somme toute insignifiante de la planète Terre. Comment de petits détails du quotidien, des drames, des rencontres ou du hasard peuvent orienter les embranchements de ces vies. Ces gens, à qui l’on s’identifiera pour X ou Y raisons, sont souvent prisonniers de leur propre boucle. Tous en tout cas sont atteints par l’influence du Loop, qui viendra perturber leur vie d’une manière ou d’une autre. Les rencontres se font parfois de manière éphémère et subtile au détour d’une scène, parfois de manière filée. TFTL semble vouloir dire une chose : tout est lié, bien que nous soyons tous maitre et responsable de nos actes.
Autour du temps, d’ailleurs plus que jamais relatif, gravite au fil des épisodes une multitude de thèmes liés à des étapes de la vie : les relations familiales, la filiation, l’appréhension du deuil, l’évolution des sentiments, la solitude, les responsabilités, la culpabilité, la différence… Tant de grandes idées qui sont pourtant ici exprimées avec une pudeur et une tendresse infinie. Un ton mélancolique recouvre d’un voile diaphane chaque épisode, ce qui pourra probablement faire déserter certains, mais qui saura toucher droit au cœur les autres. A cette humanité pleine et entière vient se greffer par petites touches des concepts de science-fiction non sans lien avec le propos, comme le transhumanisme, la robotique, ou encore divers jeux temporels.
La série met par ailleurs tous les atouts possibles à son service. L’univers visuel inspiré par les peintures de Stalenhag est superbement suranné, et magnifié par la mise en scène et les SFX. Les dialogues se font parcimonieux, mesurés, et souvent les silences, les regards et les gestes sont les plus évocateurs. Le cast est d’ailleurs parfait sans exception aucune, offrant des personnages crédibles, touchants et d’une grande justesse. Et que serait le Loop sans la magnifique BO de Leonard-Morgan et Glass qui, comme celle composé par Richter pour The Leftovers quelques années plus tôt, élève avec pudeur et poésie les émotions qui transpercent l’écran.
Je reprendrai probablement un jour la boucle là où je l’ai laissée. Retrouver ce tourbillon de destins placés bon gré mal gré face à des situations qui les dépassent, et qui pourtant parfois nous semblent si familières. Observer ces gens, et se dire « Et si ? ». Penser à l’inattendu du quotidien, et aux souvenirs à garder. Ne pas trop penser au temps qui défile, et à toutes ces choses inévitablement mouvantes autour de nous.
Et cligner des yeux.