Y, le dernier homme est sans conteste l’une des meilleurs séries de comicbooks. Que ce soit avec son premier numéro marquant, ses thématiques, les questions qu’elles soulèvent, ses personnages, leurs introspections, son univers, les ramifications qui en découlent, ou même par son esthétisme visuel… C’est une série qui, cinq ans après l’avoir terminée, me marque encore. Une série dont j’attendais impatiemment l’adaptation, elle-même projet de longue haleine. Et puis, après des années d’attente, nous y avons enfin eu droit. Mais entre COVID et budget de productions, la voilà annulée avant même que la diffusion de la saison 1 ne soit terminée ; puis définitivement enterrée quelques mois plus tard. Cruel. Et pourtant, pas si surprenant.
Parce que cette première et unique saison est extrêmement frustrante. Frustrante, parce qu’elle n’est pas mauvaise en fin de compte. Elle propose pas mal de bonnes idées ici et là, se permettant des libertés avec l’œuvre originale tout en proposant de nouvelles approches qui n’étaient pas forcément au centre des comics, et qui permettent d’ancrer le récit dans un contexte plus actuel. Je pense notamment à l’importance données aux personnes trans, et la question profonde de genre dans notre société, mais aussi à la contrebalance avec les femmes aux idées beaucoup plus conservatrices. Les conséquences sur les aspects sociaux, gouvernementaux, politiques, économiques sont aussi encore plus approfondies, accompagnées par de nouveaux personnages qui apportent un plus à la dynamique du récit. Donc oui, alors même que la série posait ses bases et avançait ses pions, la voir annuler sans coup de semonce et voir tout ça jeter par la fenêtre a de quoi susciter la frustration.
Mais au-delà de ça, cette série est frustrante parce que malgré ses bonnes idées, elle n’arrive pas à décoller. Là où le premier numéro du comics nous scotchait, le premier épisode se révèle presque morne. En dehors de peut-être quelque sursauts ici et là, cette saison nous donnera l’impression de passer tous les épisodes avec le frein à main. Comme si elle avait peur de lâcher son plein potentiel, qu’on devine sous-jacent, de pouvoir s’exprimer pleinement et d’atteindre les sommets dramaturgique de son modèle. Ressenti renforcé par le fait que la série précipite certaines sous-intrigues, détruisant l’effet dramatique derrière (je pense notamment à l’intrigue autour de Nero, même si elle apporte beaucoup de choses intéressantes), mais sans pour autant en poser les bases pour conduire au « pay-off » attendu. Heureusement, le casting (Diane Lane en tête) permet de donner une dimension aux scènes, mais on reste encore bien loin de ce que j’attendais d’une telle adaptation.
Du coup, il en ressort une demi-déception, en partie compensée par l’annulation rapide. Ou plus clairement : il en devient dommage, a posteriori, de voir que la saison s’est réfrénée pour se retrouver annuler aussitôt, là où elle aurait peut-être eu à gagner à lâcher les bœufs dès le début, quitte à lever le pied une fois l’accroche réussie. Il en reste donc un grand gâchis : gâchis d’une série qui avait de bonnes idées et qui n’a pas eu le temps de les concrétiser jusqu’au bout ; et gâchis d’une série qui ne réussit jamais vraiment à atteindre le niveau de son modèle, comme si elle se tétanisait devant la tâche à accomplir. C’est bien dommage.