The Palace
3.8
The Palace

Film de Roman Polanski (2023)

Un film difficile à accepter, à digérer, c'est ce qui fait la recette d'une satire essentielle pour notre temps. Dans une attaque scabreuse et outrée, Polanski caricature et effrite la classe politique et dirigeante avec un tel souci que son humanité est presque méconnaissable, mais alors, elle n'en devient que plus reconnaissable, peut-être. Polanski les présente presque comme des marionettes des Guignols / Spitting Image transposées dans le réel, ce que les médias des oligarches ne veulent jamais montrer dans leurs presses faites à l'élite au pouvoir dans des congrégations telles que le Forum économique mondial. Raison de plus pour apprécier l'audace autodestructrice de Polanski, qui, à 90 ans, se permet d'envoyer battre tout le monde avec une possible finale scandaleuse à sa filmographie. Une partie du brio de ce film réside dans le fait qu’il reflète l'effondrement global par les politiciens, les célébrités  les médias et les banquiers, tel qu'il se produit sous nos yeux. La panique de l'an 2000 est l'allégorie savante que trouve le film pour présenter la métastase dans cette cellule représentée par l'hôtel le plus luxueux de Gstaad, en Suisse, où aristocrates, célébrités, politiciens et des courtisans se frottent l'un à l'autre. Cleese en industrialiste pépère, Ardant en sorte de vieille dame France macroniste botoxée, plongée dans son propre monde, s'occupant de son chien de compagnie, Rourke avec son toupet de Trump, Oliver Masucci en maître d'hôtel allemand exaspéré, figure du maitre des cérémonies, comme le personnage de Cabaret, qui observe avec recul le microcosme, sont tous excellents en bien vu dans leurs rôles. Le film n'est pas distribué, contrairement aux précédents films de Polanski, puisque Polanski a été cancel au niveau international. The Palace a été présenté (et décrié) pour la première fois l'automne dernier au Festival du film de Venise et circule désormais de manière officieuse, sous le manteau, tel un écrit interdit, un tamizdat.

Durant cette saison de remises de prix pour les professionnels de la profession, de téléralité à Gaza, de mésinformation, The Palace est une œuvre subversive. Comme le remarquait Amos Vogel, « les gardiens existent pour être renversés », ce qui explique la revulsion, la hargne des critiques symbolisée par sa note de "0" sur le réputé site de copinage RottenTomatoes. Si ses critiques avaient de la jugotte, ils reconnaîtraient la démarche de Polanski à réaliser ce film, à faire d'eux les dindons de la farce, ils ne seraient pas pris dans leur propre turpitude. S'ils étaient crédibles, ils auraient descendu le film sans le noter ou en lui donnant une note parfaite. Le film de Polanski est joyeusement amoral et met le nez du bourgeois (et même du public) dans sa turpitude comique. Reprocher au film d'être moche, crade, grotesque, vulgaire, sans poésie ou romantisme, démontre leur propre manque d'analyse politique. Mais le film de Polanski est anti-romantique. Son scénario, co-écrit avec son collègue polonais de l'école de cinéma Jerzy Skolimowski, vise le cirque social et politique institutionnel devenu banal. L'image de l'Union européenne est apparanté aux traits sociaux de chaque personnage, des traits si grossiers par rapport à la réalité que Polanski pourrait être poursuivi pour diffamation, la vengeance politique de choix. 

Chaque scène de Palace est vraiment une blague juteuse qui repousse les limites, où les révélations de corruption, de détournement et les perversités sexuelles se croissent et franchisent le cap, s'empillant jusqu'à l'écœurement. Polanski a déjà réalisé des films d’horreur, mais celui-ci la montre sous le trait des hypocrisies des progressistes sociaux et de toute l'élite mondiale bienpensante dans un grand guignolesque vociferant, sans hargne et avec une vulgarité fine, qui rappelle déjà les traits que Polanski a donné à Noah Cross, l'industriel monstrueux de Chinatown. L'équilibre entre moqueries et condamnations montre les griefs d’un homme mondain, mais loin d'être innocent, comme disait Angel à sa douce Tess défloré, « Je pensais que tu étais une enfant de la nature, mais tu es la dernière d'une lignée d'aristocrates décadents. »


Et comme le dit le directeur du Festival de Venise, Alberta Barbera, aux grands enfants rouges et verts qui veulent faire barrage à l'art.

« Je ne comprends pas pourquoi on ne peut pas distinguer les responsabilités de l’homme de celles de l’artiste, Polanski a 90 ans, c'est l'un des rares maîtres en activité, il a réalisé un film extraordinaire. C'est peut-être le dernier film de sa carrière. » Et, en écartant le CGI et quelques gags, c'est tout un film, une farce qui joue avec habilité entre Laurel et Hardy et John Waters. Polanski nous montre que la satire n'est pas morte avec South Park.

DYNASTIA
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le 20 févr. 2024

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