Amoklauf
Amoklauf

Film de Uwe Boll (1994)

Avant ses adaptations de jeu vidéo d'une médiocrité cynique et fracassante (House of the dead, Alone in the dark), Uwe Boll était un réalisateur peu connu, sinon tout à fait underground. Amoklauf, son deuxième film (juste après Berschel) est en dissonance avec ce qu'il présentera par la suite, mais il présente déjà les thématiques exprimées par Boll dans ses films les plus personnels ou ambitieux (dont Rampage qui est généralement tenu pour son meilleur opus). Pour les spectateurs des années 2010, cette séance-là sera autrement déroutante, révélant un visage inattendu de Uwe Boll, même si le résultat n'est pas moins bancal.


Amoklauf est un pur produit du glauque allemand tel que Buttgerreit, Schizophrenia ou à sa manière (plus 'fun') Premutos l'ont exulté. Toutefois en plus de passer après les autres (du moins les plus décisifs), ce maillon là n'a pas grand chose à exprimer, ni de qualités d'écriture ou d'invention suffisantes pour se démarquer. Uwe Boll plonge dans une réalité minable, affichant un héros mutique dans le désœuvrement moral le plus complet, nul et nu, suivant poussivement une existence végétative. Il se traîne au travail et s'ennuie au restaurant, avant de rentrer chez lui regarder des vidéos enregistrées.


Entre les jeux et le porno, il se passe des extraits de Face à la mort, fameux mondo présentant des morts parfois réelles. Et c'est ainsi que le film vire au gag involontaire et interminable ; ou comment habiller la médiocrité avec des déjections chocs éparses et de gros élans racoleurs de bas étage. Côté bande-son, le catalogue à disposition est excellent, employé à fond, mais cela ne suffit pas pour tronquer la marchandise. Amoklauf a son petit cachet pittoresque, le mérite d'accomplir quelques essais étranges, comme ce passage devant l'aquarium.


Malheureusement, sitôt que se découvre une bizarrerie, un ton, Uwe Boll fait durer la trouvaille, étale ses scènes à en mourir, alors que ça ne voulait déjà presque rien dire. C'est trop complaisant d'y voir une évocation fidèle de la misère ou de l'abjection humaine, car effectivement Buttgereit s'intéressait déjà à ce domaine, ne l'amenait pas toujours bien loin, mais son langage était infiniment plus riche et pénétrant (Schramm, Der Todesking). Uwe Boll fait du grotesque à la fois bouffi et rachitique. C'est soporifique, les idées ne sont jamais cristallisées et cela se termine sur une tuerie débile accompagnée de ralentis homériques.


Comme le quarantenaire amorphe interprété par Martin Armknecht, on ressent une immense lassitude, non à traverser une existence pathétique (il s'ennuie mais il est aussi dense et vif qu'un chewing-gum esseulé) mais à contempler cet aveu vide. Reste une tentative, intrépide mais court-circuitée par la bêtise et l'impuissance, de sonder l'expérience du néant, montrer comment elle débouche sur la violence. Le faire et le vouloir, même sans savoir précisément, c'était déjà énorme.


https://zogarok.wordpress.com/2016/09/22/amoklauf/

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le 14 août 2015

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