Le petit fonctionnaire affamé, le guerrier triste et l'eunuque calculateur

Adaptée d'un roman de Meng Xi Shi et produite par Jackie Chan, "Le limier de la dynastie Ming" est une série de haute qualité qui n'est pas sans rappeler "Le jour le plus long de Chan'Gan" par son aspect très documenté sur l'époque, les décors et costumes soignés, les enquêtes minutieuses et l'existence d'un complot terroriste menaçant l'empire. Cependant le ton est plus léger, l'action étalée dans le temps est moins stressante, l'humour aide à rendre plus digeste la torture, les écartèlements et meurtres en séries.
Nous avons trois personnages principaux qui représentent les trois axes du pouvoir sous la dynastie Ming: le petit magistrat de quartier qui gère les plaintes en tous genres et rend son jugement pour la caste des érudits, l'inspecteur de la garde impériale qui fait régner l'ordre pour l'armée et l'eunuque, espion et bras droit de l'empereur pour la politique du palais interdit. Ces trois organismes destinés à enquêter, faire respecter la loi et l'appliquer sont en rivalité selon le principe des dynasties impériales: ne jamais accorder trop de pouvoir à une faction et les limiter par l'opposition.
Ces 3 personnages se rencontrent lors d'une enquête complexe et agissant de concert pour la résoudre, ils commenceront à s'apprécier et nouer des liens d'amitié. Par la suite ils collaboreront sur des cas épineux, meurtres en série ou complots impliquant le gouvernement, et derrière certaines affaires commencera à se profiler la silhouette d'un personnage rusé, un redoutable adversaire qui dans l'ombre et le secret élabore un plan terrifiant.
Les 3 acteurs sont parfaits dans leur rôle: le petit magistrat, toujours fourré dans ses livres, génie de la déduction mais d'une naïveté confinant à la stupidité face à la trivialité(un geek quoi!), il est le plus drôle sans cesse affamé de petits plats gourmets ou d'enquêtes complexes à résoudre, le soldat vétéran, tourmenté par les souvenirs des horreurs de la guerre et l'eunuque, personnage ambigu, contraint de louvoyer avec une extrême prudence au plus près de l'astre impérial. Capable de la plus froide cruauté, esclave méprisé, il jouit d'un immense pouvoir qui peut à tout moment se retourner contre lui. Il en est bien conscient et cache soigneusement ses pensées.
Les 48 épisodes se dévorent sans qu'on s'en rende compte(de plus en plus courts!), le rythme est harmonieux, les scènes d'action sont très bien gérées, les enquêtes se chevauchent et s'enchainent sans heurts, se mêlent au quotidien, aux repas partagés car la nourriture est importante tout du long(pas seulement pour Tang Fan l'affamé), elle est un réconfort, une thérapie même pour le cuisinier et un lien très fort. On se régale des séquences de cuisine: raviolis, nouilles à la viande hachée, jarret de porc au sirop de miel, riz gluant... la liste des recettes est longue ponctuant joyeusement l'existence souvent difficile de nos héros et les faisant se réunir autour d'un bon repas.
Comme pour "Le jour le plus long à Chan'Gan" la reconstitution est très soignée, les lieux importants, rues marchandes, lupanars... costumes et objets usuels... c'est aussi un documentaire historique qui nous permet d'apprendre une foule de détails divers et variés de manière ludique comme le système des lois et punitions sous la dynastie Ming, confection de selles et charriots, la venue d'occident du maïs, du pistolet et des traités d'anatomie...etc... et peut donner envie d'en savoir plus( par curiosité, je me suis renseignée sur l'histoire des Oirats qui sont des tribus mongoles occidentales).
Un gros coup de cœur pour cette série, pour son équilibre, sa fluidité. Elle coule, apparemment simple et limpide, drôle, avec ses personnages attachants et cependant riche d'informations et de péripéties sans jouer la carte de l'émotion ni celle de l'action à multiples rebondissements.
Jackie Chan est de bon conseil!