The Crown
7.6
The Crown

Série Netflix (2016)

Voir la série

En cette période de confinement, j'en profite pour me rattraper sur quelques séries dont j'ai raté les premières saisons. Et quelle surprise ! Quel coup de coeur ! Quel chef-d'oeuvre que cette série historique centrée sur le règne de la reine d'Angleterre, Élisabeth II. Je ne doutais pas un instant de sa qualité mais j'étais loin de penser que ça me plairait autant et, en dehors de ce qu'elle nous apprend d'un point de vue historique, je pense que sa réussite tient essentiellement à l'excellente performance des acteurs qui fait vibrer émotionnellement The Crown.
Annoncée en six saisons de dix épisodes, et segmentée en trois distributions distinctes afin de refléter au mieux l'âge des personnages, The Crown est créée par Peter Morgan qui connait la famille royale britannique sur le bout des doigts. Il avait déjà signé le scénario de The Queen, sorti en 2006, avec Helen Mirren et a également écrit une pièce de théâtre, The Audience, qui racontait les différents entretiens de la Reine avec ses multiples Premiers Ministres. Dans cette série, force est de constater la minutie avec laquelle il dépeint cette figure royale, en partant de faits avérés, qu'ils soient d'ordre familial, politique ou historique. Ce n'est qu'à partir de cette base solide qu'il tricote la fiction, et pour le novice en la matière que je suis, la limite avec la réalité est imperceptible. Bien sûr, je me doute que les événements choisis pour la série doivent garder le public en haleine mais c'est sacrément bien écrit, que ce soit dans les scènes d'intimité ou de vie publique. J'ai trouvé que The Crown envoie du très lourd ! C'est vraiment palpitant et brillamment interprété.
La première saison prend place dans un pays blessé mais victorieux de la Seconde Guerre Mondiale. Alors que la jeune Élisabeth se marie à Philip Mountbatten, son père, le roi George VI, voit sa santé fragilisée. Son insouciance va alors devoir assumer les responsabilités de la Couronne plus vite que prévu. Ce démarrage m'a vraiment cueilli, avec un point de départ plus qu'interessant et un contexte historique chargé des restes de la guerre. Peter Morgan est malin car il réussit à esquiver la forme du biopic en costume d'époque, un tant soit peu poussiéreuse. D'emblée, ces personnalités publiques inaccessibles sont dépeintes comme des êtres humains parachutés malgré eux dans une situation qui implique des sacrifices et des compromis. À la fois privilège et épée de Damoclès, on observe les protocoles ancestraux, les traditions, les obligations qui constituent l'essence même de la Couronne. Mais pas seulement, puisque le scénario éclaté met l'accent sur des personnages secondaires très interessants, comme Winston Churchill, Edouard VIII ou encore la princesse Margaret. Des personnages fascinants et complexes, joué avec un naturel incroyable par John Lithgow, Alex Jennings et Vanessa Kirby. Claire Foy, en jeune reine, impressionne en permanence grâce à une approche toute en retenue. Charismatique et terriblement émouvante, elle réussit à traduire sans un mot les paradoxes et les craintes de son personnage. À noter aussi son excellent partenaire à l'écran, Matt Smith, principal grain de sable de l'intrigue...
La saison deux se déroule dans les années cinquante et travaille le fer encore chaud exposé précédemment. Ce deuxième acte est plus intimiste, plus familial et peut-être moins remarquable en apparence. En effet, le fil rouge se concentre essentiellement autour du couple royal, des folies sentimentales de Margaret et de l'enfance égarée du Prince Charles. Mais l'air de rien, en creusant les failles de ces personnages, à travers leurs problèmes de couple, leurs frustrations et leurs espérances, Peter Morgan ne fait que valoriser leur humanité. Ce qui vient alors contrebalancer avec leur gloire apparente, où tout leur est dû, avec leur château somptueux, leurs domestiques et leurs dorures au plafond. La mise en scène est toujours parfaite et les acteurs se confondent entièrement à leurs personnages, c'est déroutant par moment. Claire Foy est dingue, il y a pas d'autre mot. Et Vanessa Kirby semble touchée par la grâce tellement elle est saisissante dans son rôle.
La troisième saison change de visage et laisse place à des acteurs plus âgés pour raconter la suite du règne d'Élisabeth II, soit à partir des années soixante. J'ai eu un peu de mal à me laisser convaincre par la deuxième distribution, et ce, même si elle est parfaite en tout point. Mais il y a bien eu deux ou trois épisodes de transition où j'avais l'impression de ne pas retrouver ce qui m'avait séduit au départ. Mais très vite, grâce à quelques scènes qui suffisent à justifier ce parti pris, les affaires reprennent pour une saison tout autant trépidante et surprenante. Ainsi, la saison s'ouvre sur la tragédie d'Aberfan, où une partie d'un village du Pays de Galles se voit détruite par un éboulement pétrolier. La réalité embrasse la fiction de plein fouet. Les notions d'héritage et de devoir résonnent à nouveau avec l'investiture du Prince Charles, celles d'une nouvelle ère politique avec la mort de Churchill et la notion d'identité avec les frasques de Margaret. La narration fait preuve d'une énergie très contemporaine, multipliant les ellipses de façon limpide et accompagnée d'une bande sonore au diapason. Les problématiques nous touchent et les acteurs nous emportent. Olivia Colman, habituée aux rôles de cet acabit, prouve qu'elle est une actrice débordante de talent et d'émotions. Encore une fois, c'est bluffant et déconcertant par moment. Je me suis même surpris à regarder des scènes plusieurs fois tellement c'est riche et juste. Tobias Menzies est également excellent et touchant, tout comme Helena Bonham Carter, fantasque et hors-normes. Il n'y a rien à jeter, il n'y a rien à redire, ça ne faiblit pas, au contraire !
Enfin, la saison quatre, dernière sortie, marque l'arrivée de nouveaux personnages féminins cruciaux : Margaret Thatcher et la princesse Diana. L'intrigue est ici moins éclatée et se concentre tantôt sur l'aspect politique avec les frictions entre la Reine et sa Première Ministre, tantôt sur l'aspect intime avec la jeune Diana Spencer qui sème le trouble au sein du Buckingham Palace. Apparement, cette saison fait scandale auprès de la famille royale... Pour ma part, ce n'est pas ma préférée car elle ressemble davantage à un soap opera, entre histoires d'amour et trahisons. Je ne sais pas si c'est l'affrontement féminin qui fait ça... Mais néanmoins, la qualité narrative et d'interprétation nous incitent à ne pas en louper une miette ! Les dialogues, d'une férocité troublante, sont toujours aussi accrocheurs. Peter Morgan, documenté comme jamais, enfonce la barrière de l'intimité pour mettre ces personnages emblématiques à nu : Lady Di et ses problèmes de boulimie, le Prince Charles et sa double liaison, Thatcher et son rapport aux hommes ou encore un secret étonnant de la famille royale... Emma Corrin ressemble comme deux gouttes d'eau à son personnage : à la fois fragile et rebelle. Gillian Anderson, elle, est méconnaissable, et endosse à la perfection ce costume qui aurait pu être totalement caricatural. De nombreuses situations prêtent au rire mais elle y met une fermeté qui convainc illico. D'une certaine manière, elles volent quelque peu la vedette à la Reine et à sa famille qui passe en second plan dans cette saison et se contentent de répondre aux multiples appels et aux attaques. C'est plutôt le Prince Charles, joué par Josh O'Connor, qui se retrouve sous le feu des projecteurs pour défendre les valeurs royales et familiales. Il apporte une épaisseur taciturne, presque sombre à son personnage. À noter tout de même un épisode que j'ai beaucoup aimé, bien planté dans la réalité sociale du pays, et loin de l'intrigue principale, où un chômeur désespéré parvient à pénétrer dans la chambre de la Reine à l'aube pour discuter une dizaine de minutes.
The Crown, série au coût de production le plus cher de Netflix, est une pure réussite. Çà faisait longtemps que je n'avais pas regardé une série avec autant d'intérêt. Certes, on est loin de l'action d'un bon vieux Game of Thrones mais elle se dévore à toute allure. Même si ce dernier chapitre est un peu plus mélodramatique que ce à quoi elle nous avait habitué, je n'ai qu'une hâte, découvrir la suite, où la grande Imelda Staunton sera la future détentrice de la Couronne.

alsacienparisien
9

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleures séries originales Netflix

Créée

le 25 nov. 2020

Critique lue 254 fois

Critique lue 254 fois

D'autres avis sur The Crown

The Crown
Infinity
9

God Save the Queen !

En tant que fane de l'Histoire britannique , j'attendais avec grande impatience cette série. Et je n'ai pas été déçue ! Tout d'abord la reconstitution historique est brillante , les manoirs...

le 6 nov. 2016

40 j'aime

8

The Crown
mavhoc
7

Anti-binge-watching

Curieuse série que The Crown. Curieuse puisqu'elle se concentre sur la vie d'Elizabeth II, c'est-à-dire La Reine du XXe siècle, mais une reine sans pouvoir. The Crown est une série qui s'oppose à...

le 24 avr. 2019

28 j'aime

2

The Crown
Vnr-Herzog
5

God save (me) (from) the queen

Entendons-nous bien : c'est plutôt bien mis en image, les costumes sont formidables, la musique est réussie et l'idée de changer de casting à chaque nouvelle période est déstabilisante mais...

le 8 oct. 2021

17 j'aime

6

Du même critique

Un amour impossible
alsacienparisien
8

Récit romanesque d'une densité rare

Adaptation du roman phare de Christine Angot, "Un amour impossible" est un film fleuve qui retrace l'ensemble d'une vie. C'est étonnamment dense, percutant et fort. Les thématiques centrales vont au...

le 11 nov. 2018

19 j'aime

1

Épouse-moi mon pote
alsacienparisien
2

De la maladresse du propos nait un profond malaise...

Epouse-moi mon pote suscite de vives réactions sur son histoire centré sur le thème de l'homosexualité. Je n'ai pas personnellement trouvé le propos insultant mais je l'ai trouvé maladroit et...

le 7 nov. 2017

18 j'aime