Hollywood et son nombril

[Attention, spoil présent, pas méchant] Récemment plébiscitée aux Emmys Awards, The Studio semblait être la série comique à regarder ce mois de septembre. Pourtant, et encore une fois, ce n'est qu'Hollywood qui se regarde le nombril.

Beaucoup de choses ne fonctionnent pas (sur moi du moins) dans cette série, à commencer par cet humour parfaitement américain de la surenchère permanente. En effet, il est plus simple de faire crier des gens en continu que de savoir écrire quoi leur faire crier. La majorité des scènes se voulant drôles passent systématiquement par deux, trois ou quatre personnages en train de s'hurler dessus. Si cela peut être efficace la première fois, les dix autres seront oubliables. De même, l'ensemble des ressorts humoristiques de chaque épisode est éculé au possible. Cette série, c'est un influenceur Instagram qui essaye de percer avec des vannes qu'on a déjà entendues et dont on connaît la fin. Épisode sur un plan-séquence : les 5 premières minutes débordent d'emphase sur la difficulté de ce type de plan, à quel point il faut être concentré et que personne ne doit déranger, et que se passe-t-il ? Le personnage principal va continuellement gâcher le plan. Quelle surprise. Idem avec l'épisode aux champignons hallucinogènes, dès le début on voit que le personnage principal ne sait pas gérer le dosage, et comme par hasard c'est le pivot humoristique du double épisode.

Sur dix épisodes, seulement deux ou trois vannes auront fait mouche, c'est peu pour une comédie qui y met les moyens.

Car en effet, des moyens il y en a, et beaucoup. Seulement, est-ce vraiment utile de rameuter la fine fleur du cinéma pour raconter une histoire si peu vraisemblable et si pauvre scénaristiquement ? Les stars s'accumulent, tant et si bien qu'on sort de l'épisode à force de se rappeler que untel a joué ceci ou cela. Parfois, les moyens sont utilisés à bon escient : la musique est parfaite. Accompagnement du rythme des dialogues bien plus que du reste, il y a là quelque chose de très efficace. Malheureusement, comme dit plus haut, ces mêmes dialogues peinent à être intéressants et même drôles. Existe-t-il une punchline qui restera ? Une seule ? Sans doute pas.

Les thèmes abordés sont pourtant parfois pertinents et demanderaient de la profondeur. Le racisme au sein de telle corporation, la nécessité de l'art face aux sciences, le combat des studios face aux plateformes, autant de sujets abordés de façon tellement superficielle que rien n'en ressort, on tente des blagues et puis rien ne se passe. J'ai rarement vu une série avec si peu d'idées.

J'hésitais à faire une partie sur le scénario et le personnage principal car, comme il s'agit d'une comédie, on pourra toujours faire valoir que, pour les besoins de l'humour, l'histoire n'est pas importante. Mais tout de même, le personnage de Seth Rogen est dans ce métier depuis 20 ans, il y consacre toute sa vie puisqu'il n'a ni femme ni enfant. Il grimpe les échelons jusqu'à devenir directeur. C'est une personne qui a donc dû côtoyer des stars, qui a dû prendre des décisions difficiles, qui a déjà dû participer à des événements liés au cinéma et pourtant chaque minute passée avec lui donne l'impression qu'il découvre le milieu. Il est continuellement dans ses petits souliers avec les stars, il ne prend aucune décision complexe sans la déléguer 8 fois à ses sous-fifres, à chaque événement c'est la béatitude totale devant les salles et les personnalités présentes. C'est à se demander s'il n'aurait pas été plus simple d'inventer une pirouette scénaristique en début de série pour faire en sorte que ce nouveau directeur soit pioché au hasard dans les rues de Los Angeles. Ainsi, sa candeur à ce poste aurait été légitimée. Autre problème avec ce personnage : il passe pour un amoureux du cinéma, celui d'auteur, celui des grands films, pendant deux épisodes, ensuite il acceptera volontiers d'être producteur d'une série d'action de 7 films et d'un film humour/zombie à base de diarrhée... Belle cohérence encore une fois.

Le fil rouge est inutile. Présent 4 épisodes sur 10, on le retrouve au premier, dans les deux derniers et quelque part au 6eme ou 7eme. Autant dire que, sur la majorité de la série, ce n'est pas un enjeu, ce qui fait que lorsqu'il revient sur le devant de la scène, on s'en fout un peu, sorte de fil à la patte, un peu lourd qui plus est. D'autant que l'idée d'avoir un thème par épisode était une bonne idée, mal exécutée la plupart du temps, mais l'idée était là.

Enfin, je passerai sur le fait que la série se veut une ode au cinéma, à la salle de cinéma et aux gens qui bossent pour faire des films, alors que justement il s'agit d'une série à regarder bien confortablement dans son canapé. D'autant plus que l'on se permet allègrement de taper sur Netflix et Amazon, mais d'où parle-t-on quand c'est Apple qui nous finance ? L'ironie est assez forte tout de même.

Ce furent 10 épisodes, heureusement courts, dont on a espéré jusqu'à la fin une belle vanne, une belle situation ou simplement un joli rire franc, et qu'on a finalement clôturés par un "ça, c'est fait", assez triste.