人間五十年
‘’Dans le son de la cloche du couvent de Gion, il y a l'écho du caractère transitoire des choses humaines. La couleur des fleurs des arbres de Çaia avertit que tout ce qui est prospère est aussi...
Par
le 5 août 2022
3 j'aime
Voir la série
Celles et ceux qui me suivent un peu le savent : l'auteur (tous médias confondus) qui me parle le plus en ce moment, est Masaaki Yuasa.
Alors forcément, quand j'apprends que le bonhomme a sa propre société de production – à savoir Science SARU – ça me rend mécaniquement un peu curieux.
Alors certes, être producteur d'une œuvre, ce n'est pas en être l'auteur, et c'est sûr qu'il aurait été bien inopportun d'espérer de cette Heike Story qu'elle s'inscrive pleinement dans l'univers artistique du maître, mais à l'inverse de ça, j'aime bien aussi me dire que celui qui est lui-même artiste ne choisit pas les oeuvres qu'il produit par hasard ; que ses goûts et ses affects interviennent forcément à un moment ou à un autre dans le processus de décision. Et d'ailleurs, il suffit de se risquer à un seul épisode de cette Heike Story pour s'en convaincre rapidement...
Parce que, d'accord, ça a beau ne pas être du Masaaki Yuasa pur jus cette série que malgré tout ça en à l'audace, et cela dans quasiment tous les secteurs.
Il y a d'abord cette intrigue de guerre intestine en plein Japon médiéval. Mais il y a aussi ce choix de direction artistique très fort, à base d'aplats sans ombre qui rappellent les estampes de l'époque. Et puis il y a enfin ces choix musicaux contemporains et expérimentaux qui ne sont d'ailleurs pas sans rappeler l'audace d'un Samurai Champloo.
Rien qu'avec ça, la série réalisée par Naoko Yamada pose ses gonades sur le tatami et, juste pour ça, on a déjà envie de remercier le maître producteur Yuasa.
Rien que le générique de fin justifie à lui seul l'existence de cette série. Mais vraiment, même si vous n'êtes pas intéressé(e) par la série, prenez juste la peine de le regarder histoire de considérer toute la force de caractère d'une telle démarche. Pour ma part, c'est même d'ailleurs l'une des rares séries où je n'ai jamais coupé le générique de fin. À chaque fois, c'était pour moi une pure délectation, jusqu'à la dernière seconde. Ah ça ! Une telle identité, ça a déjà de quoi vous porter une série... Enfin, du moins, jusqu'à un certain point...
Cette formule, je l'ai pourtant trouvée assez redoutable sur les premiers épisodes. Tellement efficace d'ailleurs qu'il m'a fallu attendre le troisième épisode pour commencer à m'interroger si l'intrigue qu'on me racontait là s'appuyait sur une quelconque historicité ou pas. La question ne m'est venue que sitôt j'ai constaté que la série commençait à multiplier démesurément les personnages, alourdissant de fait sa narration. Ça m'a fait soudainement me dire qu'il y avait peut-être là une contrainte extérieure à la série qu'il lui fallait gérer. Et effectivement – pas loupé – puisque, excusez du peu, cette Heike Story se veut l'adaptation d'une vieille épopée chantée, elle-même reprenant d'une vieille guerre civile japonaise s'étant déroulée au XIIe. Et franchement, pour que ça ne sente qu'au troisième épisode, ça dit quand même quelque chose de la qualité d'écriture...
...du moins jusqu'au troisième épisode. :-(
Car le gros souci que j'ai rencontré avec cette Heike Story, c'est qu'elle ne parvient pas à tenir la distance, malgré son format très contracté.
Les raisons sont multiples, mais elles tiennent surtout aux contraintes posées par le matériau d'origine.
Premier problème me concernant, je trouvais que ce qui portait la série dans ces premiers épisodes, c'est la relation entre Biwa et Shigemori. Or le problème avec cette relation, c'est qu'elle se défait assez vite.
Ah mais la mort de Shigemori, ça m'a bien foutu un de ces blases ! Là-dessus, rien à redire : j'avais bien le seum que la série entendait distiller sur onze épisodes. Et on n'était qu'à l'épisode 4... Tout un programme...
L'autre souci qui émerge rapidement (dès l'épisode 5), c'est qu'on comprend assez vite où la série entend aller, comment elle entend le raconter, et malheureusement sans parvenir à nous surprendre (et c'est un euphémisme) sur toute sa seconde moitié.
Et en plus, il a fallu que s'ajoute à ça le fait que l'intrigue marginalise totalement ce qui était pourtant une belle curiosité scénaristique, à savoir le pouvoir des yeux vairons de Biwa et de Shigemori, ce que je n'ai pu m'empêcher de percevoir comme une forme de trahison.
D'un côté, je comprends que la série s'est sentie tenue de ne pas trop s'éloigner du matériau de base et de ne faire de cette belle curiosité qu'un élément périphérique n'agissent pas sur l'intrigue. J'entends également que ces yeux allégorisent très bien, comme c'était manifestement l'intention, cette impuissance de celui qui voit mais n'a d'emprise sur les choses ; mais de l'autre je trouve que Yamada réduit un peu trop facilement à l'état de gadget ce qui aurait pu être un magnifique outil pour revivifier et modernisé le récit raconté.
Parce que là, en l'état, ça ressemble surtout à une promesse non tenue ; à un subterfuge pour nous faire fantasmer un truc qui ne surviendra finalement jamais.
Bref, en un mot comme en cent, tous ces éléments ajoutés bout à bout ont participé à faire en sorte qu'au fur et à mesure des épisodes, j'ai fini par trouver la série particulièrement poussive, ne comprenant pas pourquoi elle n'avait pas fait le pari de se contracter encore davantage.
C'est qu'en plus de ça, elle a l'air d'avoir été un peu juste financièrement, cette série.
L'absence de bataille qui pouvait s'entendre au vu de l'histoire racontée lors des premiers épisodes s'entend beaucoup moins au regard de ce qui se passe à la fin. Et quand, lors du dernier épisode, on se retrouve finalement avec une scène de bataille, celle-ci irrite pas mal l'oeil tend la composition est fade, la mise-en-scène mal inspirée et surtout l'animation franchement sommaire. Cette série qui s'était jusqu'alors illustrée par de somptueuses compositions visuelles s'éteint sur un dernier épisode qui sonne comme un triste râle d'agonie.
M'enfin, je dis ça en étant quand même bien sévère, car si la bataille finale n'est certes pas du tout à la hauteur de l'événement, par contre la scène conclusive a eu pour grand mérite de me rappeler pourquoi j'ai malgré tout tenu à m'accrocher jusqu'au bout.
Parce qu'autant il lui arrive régulièrement de perdre le fil de sa démarche en produisant des scènes assez fragiles, à base de verbiages plats, d'accompagnements musicaux mal inspirés (là encore,.c'est un euphémisme) et de personnages mal dessinés (putain, le chevalier aux gros sourcils, quelle agression pour les yeux !) ; à l'opposé de ça, on se retrouve quand même souvent – et jusqu'au bout – des plans qui déboitent tout en termes de composition – un truc beau à en faire des captures d'écran – et qui souvent parvient à capturer merveilleusement l'état d'esprit de l'instant.
Pour tous ces moments-là, mais aussi pour cette belle conclusion, pour les morceaux de biwa, pour Shigemori, ou tout simplement pour ce superbe génétique de fin, The Heike Story, ça a le mérite d'exister et, surtout, ça a le mérite d'être vu.
Donc quand bien même cette Heike Story est un imparfait ouvrage,
Profitons malgré des instants de grave qu'il nous donne,
Car il serait franchement bien dommage,
Qu'une telle chanson ne joue pour personne...
Créée
le 12 août 2025
Critique lue 73 fois
2 j'aime
8 commentaires
‘’Dans le son de la cloche du couvent de Gion, il y a l'écho du caractère transitoire des choses humaines. La couleur des fleurs des arbres de Çaia avertit que tout ce qui est prospère est aussi...
Par
le 5 août 2022
3 j'aime
C'était naguère, cordes résonnaient dans l'instrument de la barde aux yeux vairons. Spectatrice malgré elle du changement, augure mauvais de la fin des Heike, elle serait la narratrice après que son...
Par
le 19 nov. 2021
3 j'aime
Celles et ceux qui me suivent un peu le savent : l'auteur (tous médias confondus) qui me parle le plus en ce moment, est Masaaki Yuasa.Alors forcément, quand j'apprends que le bonhomme a sa propre...
le 12 août 2025
2 j'aime
8
Il y a quelques semaines de cela je revoyais « Inception » et j’écrivais ceci : « A bien tout prendre, pour moi, il n’y a qu’un seul vrai problème à cet « Inception » (mais de taille) : c’est la...
le 27 août 2020
238 j'aime
80
Et en voilà un de plus. Un auteur supplémentaire qui se risque à explorer l’espace… L’air de rien, en se lançant sur cette voie, James Gray se glisse dans le sillage de grands noms du cinéma tels que...
le 20 sept. 2019
209 j'aime
13
Avatar premier du nom c'était il y a treize ans et c'était... passable. On nous l'avait vendu comme l'événement cinématographique, la révolution technique, la renaissance du cinéma en 3D relief, mais...
le 14 déc. 2022
164 j'aime
122