Maus I, « Mon père saigne l’histoire »
Le jeu du chat et de la souris


Le premier tome de la bande dessinée parut en 1980 et est publié six ans plus tard. Il s’agit d’une œuvre autobiographique produite par Art Spiegelman. Le juif américain décide, lorsqu’il est adulte, de rendre plus souvent visite à son père, Vladek. Il est motivé à écrire un livre à propos de la vie de ce dernier durant l’entre-deux guerres et le début de la seconde guerre mondiale. Malgré leur relation difficile, Artie écoute attentivement son père qui ne manque pas un détail. Vladek lui fait part de ses conquêtes amoureuses, dont la mère de l’écrivain qui nait après la guerre à Stockholm. L’histoire racontée se passe en Pologne.
Anja est issue d’une famille aisée juive. Elle rencontre Vladek avant qu’ils ne se marient et n’engendrent leur premier enfant : le petit Richieu, tué en 1944 par sa tante. Victime de problèmes de dépression et de maigreur, Anja prend des cachets et suit un traîtement pour tenter d’améliorer sa situation. L’antisémitisme commence à se développer quand Vladek est mobilisé avec d’autres soldats puis devient prisonnier de guerre des nazis. On le force à travailler dans d’abominables conditions. Au bout de six longues semaines, ses amis de camp pensent que le panneau indiquant que les Allemands recherchent des remplaçants pour le front est un piège. Vladek lui, ne refuse pas d’être traîté comme un humain et se dévoue. Parche trume lui donne un espoir de pouvoir s’en sortir. Il parvient à s’échapper en se faisant passer pour un polonais et étant aidé par un contrôleur de transports publiques. Les biens de la famille leur sont enlevés. Ils ont l’obligation de vivre dans un ghetto où ils doivent se cacher pour ne pas être arrêtés et déportés à Auschwitz, dont ils ne peuvent certifier l’existence. Un dicton d’Abraham conduit le couple Spiegelman à se réfugier en Hongrie. Néanmoins, les nazis les coincent et les emmènent vers le camp de la mort…


Cette bande dessinée éditée par Flammarion m’a énormément plue car Art Spiegelman exprime son ressenti par rapport au comportement froid qu’a son père avec lui, tout en montrant les dures épreuves de celui-ci. De plus, l’autobiographie confirme que c’est une histoire qui a réellement eu lieu, ce qui touche davantage les lecteurs. On sent que l’auteur n’a pas peur d’avouer ses rancunes personnelles. Il dévoile même qu’il finit par insulter Vladek d’assassin à cause de la destruction qu’il a fait subir aux documents d’Anja suite à son suicide. D’ailleurs, les illustrations noires et blanches reflétent le malheur et la haine, à mon interprétation. Ce que je trouve absolument exceptionnel dans les dessins, c’est que les personnages soient caricaturés. Les juifs prennent l’apparence de souris alors que les nazis sont des chats : proies et chasseurs. Les polonais eux, sont représentés par des cochons. Cela est une manière de faciliter la différenciation des partis. La BD entremêle deux époques, A. Spiegelman coupe de temps à autres la parole de son père pour lui poser une question pertinente ou lui dire de raconter les événements dans l’ordre chronologique. Ce fait apporte quelques précisions supplémentaires et aide les lecteurs à maintenir le fil du récit de Vladek. Nous découvrons en même temps qu’Artie.


Maus est un témoignage et une façon dirais-je artistique de sensibiliser la société à l’Histoire. En voici un déroulement intéressant à lire et qui donne vraiment envie de connaître la suite. Le deuxième tome m’attend !


Maus II, « Et c’est la que mes ennuis ont commencés »
Quand les chats ne sont pas là, les souris dansent.


Le deuxième tome autobiographique de la bande dessinée est publié en 1991, encore une fois édité par Flammarion. A. Spiegelman continuait à se rendre régulièrement chez son père, toujours aux Etats-Unis, pour écouter ses histoires à propos de son long séjour à Auschwitz. Il a pensé à utiliser son magnétophone pour les enregistrer. Grâce à cela, il put produire la deuxième partie de Maus. Oui, Vladek est décédé d’un infractus et du diabète entre temps.
Art Spiegelman explique le succès de son premier tome traduit en quinze langues. Les interviews grouillent de tous les côtés. Les journalistes lui demandent même de faire une adaptation en série télévisée. Malheureusement l’auteur se sent émotionnellement faible. Il est épuisé de tout ce travail, il est près de devenir papa et est hanté par le fantôme de son père.


Retour en Pologne. Vladek est à Auschwitz II, où vingt-mille autres juifs servent aussi de mains d’œuvre. Anja est détenue à Auschwitz Birkenau, cinq fois plus peuplé. On peut mourir de maigreur dans ce camp. La nourriture est la chose la plus précieuse ici. Les minuscules morceaux de pains qui servent de repas ne font tenir que peu de gens. La malice de V. Spiegelman le sauve à plusieurs reprises.
-Il s’allie secrètement avec l’un des garde en lui donnant des cours d’anglais. Il est payé en pain et arrive à obtenir des vêtements plus adéquats pour son ami en manque.
-Le cordonnier du camp est absent, alors Vladek se fait passer pour un homme de même métier. Ses connaissances en la matière lui permettent de réparer quelques chaussures, jusqu’à ce qu’un S.S. débarque. Celui-ci l’oblige à renouveler sa botte, ce que le juif ignore faire. Dans le cas contraire, la vie lui sera enlevée. Il accourt alors auprès d’un prisonnier qui était cordonnier afin de conclure cette affaire. Le S.S. surpris par le soit-disant exploit de Spiegelman, lui offre un repas. Ainsi de suite… La ruse dérive sur un business vital.
Vladek découvre par une certaine Mancie qu’Anja est en vie. Elle est terriblement mal traîtée mais survit pour l’instant. Son mari est ensuite envoyé à Dachau, en Allemagne, après une révolte de prisonniers. La guerre touche à sa fin en 1945 et il échappe a la mort.
A Sosnowiec, Anja apprend par une gitane voyante et par l’organisation juive que son époux malade vit encore. Le départ pour la Pologne de ce dernier est aussitôt prévu.


J’admire la chance immense que le couple a eu de survivre au pire système élaboré : les camps d’extermination. Les deux amoureux ont la stricte interdiction de communiquer. C’est un sentiment horrible transmis aux lecteurs. La citation « se quitter pour mieux se retrouver » dit vrai. Je fus sincèrement émue par les retrouvailles de ces miraculeux rescapés. Art a laissé en dernière page un hommage de la tombe de ses parents. Cela est touchant une fois de plus. L’auteur assume les problèmes qu’il eut croisés puisqu’il mentionne Pavel, son psychologue. Il avoue aussi se sentir soulagé suite à une séance. Au début, il admet qu’il ne sait pas par quel animal représenter sa femme française dans le livre. Le fait de raconter sa lune de miel avec Françoise, de montrer comment se passaient ses journées avec son père, évoquer la séparation de Vladek et Mala (remariage après le suicide d’Anja)… tout ça est en dehors de l’histoire principale mais est quand-même écrit. J’en viens à penser que l’auteur tient beaucoup à cette œuvre car il y exprime les périodes de sa vie qui l’ont profondément tourmenté, lui mais son père également. Comme quoi leur relation compliquée à gérer les rapproche fortement l’un de l’autre au final.


La double histoire de la BD ne dérange en aucun cas sa compréhension. Le deuxième tome mérite d’être lu : c’est la suite d’une réalité triste mais merveilleusement bien racontée. « Profonde » est l’adjectif que je lui attribue.


Ecriv1

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le 3 juin 2018

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