Ah, les histoires d'amour non consommées ! Elles planent sur nos vies, nous hantent parfois, comme une lame bien aiguisée qui glisse sur notre peau, elles se rappellent à nous dans un curieux mélange de douceur et de cruauté. Elles concentrent tous nos fantasmes de jeunesse, elles donnent une saveur nébuleuse aux vies fantasmées ; ce n'est en fin de compte pas des "vies passées" dont on parle réellement mais plutôt des "vies perdues". Des histoires d'amour embryonnaires pour l'éternité ou, comme le croit la légende évoquée dans le film : des pièces qu'on dispose et qui feront sens dans nos vies futures.

Tout le monde en a connu, tout le monde comprend donc les tourments sentimentaux des personnages. D'un côté, elle, avec ce garçon connu dans l'enfance qui ravive le souvenir d'une Corée laissée derrière elle, comme un traumatisme nécessaire, même bénéfique, mais dont la cicatrice reste prégnante et parfois indéchiffrable. De l'autre, lui, qu'on devine (plus qu'on ne voit, car il reste mystérieux) solitaire, romantique, et peut-être idéaliste (l'idée du monde de sa jeunesse doit coûte que coûte correspondre à la réalité du monde adulte).

Ils sont attachants, à partager des moments ambigus à distance par webcams au début de leur vingtaine, avant de se retrouver plus d'une décennie plus tard à New-York, en se demandant ce qu'a été leur vie, si la banalité pèse dans la balance contre les illusions de la jeunesse. La personne pragmatique que je suis peut penser : vous ne vous connaissez pas vraiment, vos vies respectives sont sensées, concrètes et elles vous représentent. S'accrocher à une idée du passé est au mieux immature, au pire stupide au possible.

Mais... Mais la personne sensible et l'éternel romantique que je suis se dit aussi : il suffit d'un regard, d'un moment, pour que l'éphémère devienne éternité et qu'on s'en foute de la raison, de la logique ; seul compte ce moment où, en se regardant, en se frôlant, on ressent cette intensité romanesque, qu'on ne retrouve habituellement qu'en chansons ou en poésie : celle du tout, tout de suite, sans retenue.

Bref, un beau film sur ces instants de bonheur fugaces et cette complicité étrange entre des presqu'inconnus qui auraient pu être tant de choses et qui resteront pourtant à jamais "ceux qui se séparent". Deux mondes qui ne pourront jamais entrer en connivence et dont on gardera toujours l'idée, la saveur, amère, douce, cruelle, qu'au fond, tout était là ; mais tout est perdu.

-Dream
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le 21 déc. 2023

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