Les meilleurs films de 2018 selon CORPS-ANTI

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Il s'agit, s'il fallait le préciser, d'un métrage d'une ampleur phénoménale — qui peut donc évidemment exister sans le visionnage de chacun, mais qui est nécessaire d'être, à savoir fait ; le regarder peut être un devoir, le réaliser a été un travail ethnologique, une manière d'accéder à la vérité (puisque celle qui nous est présentée est multiplement indiscutable), ce qui me semble le plus juste (essentiel) possible.
Le lien avec le réel, la vérité, me semble se situer encore plus directement vers l'événement-même qui est le sujet de ses films ; Wang Bing accède peu à peu à une vérité ici car (la parole d'un être n'étant pas une source viable) : les histoires racontées durant les entretiens s'entrecroisent, les noms se répètent, et les lieux mentionnés prennent forment lorsque Bing s'y rend lui-même ; la somme qui se forme petit-à-petit est une ; c'est un travail au même titre que de grands écrits anthropologiques.
Wang Bing s'extrait du cinéma ; ses images n'ont pas la vocation du langage filmique habituel — et nous ne sommes plus spectateurs.

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Abdellatif Kéchiche fait disparaître les signes, l'interprétation que l'on s'évertue à justifier au Cinéma ; tout est là, et le reste manquant se trouve déjà là, entre les césures ; l'art ultime, en réussite idéale : si proche de la vie, que l'on s'y plonge, que l'on y disparaît ; du haut Cinéma–de la vie sincère — lorsque la vie est sincère, qu'y reste-t-il à y chercher ? c'est l'utopie ! la chanson du générique, qui vante la ville de San Francisco–de ses gens, (people in motion,) ; c'est irréel de réalité ; il y a des surprises naturelles ; c'est jubilatoire de simplicité–réussite humaine qui ne cherche rien [il veut sa Comédie humaine].
La scène d'ouverture, une peu répugnante, est une clef de ce monde — et tout le film est comme un rattrapage–une justification de ces images —— et puis il y a cette ritournelle des choses qui, revenant, se font douce habitude, des éblouissements du soleil dans la discothèque de la vie. Grands mots simples pour ce film sans fin [à suivre…].

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Discours de remise de prix :


Nous sommes cinéphiles.
L'on ne se demande pas si le cinéma nous aime.
Nous l'observons, le réfléchissons à notre manière.
Un film nous a particulièrement permis ce rapport de possédant–possédé, d'être aimé.

C'est un film qui poétise sa mise en scène par le cadre, les lumières. Il sait garder ses distances avec les personnages, mais ce n'est que pour mieux nous les faire sentir, leur laisser vivre leur vie dans espace déterminé, et déterminant.

Un film qui mélange les temporalités nous ressemble au moment où nous nous y perdons nous-mêmes, ne sachant plus de quel présent faire partie. Le langage cinématographique communique alors à ce moment quelque chose de supplémentaire, une expérience que nous ne devons pas avoir forcément vécu pour s'en sentir touché.
À la fois précis et labyrinthique, il sait se construire dans l'espace comme dans le temps. Ce film mène de front montage et déconstruction, compression et dilatation pour nous montrer finalement tout ce que le cinéma peut faire du matériau réel, éveillant en une nuit plusieurs décennies.
Ce genre de geste cinématographique est particulièrement présent dans les choix de programmation du festival des trois continents [re-merciements glissés] ; la diversité des formes proposées n'altèrent pas le contact que chacun s'offre au visionnage d'une œuvre réussie.
Nous sommes ceux qui traçons le chemin de cet aller-retour avec le métrage.

C'est, nous le croyons, la juste transcription d'un sentiment universel que nous avons souhaité féliciter ce soir, dans son expérience cinématographique et personnelle, dans un geste qui happe l'ensemble d'une transformation, d'un passage au sentiment, du support à l'expérience, de la fiction au réel. Le temps de s'enfermer dans une salle obscure, une nuit d'hiver...

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홍상수 nous donne de quoi croire : un récit qui se répond à lui-même [par d'autres récits–points de vues, des croisements, des évolutions], qui s'effonde, creuse ses voix dans les idées — celle de la mort, celle des sentiments, de nos relations aux autres, ce que l'on peut imaginer attendre d'eux —, dans une raison sensible du réel.

Annotation :

Il est fascinant de découvrir de tels portraits. La passion comme moteur cinématographique, délivre des paroles visibles. La rareté commune d'être(s) humain(s) se rattachant à la vie par des portes de sorties dangereuses (drogues, armes) — des personnages à n'en plus finir ; une Œuvre qui pourrait se constituer de cet univers de Southern Belle, étendu avec les images filmées mais non choisies qui, en expansion, atteindrait dans un rapprochement illimité son spectateur.
Le réalisateur l'a dit lui-même (ce que l'on pouvait déjà lire sur son visage et dans le flot de ses paroles) : « il faut se brûler un peu [pour approcher avec tant de confidence des individus qui n'ont comme limite inférieure que la frontière invisible que s'impose la plupart des gens, et comme limite supérieure aucune considération législative] » ; des individus qui « ont besoin d'exister » : évidemment ; l'insensée évidence.

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Très joli premier rôle du temps.

Annotation :

J'y ai trouvé un sincère et réel élan ; il y a bien sûr l'indifférenciation sexuée–découlant genrée, et la manière de filmer chacun (voire : la possibilité de faire jouer des femmes pour des hommes et vice versa — beaucoup de tentatives récentes [ne présume-je pas cela nouveau non plus] : Ma Loute, Tomboy… —— et qui emmène aussi vers des distanciations entre l'amour, le sexe, et cætera, quelconquement les sexes [Heartsone, Phantom Thread] ——— et plus encore : les sexualités) ; les cadres et couleurs qui se mélangent un peu (trop) aléatoirement ; des explosions stylistiques à la mode, pas nouvelles, mais plus osées (une nouvelle-nouvelle génération de cinéastes ? ou l'investissement d'artistes [visuels/plastiques/du Fresnoy] plus forcée dans le Cinéma [d'auteur]) ; quelques mots osés du cinéaste, qui brisent le fantastique–le rêve vers le réel (la volonté individuelle qui ne peut s'empêcher — la dernière réplique, du professeure [« Les filles, un conseil pour vous : ne soyez pas vulgaire. » (de mémoire)]). Un film pas bête, intelligemment fait même — pas comme je l'y attendais.

Annotation :

Si l'apparence peut sembler à celle d'un Wiseman, l'approche de Brac diffère en ça qu'elle y met des êtres différents dans le même contexte, appuyant l'humain d'abord (tantôt exacerbée — « La vie est trop belle putain ! » — ; tantôt plus refoulée, quand un homme âgé raconte ses [non-]aventures avec deux jeunes filles lors d'un voyage en Croatie, tergiversant un peu, se justifiant plusieurs fois ; plus tard en narrations indirectes, s'additionnant les histoires racontées d'immigrés politiques & sécuritaires, qui augmentent les portraits à des situations & de plus grands questionnements [des afghans sentis étrangers à leur retour sur leur terre natale — avec pour rêve : d'y faire venir leurs amis d'une seconde vie en France]), plus que l'île comme territoire exclusif où à raison ceux-là s'y mêleraient.

Annotation :

À la fois plus poussé que les précédents (tout le film reposant [au premier dénouement = nœud, chez Dupieux] sur une situation — qui se remarque au visionnage et justifie toute la narration centrale), et plus facilement déroutant puisqu'une fois l'insensé ayant pris sens, un nouveau jeu de clefs est donné pour retourner le film vers l'absurde visible. (Scène d'après générique qui fait boucle — il faut toujours rester poli au cinéma, et rester pour le nom de tous les participants.)

Annotation :

Sauf au début : (où le visage du protagoniste prend une allure monstrueuse sur un simple changement de point de vue, alors que l'on devine ses actes [au-delà de ce que le spectateur averti en sait : il parle] :) le dispositif ne (se] transcende pas. Fascinants portraits psychologiques, cela dit, malgré l'avarice des mots, avec un frère pas en reste.
(Aussi : ai-je eu un peu de mal à saisir le passage aux images pornographiques au centre du film [¿ est-ce l'un des protagonistes ?], pour une expression sexuelle plus banale dans son fétichisme — humanisons-nous l'acte pour son fantasme [« Le cannibalisme n'est qu'une extension d[u désir primitif de lécher les lèvres de son amant]. » ; « Le fantasme engendre le fantasme qui engendre le fantasme. »] ; le réduisons-nous à des résultats sensoriels qui mènent au très haut [« L'odeur [du tampon exhumé du cadavre] est bien au-delà de mon fantasme. »]… Au moins : n'y portons pas de jugement immédiat [au-delà de l'évidente imprescriptibilité d'un tel acte], et méditons-y [pas trop].)

Annotation :

Daniel, Léon, Jacquotte, Philippe, Bernard, & Guillaume.

Annotation :

De l'expérience contre l'attente ; alors un film sensible, à soi sans problème.

Annotation :

Comme nous le répéterons : un film d'action [réussi, donc] — si l'on ajoutait « pur », ce ne serait que pour souligner son côté réél (cascades faisant disparaître nombreux trucages inutiles ici pour plus de « réalisme ») & univoque (sans détour — sans nous détourner : c'est le seul gros film que je n'ai absolument pas trouvé sexiste ; le film utilise les retors du cinéma [ce qui peut laisser le spectateur sur le carreau sert l'intrigue] —— à la limite : les anarchistes en reflet négatif).

Annotation :

Travail sonore perturbant ; éléments donnés au compte goutte (¿ quid d'un revisionnage ?) ; le film propose un univers singulier mais perfectible à la narration (personnages dont on se débarasse, fausses pistes).
Un film d'une rare fantasmagorie (dans ce sens : aux nombreux fantasmes : l'attrait des corps jeunes, spécieux, de la violence…).

Annotation :

Bonus.

Annotation :

En attendant l'invisible. [Erratum.]