The Heike Story
7.5
The Heike Story

Anime (mangas) FOD (2021)

Naoko Yamada - l'une des meilleures réalisatrices de l'animation japonaise de ces 10 dernières années, peut-être la meilleure, championne du très prestigieux studio Kyoto Animation, responsable de Silent Voice, K-On!, Liz et l'oiseau bleu, Tamago Market & Love Story, et d'innombrables épisodes sur des séries phares de KyoAni... quitte KyoAni. Après la mise du studio sous coma artificiel, suite à l'incendie qui a ravagé ses locaux et tué une partie de son staff, Yamada n'a d'autre choix que de prendre le large et s'attaquer à d'autres projets ailleurs. Par un étrange coup du sort, elle se retrouve chez Science Saru (le studio de Masaaki Yuasa) à adapter l'une des histoires les plus célèbres et complexes du pays : le Dit des Heike, qui retrace la lutte de pouvoir entre deux clans lors de l'ère Heian. Nouveau studio, nouveau staff, des contraintes techniques importantes (le studio, s'il brille par son approche peu conventionnelle des techniques de l'animation, a de gros problèmes de production et management) et une histoire touffue à laquelle rendre justice. Un projet très ambitieux, a priori loin de sa zone de confert, à faire adapter à une équipe bien moins virtuose que celle de KyoAni - et non familière avec le style de Yamada. De quoi soulever quelques inquiétudes.


Avant de commencer la série à proprement parler, le trailer a été comme un baume sur cette appréhension : une esthétique singulière (traits souples, animation élastique, couleurs claires et douces...) qui laissait entendre que Heike Monogatari allait bel et bien être une série exemplaire en termes de parti-pri artistique et de qualité de production. Et à vrai dire, c'est tout à fait ce qu'est la série finale : magnifique, sans compromission et pareille à nulle autre. C'est plutôt dans la sérialisation elle-même que j'ai eu plus de difficulté que je l'aurais cru à adhérer entièrement à Heike Monogatari.


Les premiers épisodes sont difficiles, car une fois le personnage principal "adopté" par la famille des Heike nous sommes exposés à nombre de personnages aux relations complexes, en quelque sorte à tout un organigramme du clan, ses liens à l'Empereur, qui s'est marié avec quelle famille... Je dis "exposé", mais justement ça n'est pas réellement de l'exposition : Biwa se retrouve - comme nous, et l'approche de Yamada est en cela réaliste - projetée au milieu de tout ceci, et c'est en voyant les personnages interagir et rapporter tel ou tel évènement qu'on en déduit le rôle, la position de tel personnage, ses liens avec tel autre, etc. Mais ce qui pourrait être une espèce de puzzle immersif n'est dans les faits pas très gratifiant. À moins d'être très, très attentif, ou d'être déjà familier avec le Dit des Heike, difficile de transformer ces bribes d'infos en savoir tangible et durable - notamment par le refus de Yamada de rendre les affaires politiques dramatiques la plupart du temps. Le ton de la série est difficile à classifier ; il y a beaucoup de comique, burlesque notamment - ne serait-ce que par le design de certains persos qui semblent ne semblent rien appeler d'autre que le ridicule. Pourtant il y a aussi la certitude surnaturelle de Biwa que des évènements terribles vont se produire, il y a la guerre, d'impossibles loyautés, la misère amoureuse, des destinées trop lourdes à porter, les personnalités inconciliables avec la fonction politique...


En d'autres circonstances je serais le premier à mettre cette tonalité ambiguë au crédit de Yamada, parce que ouais c'est ça la vie, toutes ces couleurs qui doivent bien se concilier même si ça parait impossible. Mais il m'a semblé que Heike Monogatari cherchait souvent à se concentrer sur ces intrigues de cour. Elles prennent en tout cas une place importance dans le récit. On est loin de se contenter de les voir passer de loin, comme une trame de fond à laquelle on a jamais vraiment accès même si elle colore le monde, une narration environnementale (ce que j'aurais peut-être préféré). Au contraire les scènes d'intrigue sont souvent centrales, elles sont nombreuses et surtout elle paraissent s'enchainer à toute vitesse. L'une des plus grandes forces de Yamada, c'est sa capacité à prendre le temps qu'il faut pour raconter avec pudeur des relations humaines, souvent davantage par le mouvement des corps (des jambes notamment, revoir n'importe quel épisode de K-On! pour s'en convaincre), sans avoir besoin d'en passer par des expressions de visage trop accentuées. Durant une bonne partie des épisodes de Heike Monogatari, tout superbes qu'ils soient formellement, je me suis souvent demandé à quel moment on allait réellement respirer. C'est possible qu'il s'agisse de me propre difficulté à épouser un nouveau rythme dans le style de Yamada, mais j'ai l'impression qu'il lui a été difficile de choisir quelle partie de cette histoire raconter, sur seulement 12 épisodes.


Alors que je commençais à montrer des signes de décrochage, la série m'a soudainement raccroché dans ses 3-4 derniers épisodes. Les membres des Heike se retrouvent dos au mur, prennent des chemins qui les mettront définitivement sur les rails de leur destin, et Biwa prend la décision solennelle d'être témoin de leur chute et consacrer son futur à raconter leur histoire. Soudain, il n'y avait plus qu'eux qui comptaient - ceux-là, je les identifiais, et c'est comme si enfin toutes les émotions contrariées qui s'étaient accumulées pouvaient se déverser. Et c'est peut-être un biais de ma part, parce que c'est là que j'ai raccroché les wagons, mais j'ai eu l'impression que la poétique de Yamada était à son plus beau durant cette conclusion. Finalement je peux dire que c'est ici qu'elle aura enfin réussi à me faire épouser le point de vue de Biwa. J'ai été balancé de droite à gauche durant l'essentiel de la série, à situer certaines choses et me perdre au milieu d'autres, mais lorsqu'il s'est agit de réajuster la lorgnette sur l'essentiel, c'est à dire l'accomplissement des oracles involontaires - mais inévitables - de Biwa, tout est devenu incontestablement clair, sensible, palpable. Cela suffit-il à justifier les épisodes qui furent source de confusion - voire parfois de frustration ? En partie oui, même si je pense qu'il y a un déséquilibre réel dans la répartition des éléments que la série entend raconter.


Heureusement, tout cela est si beau - et il suffit toujours d'un ou deux mouvements de tête animés pour peindre la dynamique d'un vieux couple.



TWazoo
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le 9 mai 2022

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T. Wazoo

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