Your lie in april c'est un peu un machin qui s'octroie des passe-droits dans mes habituels spectres de jugement. Je le défonce un peu et j'y reviens.
D'abord c'est lourdeau, comme anime. Explicite, pieds-dans-le-plat. Ça peut pas s'empêcher d'ouvrir sa bouche en permanence, ça peut pas juste laisser vivre sa mise en scène et sa DA. On vous dit que les musiciens s'expriment par la musique, qu'ils n'ont pas besoin de mots, et pourtant ils vous tartinent leurs performances de voix off lourdingues, ils vous enfoncent des clous dans des portes ouvertes en permanence.
Ensuite c'est pas innocent, dans la démarche. Le truc est concrètement pensé, au sens le plus mathématique du terme, pour vous nouer la gorge. À cette fin c'est rond, subtil, parfait, ça dit pile les bonnes choses au bon moment pour appuyer sur les bons boutons. C'est consciemment, rationnellement, intelligemment foutu pour chatouiller les glandes lacrymales, pour bouleverser, pour hacker votre psychologie et y injecter des émotions. En somme c'est pas juste là pour être bêtement beau et se laisser vivre en tant que matière chaude, c'est d'abord un produit de divertissement câblé sur l'émotion.
Maintenant que j'ai dit tout ça, je peux en revenir aux passe-droits.
Reste que Your lie in april, malgré la lassitude qu'impose parfois sa laborieuse lourdeur, malgré le recul qu'impose sa propre conscience de lui-même en tant qu'objet attractif, reste que... bah il percute. Oui c'est premier degré, oui c'est ouvertement fait pour percuter, et on peut bien faire le malin à garder un regard sur ces grosses ficelles ; mais sur le terrain, les faits sont là : c'est beau, et pour peu qu'on coche quelques cases intérieures histoire de pas passer à côté et de se faire un peu choper... ça percute.
Passé la couche de blablabla et d'attractant chimique, du vrai et du beau il en a sous le capot. Les pieds il les met dans le plat avec élégance, son explicite est explicite mais pas stupide ou à côté de ses bottes. Ça a tendance à taper juste sur ce que ça aborde.
Alors ça va pas forcément au bout de tout, ça veut vous laisser du feel-good et du vivez-votre-vie sur la langue. Le flegme béat du personnage principal nous fait flotter au-dessus des choses, nous protège, nous interdit de descendre dans le terrier du lapin. À côté de ça, si je prends par exemple l'un des matériaux les plus présents de l'anime, i.e. la compétition, j'ai envie de dire qu'être le meilleur ce n'est pas qu'inspirer et tirer ses rivaux vers le haut, c'est aussi provoquer l'envie et la méchanceté, et ça l'anime n'y met pas un orteil. Prenez aussi la mort : finalement, on tourne autour mais on l'ellipse. L'œuvre veut bien faire pleurer pour le plaisir de faire pleurer mais c'est pas son projet d'aller au bout du réel. Et si je devais vraiment lui reprocher un truc c'est ça. Pas tant son premier degré et ses ficelles émotionnelles que, plutôt, cette sélectivité malhonnête dans les angles d'attaque de sa matière, sa lâche volonté de rester un anime d'été tourné vers l'espoir et l'humanisme malgré des constructions esthétiques qui appelaient à un peu plus de désespoir et de pessimisme.
Pour autant, malgré tout ce que je peux lui coller à charge... il demeure, encore une fois, que si on a la chance de pas passer à côté, ça percute. En tant qu'expérience sensorielle et émotionnelle, ça pose quand même sérieusement les coudes sur la table.