Une série avant-gardiste et rétrograde

Présentation (sans spoilers)

Years and Years est une série résolument moderne et pour cause, elle ne reste qu'un temps dans le présent avant de situer son action quelques années plus tard. Focalisée sur la famille Lyons, elle s'attarde autant à l'évolution de la famille dans le temps qu'à l'évolution du contexte social et politique de Grande-Bretagne - et du monde plus généralement. Que ce soit dans son casting ou dans l'écriture des personnages, la diversité est mise à l'honneur pour servir l'intrigue et le propos de la série. Qu'on se le dise d'emblée, la série est un drame où les catastrophes s'enchaînent dans une spirale chaotique particulièrement saisissante pour peu que l'on ait quelque sympathie pour les personnages. D'ailleurs, la série joue du cut pour souligner l'accumulation d'événements catastrophiques, avec un thème qui reviendra d'épisode et qui suffira à installer une tension anxiogène dès qu'il retentit - une grande réussite.

Avis (spoilers potentiels)

Il eut été facile pour une série familiale d'anticipation de jouer deux cartes : celle du progressisme exacerbé, où tout ira pour le mieux dans le meilleur des mondes et celle du conservatisme, où "tout était mieux avant". L'ingéniosité de la série réside dans cet entre-deux constant : les nombreuses conférences vocales de la famille, quoiqu'un peu irréalistes, permettent souvent d'exprimer des réactions différentes, si ce n'est opposées, aux événements qui se produisent. Aucun jugement moral n'est donc véritablement donné, si ce n'est ceux des personnages donc évidemment subjectifs. L'infidélité sera alors ellipsée ou condamnée par les personnages selon qu'elle se produise dans un couple homosexuel sans enfant, ou un couple hétérosexuel avec des enfants. La série reflète dans ces cas la réalité sociale plus qu'elle ne la juge - libre au spectateur de les juger d'ailleurs.

La descendance, le choix et la liberté sont des sujets que la série aborde avec une grande finesse et beaucoup de nuances. L'épisode final, très réussi, vient éclairer le tableau sombre qui s'esquissait dans les cinq premiers épisodes avec moins de justesse ou de réalisme, au profit d'une lueur d'espoir qui semble plus tenir du parti pris. Seul le monologue de la grand-mère Lyons ("Tout est de notre faute") résonne au sein du drame et soulève un poison majeur des sociétés : la passivité. Nous ne faisons rien si ce n'est regarder un monde vivable dépérir et se déshumaniser lentement mais pas inévitablement - c'est au moins ce que le drame essaye de porter.

Je pense qu'une partie des gens déçus l'ont été à cause de la fausse promesse d'anticipation que l'on retrouve avec la technologie, mais qui n'en est pas véritablement une. J'ai au contraire beaucoup aimé ce futur proche et potentiel avec toutes ses dérives et ses catastrophes qui nous guettent. Le rythme était haletant, chaque épisode résonne avec le précédent et amorce la tension du suivant. En somme, la série cherche à définir l'humain, à saisir ses limites parfois fuyantes, mais aussi à montrer ce qui est inhumain. Une très bonne mini-série qui fait passer par toutes les émotions. Dommage qu'une saison 2 ne soit pas prévue.