The Witcher
6.3
The Witcher

Série Netflix (2019)

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Beaucoup de moments gênants, très peu de passages réussis, et entre les deux on s'emmerde

Après quelques mois en soins intensifs, je suis enfin remis de cette vaste farce qu'est The Witcher selon Netflix. La version délivrée par Laurent Schmidt heurte en tout point ma sensibilité de fan de la saga littéraire et avec une réflexion supplémentaire, je trouve justifié de baisser encore ma note jusqu'à 1 pour ce nanard d'un amateurisme inadmissible en 2019 pour un si grand studio. J'édite donc aussi ma critique, sur la forme et non sur le fond, rédigée sous le coup de la déception je la trouvais fouillie. J'espère qu'elle présentera mieux.


Honnêtement, la catastrophe se profilait déjà de loin, dès l'annonce du nom de la showrunner et du fait que chaque épisode serait réalisé par un type différent. Concernant Lauren Schmidt, ses faits d'armes n'étaient et ne sont toujours pas à la hauteur d'un titre comme The Witcher. Elle a avoué sans aucun complexe avoir scripté la série Daredevil sans rien connaître de l'oeuvre originale ni de Marvel, soit disant parce que cela lui permettait d'avoir un regard neuf et objectif sur l'histoire. Or, les adaptations, surtout de romans et autres écrits, figurent parmi les exercices les plus périlleux, en témoignent les essais ratés ou du moins décevants sur les livres de Stephen King ou de Dan Brown. Pour ne citer qu'un exemple, le succès du Seigneur des Anneaux repose beaucoup sur la coopération entre Peter Jackson et une équipe d'experts en Tolkien qui a servi de garde-fou et de conseil afin d'éviter tout dérapage lyrique et de préserver la fidélité par rapport aux bouquins. De cette manière Jackson a réussi à rassembler à la fois le profane et le fan de la première heure, en proposant un univers attirant dès le premier coup d’œil tout en répondant aux attentes des connaisseurs. Malheureusement, comme avec Daredevil, Lauren Schmitt y est allée tête baissée, en lisant en diagonale la saga de Sapkowski avant de s'atteler à la rédaction du script. Et si elle n'y connaissait rien en Marvel, elle n'a visiblement rien compris non plus à l'univers de The Witcher en nous exhibant une version Twilight, politiquement correcte, cheap et bâclée d'un des plus grands noms de la fantasy, un contresens gravissime qui l'est encore plus si on rappelle les fanfaronnades de Schmidt qui s'affichait fièrement sur les réseaux lisant Sapkowski en assurant "s'imprégner pleinement de l'univers". Je rappelle également que Netflix a voulu se la jouer solo en toute connaissance de cause et en se mettant l'auteur dans la poche avec un gros contrat. Pourtant, partir de zéro au niveau graphique était un pari risqué, alors que le studio de jeu vidéo CDPROJEKT RED avait explosé et continue d'exploser tous les records avec ses jeux vidéos The Witcher. Même si Sapkowski n'aime pas le support, il a été forcé d'adouber les jeux face à un succès commercial aussi unanime et, s'il a trouvé que son message littéraire ne passait pas aussi bien à l'oral qu'à l'écrit, il a reconnu sans peine la clairvoyance du studio polonais quant à la modélisation de ses personnages, point très critique chez Netflix avec un casting douteux. Après cette TRÈS BRÈVE introduction, je vais tenter point par point d'expliquer ce qui m'a déplu et pourquoi, tout en essayant de prouver que le décalage entre l'oeuvre originale et sa version Netflix est bien trop grand pour être toléré.


L'histoire : Ou le scénario pour la série, le gros point fort de la saga littéraire, qui aurait dû offrir une solide base à la série pour démarrer sereinement et fédérer son public. Geralt de Riv est un sorceleur, un homme augmenté par des mutations qui lui confèrent des capacités surhumaines. Les sorceleurs sont une caste de chasseurs de monstres et bien que protecteurs des hommes face à la menace des créatures viles, ils sont traités comme des monstres eux-mêmes, des parias, du fait de leur différence. L'oeuvre de Sapkowski tourne d'ailleurs beaucoup autour de la xénophobie dont est victime le héros, mais aussi du racisme vécu par les non-humains : elfes, nains, halfelins. C'est là qu'apparaît la première contradiction entre la version Netflix et l'originale. Déjà, cette dimension est reléguée au second plan, les scènes clefs expliquant les grandes épurations et les conflits raciaux sont traitées de manière superficielle, alors qu'elles sont capitales pour montrer la cruauté du monde dans lequel on se trouve. De même, si Geralt n'est pas accueilli à bras ouverts, on est loin de l'animosité voire de la haine dont il est la cible dans les bouquins, Netflix préférant dévoiler le plus tôt possible son OST, véritable Ode au Sorceleur par Jaskier, air censé redorer le blason de Geralt. Deuxième point qui m'a semblé incohérent, si j'ai mentionné que les Royaumes du Nord étaient rongés par le racisme, sujet mis au premier plan et critiqué très fermement par Sapkowski, Netflix a encore fait du Netflix en faisant passer des enjeux politiques avant la fidélité de l'oeuvre. Les hommes du Nord chassent tout ce qui leur est différent, les elfes, les nains, les sorceleurs, mais aussi les déformés etc ... Pourtant, tout ce petit beau monde vit en parfaite harmonie avec le multiculturalisme, et on se retrouve dans des Royaumes du Nord inspirés par le Danemark et la Celtique du Moyen-Age qui sont aussi bien peuplés d'asiatiques que de noirs, de blancs etc ... On nous dit donc que les hommes persécutent les elfes parce qu'ils ont les oreilles pointues, les nains parce qu'ils sont petits, les sorceleurs parce qu'ils ont des yeux de chats, mais étrangement, en plus de détonner avec la réalité civilisationnelle Historique, cette petite société humaine parfaitement raciste n'a aucun souci avec la couleur de peau et au contraire adore les quotas ethniques netflixiens. Contradiction donc, avec le peuple Nordique tel qu'on l'imagine et tel qu'imaginé par Sapwoski, incohérence aussi sur ce racisme à géométrie variable pour répondre à des enjeux extérieurs.
Ceci dit, j'en reviens aux passages que je considère comme importants qui ont été amputés. On aurait pu croire que ce rabotage allait servir un meilleur développement de la trame principale, car il y avait du boulot. Un point géopolitique qui était absolument nécessaire n'est jamais arrivé, plongeant les spectateurs profanes dans un vortex temporel insaisissable fait de flash-back et de retours vers le futurs indigestes et surtout mal enchaînés, mal hiérarchisés pour la progression de l'intrigue. Néanmoins, ce temps récupéré sur des éléments pourtant importants n'a pas renforcé le fil rouge de la série, si bien que même les spectateurs aguerris comme moi ont pu se retrouver perplexes face à un scénario vidé de sa substance et de sa logique chronologique. Le choix de Netflix s'est plutôt porté sur ses personnages, certainement pour y attacher le public et le faire revenir malgré un début de show qui se profilait mitigé. Toutefois, des incohérences qui traduisent l'ignorance totale de Lauren Schmidt sur l'univers ressortent encore dans le traitement des personnages. En effet, le studio a décidé de mettre le paquet sur les personnages féminins, surtout Yennefer et Ciri. Il est absolument vrai qu'elles font partie du trio de têtes d'affiche, se partageant le rôle principal des épisodes successivement avec Geralt. MAIS, Netflix, pour renforcer les deux personnages, a décidé de grossir artificiellement leur background et de s'appesantir inutilement sur certaines bribes de leur passé. Dans les bouquins, aucun focus n'est fait sur le passé d'une telle ou d'une telle, on en apprend plus au fil de la lecture et tous les éléments indispensables à la compréhension des personnages se trouvent dans des événements clefs de la saga, qui devraient normalement tous réapparaître dans la version Netflix. Il me semblait donc vain d'en faire des caisses sur le background de Yennefer et de Ciri, à moins qu'il s'agisse de dissimuler une faiblesse évidente dans la rédaction du script. J'avais mentionné une contradiction à ce niveau, et j'y viens. Le temps consacré au passé de Yennefer met l'accent sur son passé rendu difficile par ses déformations, par l'homme qui s'est servi d'elle, par sa professeure qui ne voyait en elle qu'une grande source de magie. Cela dit, il fallait bien que la jeune femme puisse prendre sa revanche, et quelle revanche puisque Yennefer


la bossue va grâce à la magie et au prix d'un grand sacrifice devenir une femme fatale, considérant les hommes comme ses jouets comme Isdredd l'avait fait avec elle jadis.


Pour en rajouter une couche, Netflix est allé jusqu'à monter une scène de toute pièce pour délivrer son message féministe sur l'empowerement et la remise en cause du patriarcat. Alors oui, très bien, mais en fait non. Car si Lauren Schmidt s'était penchée sérieusement sur la saga, elle aurait bien vu que les femmes, notamment les magiciennes, occupent les véritables places de pouvoir. Elle ne sont pas dans l'ombre des rois, mais au contraire leur ombre, manipulant aisément ces monarques gâteux ou facilement tombés sous le charme de leur conseillère. Il m'aurait tout simplement suffit de parler de Calanthe, reine qui passe son temps à guerroyer, victimiser ses soldats et écraser le patriarcat. Dès lors, pourquoi en faire des tonnes sur le passé des personnages féminins comme Yennefer, pourquoi chercher absolument à montrer qu'elles sont des femmes fortes alors que Sapkowski l'écrivait déjà noir sur blanc ? C'est du Netflix me direz-vous, certes, mais plus qu'une incohérence - on n'était pas à une près -, il s'agit surtout au final de grosses pertes de temps. Or, le temps c'est de l'argent, et de l'argent, les séries n'en ont pas beaucoup. Du temps non plus d'ailleurs. Je comprends malgré tout le souci de Netflix, il est primordial d'avoir quelque chose à quoi se rattacher quand on se lance dans une aventures de plusieurs saisons. Et, quand on a pas encore le budget, plutôt que de se lancer de suite dans des scènes épiques et des tours de caméra impressionnants, on va au plus simple : la description, l'identification, les personnages donc. Un pari qui n'a selon moi pas payé, alors que Netflix avait dans son voisinage une série qui a elle bien réussi son entrée en matière. Game of Thrones, à défaut d'être une machine à fric dès le départ, a réussi à fidéliser son audimat avec des moyens limités. Les personnages sont bien présentés mais pas essorés pour les laisser évoluer, les décors qui n'étaient pas encore grandioses ont délégué un temps la vedette aux huis-clos étouffants de complot. Ce que je reproche à The Witcher de Netflix ici, c'est d'avoir délaissé la trame et la construction de l'intrigue, ou a minima de l'avoir repoussée dans un souci de facilité. Avec tout ça, j'arrive au dernier épisode de la saison, et je me dis que la plupart des milestones n'y sont pas. Les péripéties de cette S1, qui correspondent aux deux premiers tomes de la saga sont devenues le background du background. Je ne peux que ressentir l'incompréhension du profane à la vue de The Witcher, qui s'est certainement senti perdu dans la timeline cahoteuse et ballotté entre les longueurs consacrées aux trois héros et les passages éclairs et en désordre sur l'histoire en elle-même. Les jeux de pouvoirs, l'état de la guerre qui fait rage, auraient comme je l'ai mentionné, mérité un point géopolitique général. C'est, je pense, ce qui a découragé plus d'un spectateur non averti et qui a alimenté le sentiment majoritaire de "on a rien compris à la timeline" et même s'il s'agit pour beaucoup d'un manque d'attention, il est vrai que Netflix n'a pas non plus fait d'efforts là-dessus. Les moments phares de ce premier quart de saga si je m'en réfère à la chronologie des livres, qui auraient pourtant nécessité un épisode entier à chaque fois, ne sont finalement que très peu détaillés. Le Banquet avec Pavetta et Duny forme pourtant le point de départ de la destinée unissant nos trois héros, or ce passage a été vidé de tout son côté épique et rassemblait plus à un repas de famille digne d'un nanard américain qu'au huis-clos haletant qu'il aurait dû être. La Bataille de Cintra quant à elle a été découpée à l'emporte-pièce et semble-t-il réintégrée au hasard au milieu des huit épisodes de la saison. On remarque bien que Netflix a essayé à la fois de faire concorder le présent des trois personnages tout en respectant, certes pas très scrupuleusement, la progression des nouvelles de Sapkowski. Ce qui en ressort, c'est un foutoir sans nom de retours vers le futur et de flash-back insensés, pari raté donc. Quant à la Bataille du Mont Sodden, pinacle de la guerre entre le Nord et le Niilfgaard, elle est victime de quelques incohérences qui auraient pu passer inaperçues si seulement le passage ne s'était pas démarqué par son côté cheap. La pluie de feu des livres et devenue une banale vague de braises, les combats entre mages et soldats sont caricaturaux au possible au point de se confondre avec une bagarre de manchots. Dernière incohérence dans le déroulement de l'histoire pour moi, si j'ai mentionné l'instrumentalisation du racisme que l'on retrouve dans l'oeuvre originale et les inutiles messages féministes créés par Netflix comme étant des incohérences, soyez rassurés car vous n'êtes pas encore arrivés à la fin de la farce. Le Nord, censé être raciste, xénophobe, identitaire, traditionaliste et attaché à ses terres, est dépeint comme multiculturel ou toutes les ethnies vivent en harmonie. C'est bien normal, car ils sont les gentils de l'histoire. EN REVANCHE, quelle ne fut pas ma stupéfaction lorsque je vis l'ENNEMI venu du Sud, l'empire du Niilfgard mené par la terrible Flamme Blanche qui danse sur la tombe des ennemis, autocratique, meurtrier, ici pour imposer sa loi et sa vision du monde, QUELLE NE FUT PAS MA STUPÉFACTION vous disais-je, lorsque je vis à l'écran ces soldats aux yeux bleus, les traits sévères, la mèche blonde ou noire plaquée sur le côté. Les gentils hommes du Nord vivent heureux ensemble sans distinctions, les méchants hommes du Sud venus pour mettre la pagaille ressemblent à des nazis, alors que Sapkowski les imaginait plutôt comme des méditerranéens. Merci Netflix, la boucle est bouclée.


Le casting : Il y a, comment dire, un énorme fossé entre le Geralt des livres et le Geralt de la série. Sapkowski le décrit comme un homme famélique, livide et décharné, Henry Cavill est BG, bodybuildé et respire la bonne santé. Malgré tout, Cavill est un VRAI FAN (coucou Schmidt) de la saga et des jeux, il connait donc Geralt par cœur. Il a selon moi plutôt bien saisi le jeu du personnage : grognon, désabusé et inexpressif. Cela dit, je tends à penser que n'importe quel acteur correct collant un minimum au physique de Geralt aurait pu le jouer, le personnage est un monstre de froideur censé ne ressentir aucune émotion, autant dire qu'un épouvantail aurait pu le jouer. Je trouve donc dommage d'avoir claqué autant de fric dans le cachet de Cavill, alors que ce n'est clairement pas lui qui pourra crever l'écran par ses performances d'acteur.
Pour Yennefer, je m'attendais à quelqu'un d'autre pour incarner la séductrice, la femme fatale manipulatrice (Eva Green ?). Mais bon, finalement Anya Chalotra, bien qu'un peu mignonnette pour ce rôle, fait le boulot. Elle semble s'être bien approprié le côté revanchard de Yennefer, sa hargne, mais aussi son ambivalence et ses faiblesses cachées.
En revanche, pour Ciri c'est une grosse déception. De petit diablotin, véritable peste, personnage flamboyant, téméraire et charismatique au possible, on passe à une première de la classe sans aucune aura ni combativité.
Pour ce qui est du reste, des sidekicks comme on dit, très bon choix pour Tissaia de Vries, Calanthe et Sac-à-Souris, exactement comme on les imagine, raccords aux descriptions de Sapkowski et ressemblant aux modèles des jeux. Ce qui me gêne en revanche, plus pour le message que pour le jeu, c'est que Netflix a encore fait du Netflix en ignorant le boulot de l'auteur pour servir des intérêts qui dépassent la série. On avait eu L dans Death Note, dans The Witcher de Netflix c'est Fringilla Vigo. "Yeux verts, peau pâle, mèche brune" ... ça se passe de commentaires. Honnêtement, aucun problème avec le jeu, l'actrice joue très bien le personnage. Seulement, personnage inventé soit, quand un auteur se donne la peine de détailler ses personnages, qu'il s'embête à les imaginer et à les décrire fidèlement, c'est tout de même la moindre des choses que de respecter son travail. Légère déception pour Triss, chez qui j'aurais aimé retrouver une chevelure plus flamboyante, son attribut principal. Inutile d'épiloguer sur Eist Tuirseach qui est devenu un gros beauf et Vilgefortz de Roggeveen qui n'a pas du tout montré son arrogance ni son caractère hautain pourtant solidement collés au personnage.
Je finis par Jaskier, barde loveur international. Toujours déçu par le physique choisi, j'aurais aimé retrouver sa moustache-mouche et ses bouclettes comme dans les livres. Malgré tout, Joey Badey est véritablement l'alter-ego de Jaskier niveau caractère. Son intonation chantante, son insouciance, son côté un peu chiant aussi, tout y est, et c'est parfait comme ça.


La réalisation : La fin de Game of Thrones a laissé un grand vide, une place à prendre pour le prochain mastodonte de l'heroïc-fantasy. Si vous pensiez que The Witcher était le candidat numéro un, passez votre chemin. La série dans son ensemble fait très low-cost, parfois nanard, parfois sitcom des années 1990. J'ai mentionné un monde sombre et cruel, mais les décors et l'atmosphère sont poussés à l'extrême jusqu'à devenir caricaturaux, jusqu'à ressembler à du Burton ou à Twilight, on a parfois l'impression que Robert Pattinson va débouler de derrière un arbre. Les scènes en extérieur sont correctes, les décors naturels sont OK et bien choisis, mais sans être un expert je peux dire que niveau filmique c'est ridicule. Là où Game of Thrones s'était distingué par de nombreux plans superbes, des scènes de bataille chaotiques à vous en faire tourner la tête, des face-à-face édifiants,The Witcher se cantonne à des champs contrechamps tout simples, ou à des plans moyens banals qui nous enverraient presque à Malibu chez Mon Oncle Charlie. Tout ça, c'est très bien pour une comédie ou un programme qu'on regarde avec la moitié (ou 90%) du cerveau à l'arrêt, mais là, on a envie d'être dedans, et malheureusement on n'y est jamais. Quant aux décors intérieurs, on a à la fois cette impression de vide et de fake. Les pièces manquent pour rendre les scènes authentiques, c'est tellement le néant qu'on remarque presque les faux murs. Ajoutez à ça une animation immonde des monstres, une CGI à vomir qui donne l'impression que les créatures sont sur un autre plan, comme mal collées sur le paysage. Impossible de ne pas parler de ce moment gênant où des nains censés être pétrifiées continuent d'avoir des spasmes de tension visibles à l'écran, où encore ce moment au cours duquel un dragon parle dans nos têtes, la bouche immobile, par flemme ou par peur de foirer une animation de plus.


Bref, Netflix voulait faire de The Witcher une série grand public et elle a réussi, tous les messages politiques moyens y sont pour ne choquer personne. Geralt est beau et fort, Jaskier est marrant, Yennefer et Ciri sont ultra-travaillées jusqu'à être essorées, l'histoire de Sapkowski a été allégée pour mettre l'accent uniquement sur la destinée des trois héros, renvoyant au second plan, voire à la poubelle les jeux de pouvoirs annexes qui pourtant sont primordiaux. Pour quelqu'un qui ne connait pas l'univers, la série est un divertissement correct pour passer le temps, même si j'imagine qu'on peut se trouver dérouté face à une réalisation aussi hasardeuse.
Pour ceux qui se demandent comment Andrzej Sapkowski pourtant si fier de lui et de son oeuvre a pu laisser faire, la réponse est très simple. Il a vendu à l'époque (2005 par là) ses droits à CDPROJEKT RED pour une bouchée de pain, lui qui n'aime pas les jeux vidéos refusait de croire que The Witcher pouvait buzzer sur PC et console. La suite, vous la connaissez, un des plus grands succès commerciaux de l'histoire, 50 millions d'exemplaires seulement sur Steam, des millions d'euros de royalties sur lesquels Sapkowski s'est assis par orgueil. S'il a réussi à en récupérer une partie après un procès qu'il a gagné je ne sais comment, et bah le vieux à toujours la haine. Depuis le buzz de TW3, il vend sa licence un peu partout pour des produits dérivés, Netflix n'est qu'un contrat de plus, pour la thune. Le succès de son oeuvre, il l'a déjà connu, ses livres sont encore plus plébiscités qu'avant, qu'on massacre son oeuvre aujourd'hui, on dirait qu'il n'en a plus rien à cirer.
En revanche, pour les connaisseurs et les fans pointilleux comme moi, je ne vois pas comment se satisfaire d'une telle production. The Witcher par Netflix est une farce et même une insulte. Quand on sait quel potentiel la série a, le buzz absolu qu'elle pourrait faire moyennant un travail sérieux et une coopération étroite avec des experts, on ne peut qu'être déçu par cette adaptation discount. On ne reconnaît ni les personnages, ni l'intrigue multiple et les destins croisés qui pourtant font le charme de la saga. The Witcher de Netflix est une version édulcorée, vidée de sa substance, moyenne, d'un des plus grands titres de la fantasy. Mais bon, fallait-il s'attendre à autre chose de la part de Netflix ?

Tartepaigne
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le 21 déc. 2019

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