Taram et le Chaudron magique
6.3
Taram et le Chaudron magique

Long-métrage d'animation de Ted Berman et Richard Rich (1985)

Dans la petite ferme de l'enchanteur Dalben, Taram, un jeune valet de ferme, souhaite devenir guerrier. Dalben apprend grâce au don divinatoire de la truie Tirelire que le Seigneur des Ténèbres recherche le chaudron magique pour ressusciter une armée de morts-vivants. L'enchanteur craint que le Seigneur des Ténèbres essaye de kidnapper le cochon afin d'utiliser ses pouvoirs pour localiser le chaudron. Il demande à Taram d'emmener Tirelire dans un chalet secret à la limite de la Forêt Interdite.

Eh ben! On est quand même très loin du désastre annoncé!! Certes "Taram" n'est pas un chef d'œuvre ni un incontournable de Disney mais demeure un divertissement très sympathique et qui n'a pas à rougir face à d'autres œuvres de fantasy de la même période, étant donné les difficultés de sa production.

En effet, le métrage a été victime de divers frictions au sein de la boite d'animation et faillit tout bonnement ne pas voir le jour! Raccourci de dix minutes dans le montage final par le directeur du département d'animation Jeffrey Katzenberg, édulcoré suite à des projections test désastreuses, gangréné par un conflit générationnel portant sur le ton et le style de l'animation, ainsi qu'un retard conséquent suite à la valse des animateurs qui passèrent la main sur le projet( avec des noms aussi illustres que Ron Musker, Don Bluth et Tim Burton, cédant finalement leur place à une équipe moins portée sur les "excentricités de style" et beaucoup plus classique dans l'exécution). A sa sortie, et malgré le fait que certaines critiques louèrent ses qualités techniques, "Taram" n'en fut pas moins une perte financière et une chute de prestige pour le studio aux grandes oreilles qui tenta de dissimuler son existence pendant près d'une décennie. Néanmoins, le film connut une seconde vie, conquérant le cœur de nouveaux spectateurs grâce à son exportation en VHS en 1997... Disney ressortit même ce dernier en DVD (avec un nouveau doublage, vu que le studio adore faire redoubler ses classiques). Alors, après cette folle odyssée, que vaut vraiment le film?

Ma foi, il est plutôt très correct. Pas révolutionnaire, mais clairement pas aussi catastrophique qu'on pouvait le craindre. Commençons en évacuant les défauts notables: oui, le film a quelques soucis de rythme et de tonalité dus aux remontages et à l'orientation incertaine vis-à-vis du public. Le coté mature, voire franchement horrifique par moments, tranche parfois avec la niaiserie de l'ensemble, ce qui donne le sentiment d'un manque de direction globale. On sent aussi par moment un manque d'information qui peut s'avérer dérangeant vis-à-vis de certains points d'intrigue comme les pouvoirs du chaudron.

De même, certains personnages sont franchement dispensables au récit tel le "mentor" du héros, Daelben l'enchanteur ou le barde Ritournelle, qui ne dépasse jamais son rôle de comic -relief et dont on aurait franchement pu s'épargner les moments "gaguesques", totalement inutiles à l'intrigue.

Enfin, le manque d'inspiration dans les design des personnages. Un défaut dont Taram n'est pas le seul Disney à souffrir (à cette période, on sentait la panne créative, notamment dans "Robin de Bois" qui allait jusqu'à reprendre des "frames" entières du "Livre de la jungle" et des "Aristochats"). Ainsi son personnage principal ressemble à un mixte entre Peter Pan et Arthur du dessin animé "Merlin l'Enchanteur", et sa dulcinée possède le chara design le plus générique des princesses Disney.

Cependant, là où le film se rattrape c'est sur le soin apporté aux créatures fantastiques peuplant l'Univers de Pryeden. On pense bien entendu à son bad guy, qui aura probablement traumatisé une génération d'enfants de par son look et sa prestance: mixte entre Maléfique, la Reine de Blanche-Neige et le dieu de la nuit d'une "Nuit sur le Mont Chauve"... Sauf qu'il s'agit de la version squelettique, en putréfaction et encapuchonné, ce qui fait encore plus peur! Son sous-fifre n'est pas en reste, mélange entre un gobelin déglingué et un bourreau grognon... Et puis, Gurkie, sorte de gentil Gollum dont le travail de l'animation est fluide et soigné (que ce soit du point de vue des expressions faciales et des mouvements!)

L'autre point notable est le travail sur les environnements combinant prises de vue réelles, animations sur toiles et numérique. Travail qui n'est pas sans rappeler les diverses expérimentations sur les films de fantasy qui avaient lieu à cette période, et on pensera en premier lieu aux films de Ralph Bakshi notamment son seigneur des anneaux (projet lui aussi maudit!). J'ai aussi vu pas mal de similarité avec "Tygra: la glace et le feu" et "Wizard" du même réalisateur, aussi bien dans le mélange de techniques, que dans la texture des décors et dans le design de certains personnages. Non pas qu'il y ait lieu de parler de plagiat mais plus de recherche esthétique, prouvant une vraie volonté de se démarquer malgré ce retour à une forme "classique", revirement effectué en cours de route. Notamment via un très beau jeu de lumière et à une bande-son unique et reconnaissable entre mille, signée Elmer Bernstein.

Enfin, ce qui rattrape le film est, une fois de plus, cette capacité du studio à nous immerger dans une intrigue claire et linéaire, nous entrainant dans un périple fait de crainte et d'émerveillement permanent, et à créer de l'investissement et de l'empathie pour des personnages à la limite de l'archétype. Ainsi, Taram, bien qu'un peu fade au début, acquiert une profondeur insoupçonnée, au fur et à mesure des évènements. Son évolution étant liée à ses erreurs, cela en fait un héros moins unidimensionnel qu'on aurait pu le croire au début. Il s'inscrit dans la droite lignée d'un Luc Skywalker, jeune et inexpérimenté qui ressent l'appel de l'aventure mais devra apprendre à maîtriser son tempérament et ses rêves de grandeur pour se plier à la réalité de son monde en faisant confiance aux autres.

Il en va de même pour Guki, que j'évoquais plus haut, qui cherche à sortir de sa solitude mais demeure lâche et poltron, jusqu'à la fin de son arc, où il en viendra à sacrifier sa vie pour sauver la mise. C'est assez surprenant dans un Disney de voir des thèmes comme la solitude traités avec sérieux mais le film s'en tire admirablement. Les personnages ont ce qu'il faut, à la fois d'agaçants et d'attachants pour qu'on ait envie de les voir triompher et évoluer. L'aventure se suit sans déplaisir malgré les quelques errances qui témoignent de son statut d'œuvre maudite!

Bref, en dépit de ses imperfections, Taram et le chaudron magique s'en tire admirablement en délivrant une aventure un peu classique mais acceptablement mise en scène. Le rendu n'est pas optimal mais témoigne de l'ambition de renouveau artistique en cours des studios Disney, qui trouvera une nouvelle consistance dans les années à venir.

Aegus
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le 27 janv. 2024

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