Merci Sal Saperstein !

Seth Rogen a tout compris sur ce coup là. Parfois qualifié de gros beauf de la comédie US, à tort ou a raison, (souvent à raison pour cause d’excès de vulgarité et d’overdose de “bro, tits, weed, whore, James Franco, vomit, cool....”) Rogen sait malgré tout ce qui est drôle. Avec l’âge il murit, et s’éloigne de l’humour ultra limité de “frat collège” dans lequel se vautre encore bon nombre de ses collègues encore moins talentueux (Pete Davidson).

Once upon a time in Hollywood

A 40 ans passés, encore heureux vous me direz. Il n’empêche qu’il a senti à quel point l’univers du cinéma, et de sa production est un matériau extraordinaire pour faire de la comédie. Plus qu’aucun autre milieu, le 7e art est peuplé de personnages fous, géniaux, minables, anxieux, sensibles, agressifs, et excessifs auxquels tout peut être pardonné sous réserve de proposer des bons films ou des films qui rapportent de l’argent, les deux catégories étant de moins en moins recoupées.

Ces acteurs à l’égaux démesurés, ces réalisateurs animés de lubies qui ne reposent parfois que sur la cocaïne ou les traumas d’enfance, génèrent des excès en tout genre conciliables et crédibles dans une seule même série. Rogen réussit là ou l’insignifiant et lamentablement politiquement correct The Franchise, signé des ultra chevronnés Armando Iannucci & Sam Mendes, échoue dans les grandes largeurs.

Bien sûr The Studio n’est pas 100 % original. La critique de l’industrie hollywoodienne existe depuis des temps mémoriaux, il a eu les ensorcelés de Minelli il y a 70 ans, The Player y a plus de 30 ans, il y a eu Entourage y a 20 ans, et The Offer y a deux ans. Seth Rogen et son complice Evan Goldberg, les connaissent par cœur, ils ont tout digérés pour les mêler à des observations personnelles, car les deux producteurs sont maintenant des personnages hollywoodiens confirmés. D’où ce casting de choix (Paul Dano, Charlize, Scorsese, Ron Howard, Parker Finn, Bryan Cranston, Zack Effron...). Et Rogen fait une comédie ultra efficace sur le sujet.

Give me the pitch

Matt Remick (Seth Rogen) est fraichement nommé directeur d’un studio en plein déliquescence. Son sincère amour pour les “films” va être mis à rude épreuve en accédant à la plus haute fonction. Loin des Zanuck et De Laurentis, ce “fucking suit” quarantenaire et maladroit est mis en position de faiblesse constante face à des artistes qu’il vénère. Comment dès lors, agir en boss quand on est pris entre deux feux : celui de l’argent, et celui de l’intégrité artistique. Un casse-tête insoluble auquel se heurte à chaque épisode le malheureux Remick.

Quelques épisodes risquent de rester longtemps en tête (The pediadric oncologist, les Golden Globes et surtout “The casting” absolument anthologique, qui nous dévoile la prise de tête intense concernant le soucis de représentation des minorités chez Netflix et France télévision avec une chute géniale), et les références égrenées donnent un certain plaisir. Oui la connivence cinéphilique flatte un peu, mais entendre parler de Requiem pour un massacre, ou de Kalatozov en dehors d’un cadre sérieux et même téléramiste, et qui plus est sous la plume d’un “pétomane” tel que Rogen réjouit quand même un peu.

Rogen et Goldberg savent qu’ils ne sont que des amuseurs, des champions de la blague graveleuse, mais ils ne se prennent pas pour un autre. Leur série est une déclaration sincère d’amour au cinéma. Et si Mel Brooks figure désormais au panthéon du cinéma comique, pourquoi pas eux ?

Evidemment, The Studio joue sur quelques ficelles plus ou moins grosses, des gags se construisent sous nos yeux, et on les voient parfois arriver de loin ( la voiture garée dans l’année dans l’épisode 2, l’enquête policière bas de gamme à la chinatown dans l’épisode 4...), et les deux derniers épisodes sont un poil décevants car les auteurs retombent dans leurs travers cités plus haut en abusant sur les vannes faciles sur les bad trips. Mais l'ensemble est servi avec une telle fraicheur qu’il est compliqué de faire la fine bouche quand les séries comiques médiocres pullulent (animal control, Espion à l’ancienne, les aventures de dick turpin...)

The Studio est une série vraiment inespérée dans le climat actuel. Référencée, efficace, Rogen et sa sacrée de voix de merde reprennent un flambeau laissé vacant depuis la fin de Veep et de Curb your enthusiasm. Déjà meilleure série comique de l’année (à moins que la saison 2 de the Rehearsal...). Et ce n’est pas le reboot de The Office (qui s’annonce désolant) qui va changer quelque chose.